Journal Juge de hackaton 1/2

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31
3
avr.
2024

En début d'année, j'ai eu la chance de participer à 2 hackathons en tant que mentor et juge. Je vous partage cette expérience plutôt sympathique, et je vous parlerai dans ce journal de ma journée au IC Hack, hackathon de l'université d'Imperial College à Londres.

Mon employeur était un sponsor de l'événement, et les jeunes diplômés chargés de l'organisation de notre côté (conférence, mini-concours…) m'ont gentiment poussé à m'impliquer. Je suis arrivé comme une fleur le dimanche en fin de matinée, et j'ai vu une sacrée bande de jeunes bien déchirés par la nuit blanche. Dans le self de l'université, c'était des groupes de tables avec 3 ordinateurs au mètre carré, des câbles partout, de la nourriture à moitié mangée qui traînait, des jeunes qui dormaient assis sur leur chaise ou couchés dans des canapés, pendant que d'autres codaient furieusement. Des relents de sueur, de café et de fast-food complétaient le tableau.

J'ai vaillamment mis mon T-shirt rose de sponsor, et je suis allé à la rencontre des étudiants. La plupart étaient ravis de parler de leurs projets, même en milieu de crunch. Sans trop de surprises, cela tournait beaucoup autour de l'intelligence artificielle et des LLMs. On a vu beaucoup de Python et un peu de JavaScript, et pratiquement rien d'autre : les compilateurs n'ont manifestement pas la cote.

Puis l'heure de la fin du hackathon a sonné, et en petits groupes nous sommes allés voir les projets de près. Nous avons vu quelques projets excellents, avec des équipes très unies et organisées où chacun avait mis la main à la pâte. Dans d'autres équipes, en revanche, il y avait eu des dissensions, voire carrément des scissions, ou encore des groupes où seuls 1 ou 2 participants donnaient l'impression d'avoir fait quelque chose. On a été aussi bienveillants que possible, et on s'est mis d'accord sur notre premier et deuxième prix.

Ensuite, petite visite privée du laboratoire de robotique (de l'intérêt d'être un sponsor !), puis remise des prix avec un très bon discours de Simon Peyton Jones, un des concepteurs de Haskell. Enfin, chacun est rentré chez soi, certains plus fatigués que d'autres !

Au vu de cette expérience, j'encourage ceux qui en ont l'opportunité de participer à ce genre d'événement, à l'orga ou en tant que candidat. Et pour les candidats, j'attire votre attention sur les points suivants:

  • C'est une évidence, mais rappelons le : mieux vaut présenter quelque chose de modeste mais peaufiné et interactif. Laissez les juges essayer votre projet par eux-mêmes et s'amuser, plutôt que d'écouter une présentation Power Point pendant 10 minutes ! Vous les mettrez dans votre poche.

  • Avoir une équipe soudée et un projet préparé est un gros plus, et à contrario il est très difficile (mais probablement pas inintéressant !) de se lancer avec de parfaits inconnus (c'est parfois la règle du jeu, d'ailleurs). Ayez un projet clair, avec des objectifs principaux et secondaires. Établissez les règles et les responsabilités dès le début, et soyez patients mais fermes les uns avec les autres : avec la fatigue, il est bien trop facile de péter un plomb et de risquer l'implosion au pire moment.

  • N'arrivez pas non plus avec un projet complet dès le début du hackathon : j'avais mes informateurs lors de la session du samedi, et nous avions une bonne idée de ce qui avait été accompli pendant ces 24 heures. Les juges veulent voir la sueur (mais pas forcément la sentir).

Soit dit en passant, cette histoire de nuit blanche m'a un peu gêné aux entournures : certes, ce sont des étudiants qui traditionnellement ont des horaires très décalés, et personne n'a été forcé de veiller, mais il me semble judicieux de commencer très tôt à faire attention à sa santé et à son équilibre de travail. Doit-on glorifier ceux qui se tuent à la tâche ? En même temps, serait-ce la même ambiance dans un hackathon light de 8:00 à 20:00 ?

Mais ce point mis à part, j'ai surtout vu des étudiants sympas, des idées complètement barrées et au final une très bonne ambiance.

  • # témoignage sympa, merci.

    Posté par  . Évalué à 7.

    Doit-on comprendre qu'il y aura un épisode 2/2 ? Je suis preneur en tout cas.

    "Si tous les cons volaient, il ferait nuit" F. Dard

  • # nuit blanche

    Posté par  (Mastodon) . Évalué à 6.

    Soit dit en passant, cette histoire de nuit blanche m'a un peu gêné aux entournures : certes, ce sont des étudiants qui traditionnellement ont des horaires très décalés, et personne n'a été forcé de veiller, mais il me semble judicieux de commencer très tôt à faire attention à sa santé et à son équilibre de travail. Doit-on glorifier ceux qui se tuent à la tâche ?

    Non mais si on ne veut pas glorifier quoique ce soit le mieux c'est d'abandonner complètement le concept de compétition.

    • [^] # Re: nuit blanche

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

      On peut aussi mettre des limites, par exemple certaines courses d'ultra-distances à vélo imposent "des périodes de repos" (y un tracker GPS, donc dodo ou pas ils ne savent pas, mais la personne ne bouge plus)

      C'est pour limiter les soucis d'hallucination et de risque d'accident causé par la fatigue avancée (certains passent >48h sans dormir)

    • [^] # Re: nuit blanche

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

      Peut-être suis-je particulièrement sensible à cette problématique car j'ai travaillé de nuit étant étudiant, et après 36 heures debout, je me sentais vraiment défoncé et c'était une sensation que je trouvais particulièrement désagréable et qui est probablement assez néfaste pour la santé.

      Maintenant, comme je le souligne, ils n'ont obligé personne. Peut-être d'ailleurs que l'étudiant malin qui est allé pioncer 6 heures et est revenu frais comme une rose et a codé comme un prince toute la matinée a finalement obtenu de meilleurs résultats ? J'aimerais à le penser.

      • [^] # Re: nuit blanche

        Posté par  (Mastodon) . Évalué à 4. Dernière modification le 10 avril 2024 à 08:26.

        dj_ mentionnait l'ultracycling.

        L'année dernière Lachlan Morton a battu le record de la traversée du Tour Divide qui relit le canada au Mexique le long des Rocheuses en s'imposant 12h de sommeil minimum par tranche de 48h. Ça fait peu mais c'est beaucoup plus que ce que les ultracyclistes dorment normalement. Il a fait la traversée en ~1.5 jour de moins que les records précédents, 12 jours et 12h au lieu de 13 jours et 22h.

        Alors certe on compare un athlète professionnel, qui était régulièrement accompagné d'une équipe de tournage (même si l'assistance n'est que psychologique, ça a un impact), avec des gens qui sont plus amateurs, mais ça montre qu'en effet supprimer au maximum les pauses et le sommeil n'est pas forcément la meilleur option.

        https://bikepacking.com/plog/a-few-thousand-hours-film/

        Maintenant sans limites dures imposées, je n'ai pas l'impression que ça a influé beaucoup sur l'approche des autres ultracyclistes.

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