Le 15 mai est sorti un jeu que d’aucun attendait impatiemment : Superflu Riteurnz. Jeu de type point-and-click à l’humour omniprésent. Cette dépêche se propose de présenter le jeu, son créateur et quelques retours des premiers joueurs.
Ce jeu n'est pas à l'heure actuelle libre. Le moteur du jeu SOSAGE est libre mais pas le jeu en lui-même. Celui-ci sera vraisemblablement entièrement libéré à la fin de cette année.
Le jeu est « la conclusion d'un boulot de 3 ans et demi » nous apprend son auteur, Simon (Gee) Giraudot.
Sommaire
- L’histoire
- Les caractéristiques du jeu
- L’équipe de production
- Un jeu qui n’est pas libre (pour le moment)
- Interview de Gee
- Les avis de quelques joueurs
L’histoire
Ce jeu est présenté par son créateur comme le jeu vidéo inutile du superhéros qui ne sert à rien.
En reprenant les mots de son créateur:
Nous sommes à Fochougny, un village français très tranquille où réside le milliardaire Harpagon Lonion. Celui-ci se déguise régulièrement en Superflu, un superhéros fort inutile dans une si paisible campagne…
Aidé par son assistante Sophie, qui tente tant bien que mal de freiner les ardeurs de son employeur, il va tenter de mettre la main sur le mystérieux voleur de pommes qui terrorise les vergers de Fochougny…
Votre mission ? Identifier ce délinquant et le retrouver dans le charmant village de Fochougny (ou ailleurs).
En fait, ce jeu est une sorte de deuxième tome des aventures de Superflu. Le premier ayant pris la forme d’une bande dessinée. L’on retrouve bien les personnages et l’ambiance du premier tome dans ce jeu, mais il n’est absolument pas nécessaire d’avoir lu la bande dessinée avant d’y jouer.
Les caractéristiques du jeu
Il s’agit d’un jeu du type point-and-click (pointer et cliquer si vous voulez le traduire dans la langue de Molière mais l’usage semble être d’utiliser l’anglicisme). Ce sont des jeux qui se jouent complètement à la souris (même si dans le cas de Superflu Riteurnz, il est également jouable à la manette ou sur écran tactile). Vous êtes sur une scène et vous avez des objets sur lesquels vous pouvez cliquer, vous pouvez prendre des objets, vous pouvez combiner des objets ; vous pouvez dialoguer avec des gens, vous avez des choix de ce que vous allez dire et vos différentes actions vont (ou pas) déclencher certains évènements.
Des sources d’inspiration clairement assumées sont les jeux des années 90 développés par LucasArts, qui était la boîte de George Lucas mais pour le jeu vidéo, tels que Monkey Island, Day of the Tentacle ou encore Indiana Jones et le Mystère de l’Atlantide que certains vont même jusqu’à considérer comme le vrai Indiana Jones 4 à la place du film.
De cette inspiration, Gee a repris principalement deux choses.
Premièrement, l’humour. Les jeux de LucasArts étaient, la plupart du temps, assez marrants. Vu que Gee est plutôt un auteur humoristique, notamment sur les bandes dessinées, ce n’est pas surprenant.
Deuxièmement, C’est un jeu très cool, très tranquille car comme on vous l’annonce dès le départ, il n’y a pas moyen de perdre, de mourir ou d’être coincé. Les énigmes sont parfois compliquées mais au pire vous pouvez toujours utiliser votre téléphone (dans le jeu) pour appeler le service des indices qui vous propose des indices de plus en plus explicites si vous en faites la demande.
Niveau esthétique, je vous laisse apprécier le style dessin animé 2D et coloré ci-dessous :
La notice publicitaire promet par ailleurs des dialogues ciselés et de l’humour omniprésent (sachant que la qualité des blagues est non-contractuelle). La bande annonce permet également d’apprécier (ou pas) l’esthétique et l’humour de ce jeu.
Pour ce qui est des enfants, il n’y a pas de réelles contre-indications. Il n’y a rien de choquant, un peu de grossièretés mais très peu et il n’y a aucun truc hyper-vulgaire. En termes d’humour sans doute qu’il faut être au moins ado pour le comprendre et l’apprécier.
Le jeu est disponible sous Linux, Windows et Mac ainsi que sous Android. En termes de langue, il est possible de jouer en français et en anglais. Sur Itch.io, on obtient toutes les versions y compris celle pour Android. Sur Steam, vous n’obtiendrez pas la version Android qui n’est pas supporté par Steam. Par contre, vous aurez la possibilité de bénéficier de succès Steam. Sur Google Play Store, vous pouvez acheter, étonnamment, la version Android.
Si l’on s’intéresse à ce qui est utilisé sous le capot, on y retrouve
- Emacs pour le code et l’écriture des niveaux ;
- QtCreator pour l’écriture du code et le débogage ;
- CMake pour la configuration (gradle et cie pour la version Android) ;
- g++ / clang++ pour la compilation ;
- Inkscape pour les graphismes ;
- Musescore et Ardour pour la musique (Musescore au départ, remplacé par Ardour qui est plus orienté rendu que Musescore – plus orienté partitions, quant à lui) ;
- Audacity pour les sons.
Celles et ceux qui s’intéressent à ce genre de choses liront avec grand intérêt les making-of qui ont régulièrement été publiés sur le blog. Ces making-of abordent aussi bien des problématiques pointues de programmation que des problématiques plus artistiques telles que les thèmes musicaux.
L’équipe de production
Si le texte ci-dessus parle au singulier du créateur de ce jeu, ce n’est clairement pas une erreur :
Gee, cette personne visiblement incontournable dans la création de ce jeu se présente de la manière suivante sur Mastodon
Gribouilleur, scribouillard, docteur en informatique (généraliste conventionné secteur 42), anar, irréaliste & irresponsable, compagnon de route de #Framasoft et de l’#April.
Le 28 février 2023, Gee était l’invité de l’émission radio de l’April - Libre à Vous - en compagnie de David Revoy dont on retrouve la retranscription réalisée par le groupe Transcriptions de l’April. Il s’y présentait un peu plus longuement :
J’avais dit « auteur multimédia ». C’est un terme un peu bizarre, c’est pour dire que je fais beaucoup de choses, je fais de la BD mais aussi des romans, de la musique, je travaille sur un jeu vidéo, je fais aussi des chroniques radio ici de temps en temps.
Pour mon parcours, je vais essayer d’aller vite […]. Je pense que tout le monde dit un peu ça, en gros je fais du dessin depuis que je suis tout petit. J’avais un peu arrêté à l’adolescence parce que c’était plus stylé de faire de la guitare, même si, en vrai, ça ne m’a jamais apporté beaucoup de popularité, peu importe !
J’ai fait une prépa scientifique après le bac, je ne me suis pas orienté vers l’art. Quand tu fais une prépa de ce style-là, tout le monde te dira que tu mets un peu les loisirs de côté, du coup j’avais un peu laissé tomber tout ce qui était dessin, musique, tout ça. Quand je me suis retrouvé en école d’ingénieur avec, finalement, beaucoup de temps libre, eh bien je me suis dit que j’allais reprendre et c’est un peu sur un coup de tête que j’ai ressorti une veille tablette graphique Wacom que j’avais et je me suis lancé dans un blog qui s’appelait Le Geektionnerd à l’époque, c’était en 2009, ça commence à faire !
J’ai fait une thèse d’informatique et j’ai travaillé comme développeur et, il y a un an et demi, à l’été 2021, je me suis dit que j’en avais un peu marre de faire de l’art juste sur le temps libre, du coup j’ai quitté mon boulot, j’ai tout plaqué pour devenir auteur à plein temps.
Gee était aussi passé dans l’émission du 6 décembre 2022 (transcription) en compagnie de Pouhiou qui présentait son comparse en ces termes:
Toi, Gee, tu es plutôt, quand même, un chantre de la culture libre. On t’a pas mal connu, à l’origine, avec des BD, notamment le fameux Geektionnerd, GKND, etc., à la fois un dictionnaire de BD, plein de jeux de mots pour apprendre les mots nerds et geeks, et puis aussi toute une histoire avec des personnages qui découvraient ce monde-là et qui se lançaient dedans. Maintenant, tu es auteur illustrateur du blog Grise Bouille. Tu es aussi, me semble-t-il, docteur convention 42 en informatique, […] Et évidemment, tu es la moitié d’un Connard professionnel et membre de Framasoft, on en parlera aussi.
Bon, reprenons tout cela dans l’ordre ou pas mais avec un soupçon d’informations en plus.
Chronologiquement, le Geektionnerd est la première production publique d’importance de Gee. C’était un webcomic qui a été publié entre avril 2009 et novembre 2014. Chaque article utilisait le prétexte d’une définition d’un mot (ou d’une expression) pour enchaîner en image, les jeux de mots idiots, les références geeks et parfois un peu de politique. Les plus de 1600 articles sont toujours consultables. La version aujourd’hui en ligne est en quelque sorte une réédition sous forme d’un site statique et avec quelques commentaires de Gee devenu (plus) grand. En effet, le Geektionnerd est clairement une œuvre de jeunesse et aussi bien le contexte que l’auteur ont évolué et ce dernier n’écrirait pas aujourd’hui tout pareil.
Au sein du Geektionnerd, se sont glissées des histoires longues dénommées GKND qui par la suite ont connu une publication sous forme de livres dont LinuxFr.org avait d’ailleurs fait mention (dépêches pour les trois premiers tomes 1, 2, 3). Dans cette série, on suit les péripéties de trois étudiants passionnés de sciences et d’informatique. Des soirées étudiantes au Club Info, des bars de Grenoble aux massifs du Vercors, leurs aventures les amèneront jusqu’à voyager dans le temps !
Fatigué du rythme quotidien, Gee met un terme au Geektionnerd en novembre 2014 mais n’abandonne pas pour autant le monde de la bande dessinée. Il lance Grise Bouille en janvier 2015 avec les objectifs suivants :
- un blog au format plus long, plus réfléchi avec une fréquence réduite ;
- avec un ton plus accessible pour s’adresser à un public au-delà de la communauté libriste ;
- privilégier la qualité sur la quantité ;
- aller au-delà de la blague pour la blague ;
- proposer un contenu varié, amusant et intéressant ;
- en termes de sujets, la règle générale est de ne rien s’interdire.
Grise Bouille connaîtra aussi une publication sous forme de livre. Il y aura un autre produit dérivé : GéGé le générateur de Grise Bouille qui n’est rien d’autre qu’un rebranding de Gégé le Générateur de Geektionnerd qui au cours de son histoire aura connu quelques améliorations.
À côté de la bande-dessinée, Gee s’essaie également au roman ou à la nouvelle comme Working Class Heroic Fantasy ou plus récemment Une Auberge dans la tempête. Également publié en 2022 - bien que le projet soit bien plus ancien sur le web - Le Guide du connard professionnel est une œuvre un peu hybride mélangeant texte (plus que dans une bande dessinée) et dessins (plus que dans un roman ou un essai). Ce dernier livre est commis en duo avec Pouhiou aux textes et Gee aux dessins. Duo qui ne s’arrêtera pas à la littérature vu qu’une conférence théâtralisée en sera aussi tirée.
Gee est aussi un des poignets ouvriers de Framasoft (c’est comme des chevilles, mais plus orienté dessinateurs). Il est également membre de l’April pour laquelle il intervient dans l’émission Libre à vous sur Radio Cause Commune avec sa chronique Les humeurs de Gee. Ces implications au sein de Framasoft et de l’April sont des expressions de l’engagement de Gee dans le monde du libre, engagement que l’on peut aussi voir dans les licences utilisées vu que tout ce qui est abordé dans cette section se trouve sous licence libre.
Il y a aussi des choses que Gee n’a pas fait, ainsi à notre connaissance il n’est pour rien dans les Geekscottes.
Un jeu qui n’est pas libre (pour le moment)
Ce jeu est pour le moment non libre. Le code du moteur du jeu SOSAGE (pour Superfluous Open Source Adventure Game Engine) est sous licence GNU GPL. La plupart des assets seront d’abord non libres pour inciter au maximum à l’achat du jeu, puis, après quelques mois (sans doute fin 2023) ils seront publiés sous licence CC-By-SA. (source). La musique est disponible sur PeerTube et se trouve déjà sous licence CC-By-SA.
Voici ce qu’en disait Gee dans l’émission de Libre à vous du 16 mai (transcription) :
Au départ, je comptais en faire un logiciel libre. C’est vrai que tout ce que je publie, depuis que je suis sur Internet, est sous licence libre, il n’y a vraiment pas d’exception, c’est vrai que c’est la première exception. Honnêtement on va dire que c’est venu d’une peur. Je disais tout à l’heure que je suis devenu auteur à 100 % en essayant d’en dégager un revenu. Le fait est que ça va faire deux ans et que, pour le moment, je suis toujours en train de creuser dans mon épargne, mais elle n’est pas infinie, plus je creuse et plus je vois le fond qui se rapproche. C’est vrai que je compte beaucoup sur ce jeu pour éventuellement m’apporter un revenu. J’ai des financements participatifs qui me rapportent un petit peu, ce n’est pas mal, sinon, le seul truc que je vends vraiment, ce sont des bouquins, mais les bouquins, finalement, se vendent assez peu. Je me suis dit qu’un jeu vidéo pouvait peut-être se vendre plus facilement. Mais, du coup, si le jeu vidéo est sous licence libre, même si je n’en fournis pas d’exécutable compilé — je m’étais dit : au pire je donne les sources, mais je ne le compile pas —, il suffit que quelqu’un le compile, le mette en ligne, et le jeu est disponible gratuitement pour tout le monde. J’ai vraiment eu peur de cet effet. D’autant plus que les gens qui me connaissent sont, la plupart du temps, des gens du logiciel libre, connaissent ce genre de mécanisme de licence libre, il y en pas mal qui savent compiler. Je me dis qu’il y en a beaucoup qui ne vont pas l’acheter, qui vont juste profiter de la version libre qui sera gratuite.
C’est un peu cette peur qui m’a poussé à me dire que, pour le moment, les données ne sont pas libres. Le moteur est toujours libre ; si vous achetez le jeu, vous avez les données, vous pouvez recompiler le jeu, vérifier que je ne mine pas de bitcoins sur votre ordi avec le code source, mais c’est vrai que les données ne sont pas disponibles librement. C’est une entorse. Je me suis dit qu’elles seront libérées sous licence libre plus tard ; je n’ai pas donné de date, mais, raisonnablement, je pense que ce sera à la fin de l’année 2023 ; honnêtement ce n’est pas arrêté, mais je pense que ce sera mon cadeau de Noël, avec la réflexion qui est soit le jeu a bien marché et, dans ce cas-là, je peux libérer les données, soit il n’a pas marché et, dans ce cas-là, de toute façon, je ne pourrai plus compter dessus, il faudra que je trouve une autre source de revenus qu’être auteur. La question se posera différemment.
Interview de Gee
Pour cette interview, plutôt que de répéter les questions pertinentes d’Étienne Gonnu (et les réponses non moins pertinentes de Gee) dans le cadre de l’émission Libre à Vous du 16 mai, il a semblé plus pertinent de poser d’autres questions (peut-être parfois un peu décalées). On vous encourage à aller écouter l’émission ou à aller lire sa transcription en complément de cette dépêche.
Tu te présentes parfois comme un auteur multimédia pour exprimer le fait que tu fais beaucoup de choses. Dans ce beaucoup de choses, il y a aussi de la musique. J’ai l’impression que ce côté-là est moins connu pour la plupart. Que conseillerais-tu à écouter à une personne qui souhaiterait découvrir ton côté musicien/chanteur ? As-tu par ailleurs des projets spécifiques côté musique pour le moment ?
Alors je vais botter en touche sur cette question et répondre : écoutez la BO de Superflu Riteurnz :D
C’est 100 % de l’instru, donc il n’y a pas ma voix, mais par contre c’est clairement le truc le plus abouti et varié que j’ai fait (y’a de l’orchestral, du blues, du rock, un peu d’électro, des trucs dissonants parfois…).
Côté chansons, la vérité c’est que je compose toujours plein de trucs, mais j’en enregistre très peu. Et j’ai tendance à me lasser vite de ce que j’ai composé, et à juger durement et donc avoir du mal à réécouter les trucs enregistrés il y a longtemps (et donc à en enregistrer peu, vous suivez ?).
Bon allez… disons que ma reprise du Temps des cerises, j’en suis toujours content, même si, de fait, c’est pas moi qui l’ai composée. Mais j’ai quand même fait un arrangement que je trouve chouette, avec un petit tuto d’ailleurs.
Côté projets, comme d’hab, j’ai des chansons de côté que je me dis régulièrement qu’il faudrait que j’enregistre… mais qui finiront sans doute aux oubliettes. C’est vraiment le côté artistique que j’ai le plus de mal à montrer (sans doute parce que c’est celui où je me sens le moins légitime, vu que c’est pas humoristique).
La date de sortie initialement prévue de ton jeu était juin 2022. Au final, le jeu est sorti le 15 mai 2023. Cette expérience te pousse-t-elle à être plus compréhensif avec la ponctualité de la SNCF ?
Haha :D
(Blague à part, soutien au personnel SNCF qui doit gérer la merde de décennies de désinvestissements et de cassage de service public !)
Quand je vois le boulot que j’ai dû abattre cette dernière année pour aller au bout du jeu, je me dis que j’étais sacrément optimiste sur la première date de sortie… J’avais pas mal sous-estimé le temps que me prendrait l’aspect graphique du jeu. Notamment les animations, quand tu fais du 12 images/seconde à la main, même en copiant-collant des trucs et en trichant un peu, ça prend des plombes.
Anecdote : je me souviens avoir passé une grosse après-midi sur une animation : à la fin de la journée, je regarde le résultat. C’était top, j’en étais très content… mais elle faisait 5 ou 6 secondes en tout. Une demi-journée de travail pour 5 secondes, ça pique.
Bref, il y avait un proverbe qui tournait pas mal quand le dernier Zelda n’arrêtait pas d’être repoussé : « un bon jeu sorti en retard restera pour toujours un bon jeu, un mauvais jeu sorti à l’heure restera quand même pour toujours un mauvais jeu ». Je ne sais pas de qui c’est, mais j’y souscris pas mal : ce qui compte, finalement, c’est le résultat. Le retard est chiant sur le moment, mais c’est pas un truc qu’on retient des années plus tard.
Pour ce jeu, tu as développé un moteur de jeu spécifique (SOSAGE). Pourquoi ce choix (vs utiliser un moteur de jeu existant) ? Quelles sont les spécificités de SOSAGE par rapport aux autres moteurs disponibles aujourd’hui sous licence libre ?
Tiens, bah j’ai pas mal évoqué cette question dans mon texte « Je ne veux pas être efficace ». Je te copie-colle un morceau :
On me demande régulièrement : « pourquoi partir de zéro au lieu d’utiliser un moteur de jeu existant, comme celui de Godot ? » Une question pertinente s’il en est.
Au départ, je cherchais beaucoup à me justifier, à expliquer que je me sentais plus à l’aise avec du C++ brut qu’avec un logiciel que je ne connaissais pas, que c’était aussi un exercice pour comprendre étape de la création d’un jeu vidéo, sans me faire mâcher le travail… Tout cela est vrai, au passage. Pourtant, plus ça va, et plus, à la question « pourquoi ne pas utiliser Godot ? », j’ai envie de répondre, à la Bonisseur de La Bath : « pas envie ».
En réalité, coder un logiciel de A à Z, ça me plaît, ça me motive, allez, je le dis : ça me rend heureux. Apprendre à utiliser un logiciel comme Godot, d’accord, je suis persuadé que c’est très intéressant et sans aucun doute plus efficace, mais… ben ça me gonfle. J’ai pas envie, c’est tout.
Quant aux spécificités du moteur… mmmh, il est inutilisable pour faire un autre jeu et illisible à part par moi ? :D
Bon, je plaisante, mais en vrai il y a quand même pas mal de trucs hardcodés (notamment côté interface) et il n’est pas assez documenté en l’état actuel. Ce qui fait que je l’aime bien, on va dire, c’est que tu peux facilement créer des pièces/niveaux sans avoir besoin d’outils compliqués : tu fais tes images avec le logiciel que tu veux, pareil pour les sons, et ensuite faut juste écrire les niveaux en YAML (avec un bête éditeur de texte) en utilisant une certaine syntaxe. C’est cette syntaxe et ce formalisme qu’il faudrait que je documente, car quand tu as pigé comment ça marchait, ça devient relativement facile de créer tes propres niveaux (et donc éventuellement ton propre jeu). Comme pour le reste, ça fait partie de la foultitude de trucs que je voudrais faire si j’avais assez de temps…
La plupart de tes productions web ont connues une seconde vie sous forme de livre. Sera-ce aussi le cas de Superflu Riteurnz ?
Il faut savoir que le jeu est d’abord parti d’une idée de livre : un livre « escape game ». C’est pas exactement comme les livres dont vous êtes le héros, mais en gros tu as des pièces représentées avec des objets, en les combinant tu calcules des codes qui te donnent un numéro de page pour voir le résultat, etc. Bref, au bout d’un moment je me suis dit que si on faisait ça en version interactive, ça ressemblait furieusement à un point and click, et paf, je me suis lancé dans le développement du jeu.
C’est pour ça que l’intro du jeu (les deux premières pièces) font très escape game : pièces fermées, beaucoup d’objets et de codes, etc. La suite ressemble plus à un point and click classique, avec un petit monde ouvert à visiter et beaucoup plus de dialogues.
De fait, je ne sais pas trop si c’est vraiment adaptable en livre à jouer. Il faudrait que j’y réfléchisse…
Une autre idée qu’on m’a suggéré, c’est de faire un « artbook » du jeu. Le souci, c’est que comme je bosse en numérique, j’ai finalement assez peu de « brouillons » et de trucs du style (quand je bosse sur Inkscape, je vire les trucs inutiles au fur et à mesure, donc il me reste surtout le résultat final). Donc pas sûr d’avoir beaucoup de choses intéressantes à montrer à part les graphismes finaux qui sont dans le jeu.
Ce jeu est-il le résultat de ton génie, de ton talent ou de ton travail ?
Pour ça, je laisse la parole à Ploum (vu la tournure de la question, c’était soit une référence à cet article soit un sacré coïncidence). (N.D.L.R : nous reconnaissons et assumons la référence ;-) )
Je ne crois pas trop au génie, et de toute façon c’est un terme beaucoup trop excessif pour que je l’utilise (« ne jamais péter plus haut que son cul pour éviter d’avoir du caca derrière les oreilles »).
Bon, par contre, oui, j’ai beaucoup bossé… mais pas seulement pour le jeu. En fait, je raconte souvent ça comme ça, mais ce jeu est un peu l’aboutissement de tous les trucs artistiques (et techniques) auxquels je me suis essayé ces 15 dernières années : dessin numérique, écriture, musique et programmation. C’est la première œuvre qui profite de l’ensemble de mes compétences, et de cette assez longue expérience. Donc je ne pense pas que ce jeu soit « génial » (même si je n’ai eu quasiment que des retours positifs pour l’instant), par contre je pense qu’il a pour lui d’avoir une identité très prononcée, ma « patte » on va dire.
Il est évident (pour moi) que le tome 3 des aventures de Superflu sera du théâtre (ou du cinéma). Qui vois-tu pour jouer les différents rôles et pourquoi ?
Aargh, mais c’est pas gentil comme question, ça, parce que du coup je vais chercher un casting et ça va me prendre trois plombes :p
Bon, je mélange des acteurs/actrices de France et des États-Unis. Pour les raisons, c’est souvent avant tout pour la ressemblance physique :
- Superflu : Ryan Reynolds. Ouais je sais, il a déjà fait Deadpool comme superhéros, mais il a une bonne gueule, et il sait très bien jouer ce mélange de beau-gosse et d’abruti ;
- Sophie : Anaïs Démoustier, pour le côté simple/naturel mais qui peut très bien balancer des vannes ;
- Superficiel : pas facile, je connais pas trop d’acteur de 15-16 ans… Joker pour celui-là. Tu me castes un jeune qui sait bien jouer le p’tit con de base, et ça ira ;
- Anne Toufrotte : Maya Rudolph, elle serait parfaite à prendre Superflu pour un abruti (qu’il est, d’ailleurs) ;
- Capitaine Tidlove : Nick Offerman. Bon, en vrai y’a sans doute mieux, mais je suis biaisé parce que je pense « acteur avec une grosse moustache ». Galabru aurait sans doute été pas mal si on avait fait ça dans les années 80 ;
- Le joueur d’orgue : Pierre Richard ;
- Le barman : Roschdy Zem ;
- La cliente du bar : Yollande Moreau ! Qui d’autre, sérieux ?
- Le barbu sur le banc : Gérard Lanvin, grosse voix bourrue (et bourr… ahem)
- La maman de Superficiel : Laure Calamy, sans conviction. C’est pas le personnage avec la personnalité la plus développée de l’histoire, faut être honnête…
J’ai peur que mon fils me pose des questions si je le laisse jouer à ton jeu dont des questions auxquelles je ne sais pas répondre. Pourrais-tu m’aider ? Comment lui expliquer en mots simples et compréhensibles le théorème de Kuratowski ?
Ben pardon, mais c’est dit très clairement dans le jeu : le théorème de Kuratowski dit qu’un graphe est planaire si, et seulement si, il ne contient aucun sous-graphe qui soit une subdivision de K5 ou K3,3. Je ne vois pas trop comment je peux être plus clair, ça me semble couler de source.
(Pour les gens qui ne pigent pas, il y a un dialogue dans le jeu avec des questions sur des théorèmes de maths, rapport au fait que j’ai soutenu une thèse de géométrie algorithmique dans une autre vie.)
Si David Revoy venait te dire qu’il souhaite que Pepper and Carott soit transposé dans un point and click , quels conseils lui donnerais-tu ?
Simplifie ton style ou sous-traite, sinon t’en as pour 10 ans :D
Sérieux : j’ai mis un moment à faire les graphismes, mais j’ai un style relativement simple et relativement rapide à réaliser. David a un style autrement plus fouillé/travaillé/abouti que le mien (non je ne suis pas jaloux, simplement très admiratif <3), et je sais d’expérience qu’il met d’autant plus de temps à produire un dessin. Alors je n’imagine pas le temps nécessaire, ne serait-ce que pour faire une quinzaine de décors avec les objets qui vont avec, sans parler des animations et des personnages… Après, on serait beaucoup à y jouer je pense, ce serait un chouette projet !
(Psst, David… je peux m’occuper de la partie technique, si besoin, hein :D)
Les avis de quelques joueurs
oumph
La super fée Tha touareg s’est penchée sur le berceau de ce jeu : une ambiance « pointer et cliquer » à l’ancienne, quand les ordinateurs étaient fixes, les sons de blaster et que le VGA n’était pas encore ce câble que l’on jette désormais lors des déménagements ; une musique rythmée accompagne la démo ; le tout est caractérisé par un ton humoristique drôle et à potentiel comique. Il mérite grandement ces 4 manchots sur l’échelle qui compte plusieurs barreaux : 🐧🐧🐧🐧.
Bookynette
Jeu à l’image de son auteur, humour mordant, yeux pétillants.
Vous jouez Superflu et parfois son assistante Sophie, qui enquêtent sur le vol des pommes de la ferme d’Anne Toufrotte. Et pour cela vous allez poser des questions pertinentes (ou pas, ou pas encore) à toutes les personnes du village: le barman du bar MPU, le cabinet médical, Capitaine Tidlove de la gendarmerie, le château d’eau et le joueur d’orgue de Barbarie devant l’ancienne école n’auront plus aucun secret pour vous. Je m’y replonge dès que possible!
louson
Une bonne poilade qui termine en fanfare. Merci pour ce jeu qui tourne nativement :)
lebout2canap
Si vous aimez les point’n click façon LucasArts (certains dialogues sont particulièrement savoureux, et les énigmes ne sont pas en reste), et si vous avez des affinités de gauche (il y a un achievement Humour de droite, ça donne le ton), foncez.
Il m’a pris 6 h (sans l’aide aux énigmes intégrées), mais c’est le travail (programmation, animations, dialogues, musique, DA, puzzles, tout) d’une seule personne […] sur 3,5 ans.
Ploum
Le jeu a été la source d’un incroyable moment en famille avec les enfants, qui ont ensuite voulu lire la BD. Étant fan de point-n-click, j’ai été surpris par la qualité, par la jouabilité et par le fun simple et direct dégagé par le jeu. Bref, j’ai adoré.
Et ça m’a fait gamberger sur la notion de talent, travail et génie :
https://ploum.net/2023-06-02-genie-talent-travail-superflu.html
geegeek
Comme j’apprécie les dessins de Gee depuis un moment, j’ai créé un compte steam pour l’occasion (je suis plus un très gros joueur…).
Ça fonctionne plutôt bien sur une vieille machine comme la mienne, même les phases d’animation, bravo !
Et puis je me suis bien marré, dommage que le jeu soit si court.
tisaac
Comme beaucoup la principale critique que je ferais à ce jeu (ou devrais-je dire le principal regret que j’ai) c’est qu’on le termine avec un goût de trop peu. Je pense que j’ai mis 4h30 avec un recours au service des indices peut-être un peu élevé au début. Par la suite, une fois qu’on a compris le type de réponse aux énigmes, c’est plus simple de se débrouiller seul même si parfois on continue à bien se creuser les méninges.
Clairement un très chouette jeu, cohérent dans le sens où il n’y a rien parmi les dialogues, le style, la musique… qui cloche par rapport au reste.
Si quelqu’un hésite à acheter le jeu, je dirais 1) achète le, c’est aussi un bon moyen de soutenir Gee 2) si vraiment tu hésites encore, teste la démo ! Elle est bien représentative de l’ensemble du jeu (même si ce dernier recèle quelques passages différents tels que l’inénarrable course poursuite).
Ma seule inquiétude concerne le respect du bien-être animal (surtout pour les échidnés) et adolescent.
Aller plus loin
- Blog du jeu (218 clics)
- Grise Bouille - Blog de l'auteur (56 clics)
- Jeu sur itch.io (167 clics)
# OMG
Posté par nojhan (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.
Ça alors, je n'avais même jamais réalisé qu'il y avait cette paronomase ! J'imagine que c'est l'étymologie qui est similaire.
# Bravo !
Posté par pieq (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 6.
Je ne connais l'univers de Gee que de façon très parcellaire, notamment avec les petites planches de Grisebouille qui parsèment la toile (et les résumés un poil déprimant de Khrys, toutes les semaines, sur le framablog).
Cependant, j'ai suivi avec intérêt le développement du jeu, et je l'ai acheté dès sa sortie. Je ne suis plus un grand joueur (je passe plus de temps à essayer de comprendre comment sont réalisés les jeux qu'à y jouer, c'est mon côté ingénieur en informatique qui prend le dessus, j'imagine), mais j'ai adoré passer quelques heures à Fochougny. Certains dialogues m'ont bien fait rigoler, et je reste franchement impressionné qu'une personne seule ait pu tout réaliser. C'est une chose de faire les illustrations du jeu, c'en est une autre de faire toutes les animations, programmer le moteur du jeu, composer et interpréter la bande originale et écrire tout l'arbre de dialogues !
Un grand bravo à Gee !
Je compte bien retourner à Fochougny d'ici quelques temps, avec ma fille cette fois. Je pense qu'elle va bien aimer, mais il va falloir que je lui lise à voix haute tous les dialogues car elle ne sait pas encore lire ;)
[^] # Re: Bravo !
Posté par ploum (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 4.
J’ai joué avec 11ans et 6ans et, je te préviens, après le jeu, j’ai été obligé de commander la BD ;-)
La seule grossièreté qui a été relevée par les deux était "grosso merdo". ("on ne peut pas dire ça").
Mes livres CC By-SA : https://ploum.net/livres.html
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