Journal Juge de hackaton 2/2

Après mon expérience au IC Hack, j'étais prêt à tenter quelque chose d'autre, et l'école de mademoiselle fille m'en a donné l'occasion : il s'agissait d'une "game jam" qui proposait aux élèves de l'équivalent de la 6ème à la terminale de passer une journée à créer leur jeu vidéo. Pour l'occasion, cette école de filles avait invité l´école de garçons d'à côté à participer, ce qui a donné une compétition assez équilibrée côté mixité.

Bien évidemment, ambiance très différente : il est hors de question de priver collégiens et lycéens de sommeil, et le hackaton ne durait donc qu'une journée, de 10:00 à 17:00. Avec une petite douzaine d'adultes, nous étions les "mentors", chargés d'aider les groupes qui pourraient avoir besoin d'un coup de pouce. Nous étions 3 à avoir un profil très technique, en plus d'un autre mentor professionnel du design de jeu vidéo, les autres étant plus orientés sur l'organisation. Enfin, officiellement, car officieusement cela semblait plutôt pour eux un moyen à la foi de garder un oeil sur leur progéniture, et de faire du réseautage entre eux.

L'orga avait mis en place un système très pratique de feux tricolores sur chaque table : vert, on a besoin d'aide, venez immédiatement ; orange, vous pouvez venir nous parler ; rouge, crunch time, laissez nous tranquille. J'ai donc fait mon petit tour pour parler à ceux qui en avaient envie et dispenser mes conseils : soyez modestes, construisez petit à petit, ne vous lancez pas sur des technos que vous ne maîtrisez pas.

Bien évidemment, le langage Python, qui est loin d'être mon préféré, régnait en maître - Mais j'ai fait ce que j'ai pu pour aider. Il y a eu quelques tentatives avec Unity3D, et même une équipe qui s'est lancée avec Godot (j'ai appris plus tard que ce n´était absolument pas par amour pour le libre, mais bien parce que c'est le seul moteur de jeu vidéo qu'ils avaient réussi à télécharger à travers le pare-feu de l´école). Les idées de jeu étaient quelque part un peu décevantes (en même temps, on parle de collégiens biberonnés aux jeux mobiles) : beaucoup de mini-jeux façon Tetris ou Pong pompés sur le net et enrobés d'un vague concept, quelques jeux de plate-forme très classiques, et quelques idées plus ambitieuses mais techniquement ratées (pro-tip : n’espérez pas achever quoi que ce soit en 7 heures avec Unity3D si vous n'avez jamais ouvert ce programme de votre vie).

J'ai fait ce que j'ai pu, bondissant de table en table pour corriger problèmes d'indentation (troll inside) et plonger dans les APIs (pro-tip 2 : assurez vous que vous savez au moins afficher une image à l'écran).

Parmi les bonnes surprises, un des groupes les plus jeunes avait réussi à construire un excellent jeu multijoueur (partage de clavier) de poursuite dans un labyrinthe, avec gameplay asymétrique. De manière générale, de nombreux groupes avaient d'excellents musiciens et ont composé des musiques qui n'auraient pas dépareillé dans un jeu indé.

Parmi les mauvaises surprises, de nombreux abandons de dernière minute ont laissé des équipes à moitié formées, et j'avais mal pour eux de les voir tenter d'implémenter la vision de chefs de projets et de codeurs qui n'étaient finalement pas venu.

Ensuite, présentation et évaluation des projets, puis remise des prix.

Ce que j'en retire pour les candidats :

• Ayez un concept, et un seul ! Rien de plus frustrant que de voir des équipes partir dans tous les sens et finalement ne pas réussir grand chose.

• Soyez originaux ! Pomper un Pong sur Github, ça n'a juste aucun intérêt. Les gagnants avaient des jeux simples, mais jouables, et surtout, amusants. Dans cette optique, le jeu multijoueur (sur la même machine, hein, on demande pas à des gamins de faire de la programmation réseau !), c'est la martingale absolue : les juges jouent ensemble, se marrent, et repartent avec la meilleure impression possible.

• Utilisez toutes les compétences des membres de votre équipe ! Il y avait un groupe qui n'était pas à l'aise du tout avec le code, mais qui avait d'excellents artistes. Ils ont pondu un jeu d'arcade tout bête mais absolument magnifique, qui a fait grosse impression. De même, kudos à la gamine de 12 ans qui a pratiquement composé une symphonie sous mes yeux avec MuseScore.

• Préparez-vous un minimum, bon sang ! Peut-être est-ce trop demander à des enfants, mais les groupes qui ont gagné sont d'abord les groupes qui avaient à l'avance sélectionné leur concept et leurs choix technologiques, et s'étaient assurés qu'ils les maîtrisaient. Inutile de vous faire un dessin de ce qui s'est passé pour les équipes qui ont choisi leur moteur de jeu le matin même, parfois dans un langage qu'ils n'avaient jamais vu avant. La prof d'informatique avait cependant bien préparé le terrain, en conseillant fortement le Python (qui est le langage enseigné) pour tous les projets.

Et ce que j'en retire pour l'orga :

• Le système de feux tricolores, c'est du génie. C'est vraiment pratique de savoir qu'on ne va pas déranger, et ça m'a permis d'aller plusieurs fois faire mon petit tour et d'échanger avec les équipes sans craindre de les embêter.

• Soyez visible ! Lors d'une présentation, on m'a appelé "le mec en rouge qui aide beaucoup", ce qui m'a fait rosir de plaisir, mais le pull rouge faisait partie de la stratégie : être facilement reconnaissable pour faciliter les demandes d'aide.

• Faites plaisir ! Il y a eu multiplication de prix (meilleur jeu, meilleur artiste, meilleur concept…) et au final une petite moitié des équipes à reçu quelque chose. D'anciens élèves avaient fourni des bons d'achat pour les gagnants, et il y avait des pancartes géantes pour la séance photo. La boite de chocolats pour les mentors a été également très appréciée. En revanche, le mauvais sandwich triangulaire au cheddar du déjeuner (perfide Albion !) m'a déçu, plutôt que de nous promettre à manger et de nous refiler des cochonneries j'aurais autant préféré qu'on nous dise de venir avec notre tambouille.

En conclusion, tout ça est passé très vite, nos jeunes ont du talent, et vivement l'année prochaine !