Sommaire
Salut à toi !
Ce journal pour te dire que je participe avec quelques camarades au lancement d’une maison d’édition qui édite des textes en libre diffusion (et gratuitement accessibles) sur le réseau parallèlement à son format papier (elle s’appelle Abrüpt), et nous avons commis un outil libre qui peut-être pourra t’être utile si tu souhaites éditer rapidement et proprement un texte, fabriquer un livre.
On a appelé cet outil le Gabarit Abrupt.
Le Gabarit Abrupt
Il s’agit d’un outil qui t’offre la possibilité de créer facilement un livre numérique ou papier en divers formats (PDF, EPUB, HTML, TXT, ODT).
Présentation
Le Gabarit Abrupt utilise Pandoc afin de convertir un texte source brut en de nombreux formats. Le but de cet outil est la production de livres (papier et numérique) avec une attention particulière portée sur la facilité d’utilisation et sur la qualité typographique des ouvrages.
Il utilise notamment LuaTeX pour fabriquer les fichiers PDF (livre imprimable et couverture, par ex. pour un service d’impression à la demande).
Il existe quelques exemples dans le dépôt Git.
Les gabarits sont facilement adaptables et ils peuvent devenir, grâce à Pandoc et TeX, un modèle pour une thèse scientifique, une affiche, un roman graphique, une présentation HTML dynamique, etc.
Installation et fonctionnement
L’installation des dépendances de cet outil est un peu lourde… Cela peut représenter quelques gigas du fait de la distribution LaTeX (TeXLive, MacTeX pour Mac OS, MikTeX pour Windows), mais elle s’avère très utile avec ses nombreux paquets et options. Il faudra en outre installer Pandoc et Pandoc-citeproc. Les différents détails se trouvent dans le fichier README du dépôt Git. Les gabarits fonctionnent avec un logiciel Pandoc et une distribution LaTeX à jour (nous avons pu tester son utilisation sur Mac OS et Linux sans problèmes, mais pas sous Windows, cela devrait néanmoins fonctionner si LaTeX est à jour).
Il existe de nombreuses variables et options pour ces différents gabarits, et elles sont expliquées de façon approfondie dans ce même fichier README.
Pour le futur
On aimerait bien à l’avenir produire, entre autres, un guide typographique un peu plus complet que ces conseils typographiques épars et recommandations de lecture, notamment en insistant sur l’impression à la demande, ainsi qu’un générateur automatique d’illustrations assez minimalistes (par ex. « à la Joy Division », on pense à la fameuse couverture de l’album Unknown pleasures).
On voudrait aussi mettre en place un fichier .vimrc minimal pour faciliter l’écriture de prose avec Vim.
ABRUPT éditions
Pour la partie « pub éhontée » (rassure-toi on ne cherche pas le profit, on est une asso à but non lucratif, le monde est sauf… ou pas…), nous sommes une maison d’édition créée en cette fin d’année et nous éditons (éditerons ; une bonne dizaine de livres à paraître en 2019) principalement des textes en poésie, littérature expérimentale et en sciences sociales. Je ne pense pas que LinuxFR soit le lieu pour parler de ce type d’écrits, alors je vais juste m’attarder quelque peu sur notre lien avec le libre.
Nous utilisons avec amour Linux et des logiciels libres principalement pour fabriquer nos ouvrages. Un colophon détaillé peut être découvert à ce propos sur notre site.
En ce qui concerne nos livres eux-mêmes, nous privilégions une licence de libre diffusion (La Creative Commons BY-NC-SA) pour laquelle nous avons une lecture adaptative (un interprétation comme un hack pour la rapprocher de la CC-BY-SA sans les aspects néfastes de la confrontation du copyleft à l’économie du livre ; j’avais par le passé expliqué de façon brouillonne celle-ci). En pratique (avec notre politique), il s’agirait d’une licence à réciprocité. Cela signifie que la clause NC n’existe pas dans les faits pour d’autres créateurs qui souhaiteraient produire commercialement une œuvre dérivée à partir d’un de nos ouvrages. En tant que maison d’édition, nous nous sommes engagés à lever automatiquement et gratuitement cette clause pour un tel créateur si l’auteur initial l’accepte. Dans ce cas, la licence devient une licence équivalente à la CC-BY-SA (le créateur de l’œuvre dérivée peut en faire un usage commercial s’il respecte lui-même le cas de non re-diffusion commerciale de son œuvre, en somme s’il place son œuvre dérivée sous une licence CC-BY-NC-SA). Ce hack de la licence CC-BY-NC-SA est une manière pour nous de faire quelques expériences avec le droit d’auteur. Rien n’est ici définitif.
Nous travaillons également avec du domaine public volontaire (nous aimons tendrement le domaine public volontaire). Tous nos microantilivres se trouvent dans le domaine public volontaire (actuellement deux, une dizaine à venir), et lorsque l’auteur est assez fou pour vouloir placer son livre dans le domaine public volontaire, eh bien, nous accompagnons joyeusement sa folie. Par contre, nous n’utilisons pas pour l’instant de licences copyleft, nous n’aimons pas beaucoup cette viralité favorable au commerce. Il s’agit là d’une position subjective, notre préférence va donc vers une critique totale de la propriété intellectuelle, une position idéologique plutôt favorable au domaine public volontaire (avec ce petit rêve du domaine public généralisé…), mais aussi d’une considération pragmatique du fait des mécaniques de l’économie du livre (Pour la BY-NC-SA ; quand nous choisissons le domaine public volontaire nous sommes irresponsables… Ah, l'irresponsabilité économique… Mais bon vu les trucs bizarres que nous éditons, cette chose poussiéreuse la « poésie », pourquoi pas…). L’idéal serait d’écrire une nouvelle licence à réciprocité ouverte à la création mais limitant la re-diffusion commerciale. Nous l’écrirons peut-être un jour… mais nous ne sommes pas certains de son applicabilité similaire dans toute la Francophonie.
D’ici là, nous avons détaillé tous ces points dans une page explicative de notre politique de partage.
Au-delà de ces questions juridiques, nous sommes attachés à une question pratique (et économique), celle de la gratuité de l’information (et non pas seulement de sa liberté). Chez nous, c’est d’abord free as in beer et ensuite free as in freedom. Parce qu’on aime l’ivresse encore plus que la liberté… Qui a dit ivrogne ? QUI ? Bon… Et aussi parce que nous pensons que c’est la gratuité de l’information qui assure un socle pérenne à la circulation libre de l’information (un élément qui nous semble essentiel pour une société réellement démocratique, mais ça c’est un autre débat).
Donc, tous nos ouvrages sont gratuitement accessibles. Nous avons créé à cette fin le concept d’antilivre (pour une littérature git, à comprendre littéralement peut-être…).
Chaque ouvrage a un dépôt Git propre ; actuellement il n’y a dedans que la version PDF des antilivres, mais nous allons à l’avenir tenter de développer des versions dynamiques des antilivres. De la littérature à coups de JavaScript…
Pour ce qui est des outils (celui-ci par exemple), nous avons choisi une licence MIT pour des raisons pratiques (utilisation notamment d’autres bouts de code sous licence MIT), et les incertitudes de l’application de la CC Zero pour du code avec de telles insertions. Là, rien de bien établi (dans la mentalité, c’est de la WTFPL, juste une envie de partager sans contraintes).
Et si tu as des questions, remarques, insultes, etc., tu peux nous contacter par email, voire sur les réseaux dits sociaux, ces trucs comme twitter, instagram, facebook, et le seul libre qu’on aime bien utiliser, mastodon (on vient d’ailleurs de publier avec mastodon un petit recueil de haïkus en tordant un peu ce drôle de truc nanowrimo, il devrait sortir d’ici une dizaine de jours, et il sera dans le domaine public volontaire ; d’ailleurs d’ici la première moitié de l’année 2019, 4 ouvrages sous CC Zero, quoi de plus pour nous rendre heureux…).
On espère que cette boîte à outils te sera utile ! Et si jamais tu t’aventures à la lecture d’un de nos ouvrages actuels ou à paraître, on espère que celle-ci t’apportera une joie infinie…
Cœur avec les doigts,
Abrüpt
P.-S.—Indulgence si certaines « guidelines » dans notre code ne sont pas respectées… Nous ne sommes pas programmeurs, juste des bidouilleurs qui fabriquons des outils utiles à notre boulot.
# Pourquoi ne pas faire du libre ?
Posté par Denis Dordoigne . Évalué à 6. Dernière modification le 12 décembre 2018 à 10:31.
Soyons dans l'esprit des communs et souhaitons la création de ressources partagées et maintenues par la communauté parce que dans ce cas précis je ne vois pas ce qu'apporte la licence NC aux auteurs : si les auteurs ne s'attendent pas à gagner de l'argent, pourquoi ne feraient-ils pas profiter la communauté de leurs œuvres ? Si ce qui les dérange est que des personnes se fassent de l'argent avec leur travail, il faut qu'ils sachent que :
si l'auteur est d'accord pour ne pas gagner d'argent, distribuer sous licence libre ne changera rien à ça
si l'auteur craint de se faire voler son travail, la clause « by » garantit que tout travail à l'identique ou dérivé devra indiquer le nom de l'auteur, celui-ci n'est donc pas dépossédé, il participe juste à faire grandir les communs culturels
si l'auteur craint qu'un éditeur se fasse plein d'argent sur son dos, il doit savoir que :
Mettre l’œuvre sous licence libre sera profitable à la communauté, et tout ce qui en sera dérivé profitera également à la communauté. Et surtout, l’œuvre pourra avoir un avenir dans les communs : traduction, édition sous d'autres format (braille, livres audio), œuvres dérivées, etc.
J'aime les logiciels libres parce qu'ils mettent en commun la connaissance et l'imagination de millions de développeurs, sans que ceux-ci s'inquiètent de ce qui en sera fait. Alors, certes, ça permet de fabriquer des armes, mais je ne crois pas que la crainte des mauvais usages nécessite de priver la communauté de notre travail.
Membre de l'april, et vous ? https://april.org/adherer -- Infini, l'internet libre et non commercial : https://infini.fr
[^] # Re: Pourquoi ne pas faire du libre ?
Posté par rdhlnn . Évalué à 5.
En tant que maison, nous n'avons rien contre le copyleft (mais rien pour non plus). Par contre, notre préférence va au domaine public volontaire. Il y a a néanmoins beaucoup de réticence encore chez les auteurs. On y travaille, mais la route est longue…
L'application de la clause NC est un compromis ; son application chez nous une sorte torsion (pas une application stricto sensu). Elle est destinée principalement à faire barrière à certaines pratiques peu convenables du milieu. Il est difficile de faire un parallèle entre l'économie du logiciel libre et celle du livre (encore plus du livre francophone, notamment par rapport à la force de frappe de certains acteurs) : j'ai expliqué quelques-uns de ces points dans ce commentaire et dans celui-ci. Il y a des pratiques par ex. de re-diffusion commerciale aujourd'hui avec des outils comme Createspace qui peuvent être nuisibles et également des cas relatifs aux poches ou aux traductions assez scandaleuses (et il faut aussi entendre que certains auteurs ne veulent pas que certains types d'autres personnes, physiques ou morales, aux valeurs divergentes se sucrent sur leur dos). Cette clause est une manière de garder un certain contrôle et peut-être de tisser du lien, puisqu'avec notre politique de partage (qui ressemble à une licence à réciprocité), nous levons gratuitement cette clause pour une création dérivée.
C'est ce qui dérange en effet. Il s'attendent à gagner un peu d'argent (même très peu) ; il s'agit là, sans doute, dans notre époque, avec ses valeurs (que nous ne partageons pas), d'une reconnaissance (face souvent au silence qui entoure la création, quelques francs de droits témoignent d'un intérêt pour l'oeuvre créée). Et avec nous, ils gagnent de l'argent sur leurs ventes (entre 10% et 50% sur une vente). Et au-delà de ce point particulier, les réflexions sur la rémunération des auteurs sont un sujet d'une grande actualité. Il s'agit là d'une expérience, peut-être que demain de nouveaux modèles pérennes s'établiront (un vrai mécénat numérique qui permet de vivre, et non seulement de se payer une bière) et remplaceront le droit d'auteur.
Vraiment, il n'y a pas de position idéologique ferme ici (si ce n'est notre goût pour le domaine public volontaire), un auteur qui nous proposerait un texte de qualité en copyleft, eh bien, nous l'éditerions avec joie.
Et au-delà de ce propos particulier, il est aussi difficile pour de nombreux créateurs d'appliquer les réflexions du logiciel libre (des outils) à des œuvres littéraires. C'est le débat entre art et artisanat.
Mais sur le fond, nous partageons vos réflexions, c'est pour cela que nous avons utilisé pour ce gabarit une licence MIT (et que nous mettons en avant le domaine public volontaire).
# Pollen
Posté par Laurent Pointecouteau (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.
J'ai lu ce journal en diagonale faute de temps, mais je ne manquerai pas de me plonger dans vos travaux qui m'ont l'air très intéressants !
À chaud, comme ça, ça m'a rappelé le projet Pollen, codé par un certain Matthew Butterick qui s'en s'est servi pour réaliser des livres en HTML ma foi fort plaisants à consulter (j'aime beaucoup celui-là même s'il est centré sur les règles anglophones de typographie). J'ignore si Pollen est beaucoup utilisé en dehors des exemples cités dans sa documentation, mais de manière générale, ce genre d'outils attise beaucoup ma curiosité.
[^] # Re: Pollen
Posté par rdhlnn . Évalué à 3.
Merci ! Oui bien sûr ! Son guide est une lecture intéressante. D'ailleurs, nous le citons dans nos recommandations !
Un autre outil qui me vient en tête (et qui est très prisé) c'est gitbook. Jamais utilisé en tant que tel mais son équivalent en Rust mdBook, qui est de bonne facture.
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