Jonathan Carter vient d’être réélu au poste de responsable du projet Debian.
(Photo tirée de son programme de 2019)
La suite de la dépêche retrace le déroulement de l’élection.
Sommaire
- Déroulement des élections
- Les candidats et leurs programmes
- Thèmes abordés lors de la campagne
- Détails, statistiques sur les votes
- Après le vote
Déroulement des élections
Comme chaque année, le poste de DPL (Chef de Projet Debian) était à pourvoir au sein du projet Debian.
Le processus des élections s’est déroulé en trois étapes :
- les nominations : du 5 au 11 mars 2022, les candidats se sont fait connaître et ont publié leur programme
- la campagne : du 12 mars au premier avril 2022, tout le monde a pu poser des questions aux candidats et débattre sur la liste debian-vote.
- le vote : du 2 au 15 avril, les membres du projet Debian ont voté suivant la méthode Condorcet.
Les candidats et leurs programmes
Pour le mandat de 2022, trois personnes se sont portées candidates. Cette section présente leurs programmes respectifs. Les questions et débats sont traités dans la section suivante « Thèmes abordés lors de la campagne ».
Felix Lechner
Felix Lechner est le premier à s’être présenté. Il s’agissait de sa première candidature.
Son programme consiste à réduire les conflits, redevenir une distribution aimée, et faire rajeunir les effectifs de Debian.
Jonathan Carter
Jonathan Carter, le DPL sortant, s’est à son tour présenté pour tenter de remporter un troisième mandat.
Dans son programme, il justifie sa nouvelle candidature par la difficulté de faire avancer les choses pendant son second mandat à cause du gel qui a précédé la publication de Bullseye. Il souhaite donc profiter d’un troisième mandat pour progresser sur les sujets qui n’ont pas encore abouti.
Son programme consiste tout d’abord à formaliser l’existence de Debian et ses relations avec les Trusted Organizations dont elle dépend. Ses propositions reprennent pour partie certaines de Brian Gupta, dans sa candidature en 2020.
Le principal sujet technique de son programme concerne les microprogrammes, dont la gestion est de plus en plus difficile pour Debian et ses utilisateurs. Jonathan souhaiterait se rapprocher de FSF, l’OSI et la Linux Foundation pour tenter de trouver des solutions ensemble, et est prêt à utiliser les fonds de Debian pour le développement de microprogrammes libres.
Hideki Yamane
Hideki Yamane s’est présenté pour la première fois.
Dans son programme, il exprime sa volonté d’apporter du changement à Debian, pour par exemple améliorer l’expérience des utilisateurs et des contributeurs ou renouveler les infrastructures.
Thèmes abordés lors de la campagne
Cette section regroupe une synthèse de tous les autres sujets abordés sur la liste debian‑vote. Il s’agit de questions qui étaient adressées aux trois candidats.
Communication du DPL
Louis-Philippe Véronneau a demandé aux candidats leur opinion sur les Bits from the DPL, ces rapports réguliers envoyés autrefois régulièrement par d’anciens DPL en exercice.
Jonathan a logiquement supposé que la question le visait principalement, vu qu’il était celui qui avait mis fin à ce rythme de publication. Il a admis que la tâche lui était difficile. Tout d’abord, la pandémie de COVID a beaucoup ralenti certaines activités du DPL intéressantes à signaler (rencontres, acceptation de sprints, etc.), et la charge d’informations à retenir puis à restituer est trop importante pour lui. De peur d’encore plus s’éparpiller, Jonathan ne s’est donc pas engagé à relancer ces rapports réguliers.
Felix s’est engagé à suivre un rythme mensuel.
Quant à Hideki, après avoir souligné l’importance de ce genre de publication pour le projet, il a fait remarquer qu’il a déjà écrit de tels rapports réguliers pour un magazine japonais pendant plusieurs années, donc il n’aurait pas de problème avec cela, modulo un peu d’assistance pour corriger son anglais.
Code de conduite et Community Team
Andrew M.A. Cater a demandé aux candidats ce qu’ils pensaient du code de conduite et de l’équipe Community. Le code de conduite (CoC) est en effet entré en vigueur il y a huit ans et l’équipe Community existe depuis environ la même période, mais les deux ont toujours des opposants. Andrew souhaite donc savoir comment réconcilier tous les points de vue. Il est à noter qu’Andrew Cater fait partie de l’équipe Community, mais qu’il a posé sa question en son nom uniquement.
Hideki a proposé l’idée que contrairement aux principes du logiciel libre selon Debian (DFSG) et au contrat social auxquels les membres du Projet se réfèrent très régulièrement, le CoC relève plutôt du « bon sens » et n’a pas encore totalement intégré les esprits. Selon lui, il faudrait en faire une partie intégrante du processus de nouveau membre (comme le DFSG et le contrat social) et également former les membres actuels.
Sur l’équipe Communauté, Hideki souhaite plus de transparence sur leurs actions. Par ailleurs, il pense qu’il faudrait faire appel à de l’aide extérieure (counseling) sur les sujets pour lesquels le projet n’est pas qualifié.
Felix approuve le code de conduite mais est en désaccord avec sa mise en œuvre. En particulier, il trouve que le CoC est appliqué de façon arbitraire et partiale. Sa solution serait de le raccourcir et simplifier pour le rendre moins sujet à interprétation. Il ajoute des liens vers des « prises de décisions » de CT en se demandant qui a pu approuver ça en dehors de l’équipe.
Pour appuyer ses arguments, il a notamment cité un avertissement qu’il a reçu de l’équipe Debian Account Managers (DAM) en 2021 et dont il ne comprend pas la sévérité.
L’existence juridique de Debian
Christian Kastner a demandé à Felix et Hideki leur avis sur la création d’une organisation Debian et s’ils comptaient faire à ce sujet durant leur mandat. La question n’était pas adressée à Jonathan, car il avait déjà abordé le sujet dans son programme.
Pour rappel, la création d’une fondation Debian était au cœur du programme de Brian Gupta, candidat à l’élection de 2020 à laquelle une dépêche a été consacrée.
En effet, Debian n’a aucun statut juridique et est partiellement représentée par ses Trusted Organizations : SPI, Debian suisse et Debian France.
Selon Felix, Debian n’est pas actuellement en état de devenir une organisation, par manque de gouvernance suffisante. Il souhaiterait remédier à cela en instaurant un système démocratique de « boards » (bureaux), de commissions qui opéreraient de façon transparente, et un conseil élu pour gérer les fonds de Debian.
Hideki approuve la création d’une organisation et souhaiterait déléguer cela à une équipe dédiée.
Forces et faiblesses de Debian
Lucas Nussbaum, lui-même ancien DPL, a demandé aux candidats comment allait Debian selon eux, et qu’elles étaient ses forces et faiblesses.
Felix pense que Debian est à la traîne par rapport à d’autres distributions et environnements de programmations qui évoluent plus rapidement et sont davantage financés. Il envisage de forcer un conseil stratégique pour trouver des solutions à cela, puis a raffiné sa proposition. Theodore Ts'o a fait remarquer que les détails concernent surtout la mise en place du conseil, mais pas ses prérogatives. En particulier, comment mettre en application les décisions d’un conseil stratégique dans un projet porté essentiellement par le volontariat de ses membres ?
Felix y a répondu que cela permettrait au moins d’aider le DPL à orienter ses efforts, ainsi que toutes les personnes souhaitant y participer.
Hideki pense que la qualité de Debian continue de s’améliorer et que le travail de Debian se retrouve notamment dans ses dérivées de plus en plus nombreuses et dans les conteneurs basés sur des images Debian. La réputation de Debian d’être un système trop vieux est selon Hideki le point faible de la distribution, réputation évidemment infondée d’après lui.
Jonathan a fourni une réponse très détaillée.
Pour résumer, il pense que Debian va plutôt bien, sans pour autant aller très bien. Fonctionnellement, les choses avancent, comme le projet fasttrack qui vient d’être lancé pour proposer une archive dédiée à tout ce qui est trop rapide pour les archives habituelles. Les processus s’améliorent en continu (ex. les votes récents sur les modes de vote). Tout va aussi très bien financièrement parlant, puisque Debian est au plus haut depuis le début du projet, malgré des dépenses importantes.
En revanche, Debian est toujours selon lui un puits sans fond à problèmes, non seulement parce que la grande portée du projet implique énormément de problèmes techniques, mais aussi de nombreux problèmes sociaux, notamment en termes de diversité, qu’il espère améliorer grâce à l’initiative des groupes locaux.
Distributions dérivées
Après avoir rappelé la grande diversité des relations entre Debian et ses distributions dérivées, Paul Wise a demandé aux candidats et aux autres lecteurs et lectrices de debian-vote ce qu’ils pensaient de la situation actuelle et ce qu’ils voudraient changer dans l’approche de Debian vis-à-vis des dérivées.
Note : Paul fait, entre autres, partie de l’équipe derivatives, qui tient la liste des dérivées.
Felix propose de distinguer deux catégories de distributions dérivées : celles qui cherchent à se différencier de Debian, et celles qui n’arrivent pas à atteindre leurs buts avec Debian.
Il n’a pas grand-chose à dire sur les premières, puisqu’elles ont décidé de vivre leur propre vie.
Parmi la seconde catégorie, il cite Devuan et Ubuntu.
Il fait aussi un détour par les autres distributions et souhaiteraient par exemple que Debian et Arch joignent leurs forces.
Jonathan distingue également les distributions dérivées en fonction de leurs buts et de leurs valeurs et n’a pas de proposition de méthode universelle pour dialoguer avec elles.
En revanche, il souhaiterait voir l’apparition des PPA, afin d’aider les dérivées à se lancer sans avoir à gérer un système d’hébergement de paquets entier.
Hideki estime que la seule relation entre Debian et ses dérivées est la mise en accès libre de ses paquets. Il souhaiterait une approche davantage basée sur la communication pour en tirer des pistes d’amélioration pour Debian.
Accessibilité
Devin Prater a souhaité porter l’attention sur la problématique de l’accessibilité dans Debian, notamment son intégration dans la distribution stable. Il a demandé aux candidats quels étaient leurs projets dans ce domaine.
Il est vite ressorti des discussions que l’accessibilité (comme beaucoup d’autres projets) était plus du ressort des équipes en charge de ce sujet (accessibilité, intégration dans l’installeur, etc.) que du responsable du projet.
RGPD
Adrian Bunk relaie une discussion de la liste debian-project dans laquelle tout le monde semble reconnaître le non-respect du RGPD par Debian. Il demande donc aux candidats s’ils ont l’intention de lancer et publier un audit externe à ce sujet.
Hideki et Felix ont répondu par l’affirmative.
Jonathan, quant à lui, préférerait commencer par régler les problèmes évidents avant de demander conseil à l’extérieur.
Renouveler les personnes au pouvoir
Charles Plessy a demandé aux candidats leur opinion sur la durée limitée des mandats au sein du comité technique, et s’ils pensaient que la règle devrait s’appliquer à d’autres postes.
Les trois candidats y sont tous favorables et le consensus est que cette limite temporelle permet d’éviter le burnout des contributeurs.
Felix pense qu’une telle idée ne devrait s’appliquer que pour les rôles émanant de délégations (désignés par le DPL), mais pas nécessairement pour les autres rôles, tels que mainteneur d’un paquet spécifique.
Jonathan, quant à lui, pointe d’autres outils permettant d’améliorer les délégations, comme le vote ou avoir plusieurs niveaux de responsabilité dans les équipes, comme c’est le cas pour l’équipe ftpmaster.
Enfin, Hideki souligne l’importance de trouver du sang neuf pour renouveler chaque équipe.
Autres votes
Résolution générale sur le vote à bulletin secret (déjà le cas pour les élections de DPL, pas pour les autres résolutions générales)
Détails, statistiques sur les votes
Comme annoncé par le secrétaire du projet, c’est Jonathan Carter qui l’a emporté cette année, avec un avantage de 197 voix sur Hideki Yamane et 305 voix sur l’option nulle (« None of the above » ou « Aucune de ces options »).
Avec un désavantage de 37 voix par rapport à l’option nulle, Felix Lechner termine bon dernier de ces élections. Une défaite face à l’option nulle ne s’était pas produite depuis 2007.
Après le vote
Suite à l’élection, Felix Lechner a démissionné de ses fonctions de membre de l’équipe Trademark.
Contre toute attente, Jonathan Carter a envoyé une nouvelle version de Bits from the DPL.
La discussion sur l’avenir des microprogrammes non-libres, sujet mentionné par Jonathan dans son programme, a été lancée par Steve McIntyre sur la liste debian-devel.
Aller plus loin
- Résultats de l’élection (78 clics)
- Debian (48 clics)
# Long live John Carter !
Posté par AncalagonTotof . Évalué à -2.
JC
(désolé, je me crois encore vendredi …)
[^] # Re: Long live John Carter !
Posté par audionuma (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 0.
Vous voulez dire John Carter ?
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