Posté par Joalland .
Évalué à 2.
Dernière modification le 31 août 2022 à 17:45.
À partir d'une analyse des principales collections de NFT du marché, Galaxy Digital conclut que "la vaste majorité des NFT confère zéro droit de propriété intellectuelle sur leur contenu sous-jacent".
Dans la vraie vie si j'achète un tableau de Dali j'achète la propriété intellectuelle du tableau avec ?
Tu achètes un objet, et, vu que Dali est mort, tu peux en faire ce que tu veux (tant que tu ne t'en vantes pas, je ne sais pas s'il y a des ayant-droit pénibles). Si tu achètes un Vermeer, tu peux encore plus en faire ce que tu en veux vu que les ayant-droits…
Si tu achètes une illustration de Revoy, que tu peux avoir librement et gratuitement par ailleurs, tu n'acquières aucun droit dessus et tu es soumis à la licence mise dessus par son auteur (je ne sais pas laquelle il a pris).
E, fait, au début, des tas de gens se sont frottés les mains en pensant qu'ils pourraient se faire des fortunes faciles sur le dos des autres.
(j'ai dû sabrer un bout du titre, trop long)
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
Bah du coup mon jpeg j'en fais ce que je veux aussi non ? Je ne vois pas pourquoi ils parlent de propriétés intellectuelle alors que ce n'est pas le sujet quand tu achètes une œuvre d'art.
Tu achètes un objet, et, vu que Dali est mort, tu peux en faire ce que tu veux
Absolument pas! Tu peux en faire ce que tu veux… dans ta sphère privée (genre tu le mets dans ton salon et tu le montres à tes invités). Mais sans l'autorisation des ayant-droits (c'est à dire un contrat de cession de droits), tu peux pas:
faire d'expo avec;
utiliser de copies d'œuvre sur des prospectus, livres ou autres impressions, sur ton site, sur des réseaux sociaux, etc.;
vendre ou donner des copies;
et ainsi de suite.
Les droits patrimoniaux ne sont absolument pas transmis avec une œuvre physique. Ce sont 2 choses distinctes. Quand tu possèdes un tableau, physiquement, tu en as une sorte exclusivité physique, et c'est déjà beaucoup (vous êtes le seul, les autres doivent passer par vous d'abord, puis par les ayant-droits ensuite). Mais ça ne te soustrait pas au droit d'auteur lié à l'œuvre pour autant.
Certains ayant-droits d'artistes (qui s'organisent souvent en fondation pour la gestion de droits, une fois l'artiste décédé) sont particulièrement connus pour être très tatillons et en chasse permanente d'usage illicite de leurs œuvres, à parcourir les réseaux et à envoyer des factures ou des mises en demeure. Je connais quelqu'un qui a travaillé un temps à Pompidou par exemple et qui me disait qu'avec certains artistes (dont les fondations d'enfants/petit enfants/autres sont connus pour être à l'affût), il faut faire particulièrement attention. Et même si tu as des contrats pour certains droits, il faut bien lire les contrats de cession (qui sont en général assez précis sur l'usage, le lieu et la durée des droits cédés). Genre tu peux avoir obtenu des droits pour une exposition, mais cela ne signifie pas forcément que tu as le droit d'utiliser une œuvre sur le prospectus associé ou pour promouvoir l'exposition en ligne (dans l'usage par exemple, il pourrait être précisé par exemple la promotion par impression et une promotion sur internet séparée). Ça dépend de ce qui est écrit sur ton contrat et tu peux faire confiance en les avocats d'ayant-droits d'artistes célèbres pour te rappeler à l'ordre si tu fais la faute (c'est à dire de t'envoyer une nouvelle facture qui correspondrait à une nouvelle cession, et c'est dur de refuser une fois le "mal" fait).
Notons aussi que le Code de la propriété intellectuelle ne donne de barême. Il peut y avoir toute sorte de rémunération, petite, grande, proportionnelle (aux entrées par exemple), etc. Ça peut aussi être gratuit. Mais il faut tout de même avoir demandé aux ayant-droits (et idéalement mettre cela noir sur blanc pour preuve).
Alors je ne dis pas que c'est un usage généralisé, notamment je doute que les "petits" (dans le sens "pas connu et sans avocat") artistes vont se plaindre si jamais on leur propose une exposition (en général, c'est eux qui paient pour exposer en galerie, par exemple!). D'ailleurs je pense que beaucoup ne savent même pas que normalement la loi a des articles spécifiquement sur ce sujet et que c'est un usage du quotidien pour les gros artistes (c'est même exactement pour cette raison que les grosses fondations de gestion de droits d'auteur d'artistes célèbres sont si riches: ils vivent de ces droits même lorsque les œuvres physiques sont vendues). Mais dès qu'un artiste commence bien à vivre un peu de son art, ce dernier apprend progressivement ses droits et se met à demander. Si une mairie ou un petit lieu d'exposition (en général, c'est rarement de gros musées si l'artiste est encore peu connu!) lui propose d'exposer, il va se mettre à demander une rémunération (petite puis progressivement plus avec la confiance en soi grandissante).
Enfin bon, en conclusion, non, on ne fait pas ce qu'on veut d'une œuvre, même si on en est le propriétaire (ce qui est différent d'en être l'ayant droit). Posséder une œuvre physique et unique ne soustrait en rien aux droits patrimoniaux.
Si tu achètes une illustration de Revoy, que tu peux avoir librement et gratuitement par ailleurs, tu n'acquières aucun droit dessus et tu es soumis à la licence mise dessus par son auteur (je ne sais pas laquelle il a pris).
Pour l'exemple de l'art libre, la licence est en gros l'équivalent d'un contrat de cession de droits d'auteur à vie et pour tous ceux qui reçoivent une copie de l'œuvre, avec des conditions particulières (par exemple avec le BY-SA: créditer l'auteur par exemple — mais selon le pays, comme en France, c'est de toutes façons une obligation légale, c'est l'aspect "inaliénable" des droits moraux — ou autoriser les dérivés, ce qui implique aussi d'interdire d'interdire la réutilisation).
Donc si clairement, on te cède aussi des droits. C'est juste que tu n'as pas besoin de trouver les ayant-droits pour signer avec eux (tu peux toujours le faire si tu souhaites d'autres conditions). L'artiste a en quelque sorte signé seul pour céder à tous.
Film d'animation libre en CC by-sa/Art Libre, fait avec GIMP et autre logiciels libres: ZeMarmot [ http://film.zemarmot.net ]
Merci pour la leçon, dommage que tu n'aies pas pris la peine de lire. Je ais tout ça. Mais, si on achète un Dali et qu'on ne s'en vante pas (donc qu'on reste discret) on peut faire ce qu'on veut (le repeindre, le détruire, l'accrocher dns les WC, que sais-je) et encore plus s'il n'y pas d'ayant-droit. C'était mon propos. Rester discret = pas public. Il faudrait que les ayant-droit aillent fouiner chez toi pour voir ce que tu fais de la toile.
Pour un Vermeer, on peut faire ce qu'on veut même publiquement.
Contente de voir que tu as revu la conception des droits d'auteur, cela dit.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
Pas du tout. Vendre une œuvre ne fait absolument pas sauter les droits patrimoniaux. J'explique ça dans un commentaire juste en haut.
Si tu vends ton œuvre physique (tableau ou autre), tu en gardes les droits et le propriétaire du tableau doit continuer à passer par toi à chaque fois qu'il veut exposer ou reproduire l'œuvre par exemple. Acheter ton tableau ne l'exempte absolument pas de rémunérer l'artiste pour les droits patrimoniaux sur ton œuvre.
Film d'animation libre en CC by-sa/Art Libre, fait avec GIMP et autre logiciels libres: ZeMarmot [ http://film.zemarmot.net ]
Là tu rentres dans le domaine des droits moraux (plus des droits patrimoniaux). Et la réponse est… oui ou non, ça dépend des compétences de ton avocat! 🤣
La réponse de base, si tu veux pas te faire attaquer en justice et pas avoir des sueurs froides est évidemment: non. Globalement détruire une œuvre (ou la modifier), exprès, peut être considéré comme un affront (bon c'est pas le terme juridique; des juges parlerait plutôt de non respect d'un auteur et de son œuvre). En fait, c'est la première phrase du chapitre sur les droits moraux (article L121-1):
L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.
Cette phrase (la dernière partie) est interprétée par toutes les jurisprudences comme notamment interdisant la destruction ou la modification d'œuvres. On parle aussi du respect de l'intégrité de l'œuvre.
Bien sûr, les juges ne sont pas idiots. Si tu détruis une œuvre par erreur, dans un accident, incendie ou autre, en général, personne va te condamner (enfin… j'ai jamais entendu de telle jurisprudence en tous cas; pour une entité comme un musée, peut-être qu'un ayant-droit retors pourrait dire que c'était de la responsabilité du musée quand même d'avoir des systèmes pare-feu adéquats?). Mais clairement si tu achètes un Picasso (payé rubis sur l'ongle) et fais une représentation spectaculaire où tu détruis l'œuvre devant un public pour faire passer un argument, alors tu peux être à peu près sûr d'avoir une lettre d'avocat très bientôt!
Ensuite, et c'est là où la réponse pourrait être "oui" (tu peux la détruire/modifier), c'est: tu peux essayer et avec un très bon avocat, tu peux te retrouver co-auteur de l'œuvre puis te mettre à toucher des droits d'auteur à partir de maintenant (sur la nouvelle œuvre). Peut-être que tu perdrais quand même un procès pour non respect à l'intégrité d'une œuvre, mais que les futurs droits patrimoniaux que tu toucherais comblerait la perte initiale sur le long terme!
Ce qui au passage répond à ta seconde question:
Et si tu l'as modifié pour en faire un oeuvre à part entière, n'en deviens-tu pas l'unique ayant-droit?
Non, si tu modifies un œuvre, tu deviens co-auteur. L'ancien auteur ne disparaît pas. En fait, en droit français, il ne disparaît même jamais. C'est la troisième phrase de l'article L121-1:
Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Il y a d'une part le côté "perpétuel" qui signifie "à jamais". Dans 1000 ans, dans un million d'années (enfin… si la loi change pas, et surtout si les humains sont encore là 🙄), auteur tu es, auteur tu restes.
Le côté "inaliénable" qui veut dire que les ayant-droits n'ont même pas le pouvoir de refuser ces droits moraux. L'une des conséquences est qu'en France, il est interdit de mettre de côté la paternité d'une œuvre, même si c'est une commande payé par un client. C'est la raison pour laquelle on dit qu'en France, la licence CC-0 est équivalente de CC-by: parce qu'en France, tu ne peux t'affranchir du "by" (ça peut toujours être intéressant d'utiliser CC-0 pour que les gens dans d'autres juridictions puissent ne pas citer un auteur, mais dans un contrat français, cette clause est caduque).
"Imprescriptible", c'est un peu juste une répétition des 2 autres adjectifs avec un autre mot pour bien enfoncer le clou. :-)
Donc non, quand tu modifies une œuvre, l'ancien auteur ne disparaît pas. Comme tu le vois, en droit français, il est quasi impossible de faire perdre un statut d'auteur. Tu es juste co-auteur.
Par contre, tu pourrais devenir le seul auteur avec encore des droits patrimoniaux si l'œuvre était dans le domaine public. C'est à dire que l'autre auteur est bien encore ton co-auteur, mais tu es alors le seul à toucher des droits d'auteur.
Et oui, il y a des exemples réels. Le plus célèbre qui me vient immédiatement à l'esprit, et dont tout le monde a entendu parler (mais sans forcément en comprendre les implications en droit d'auteur): c'est la fameuse restauration en Espagne d'un Christ "Ecce Homo" qui tourne à la catastrophe. Je ne suis pas sûr si la vieille dame qui a fait cela a été poursuivie en justice (par les ayant-droits et/ou les propriétaires), mais au final elle a surtout réussi à conclure un accord pour toucher 49% des droits d'auteur (sur les visites — je sais pas si elles sont payantes dans cette église —, mais surtout sur les produits dérivés qui furent nombreux!). Notez comme c'est quasi la moitié, ce qui indique bien qu'on considère qu'elle est à moitié auteur. On parle de gros sous car cette œuvre est devenue un gros truc touristique maintenant.
Un point peu clair est qu'apparemment on voulait faire rentrer les ayant-droits de l'œuvre originelle dans l'accord mais qu'ils refuseraient. Cela indiquerait-il que l'œuvre ayant été "renouvelée", cela a remis le compteur des droits patrimoniaux à zéro, même pour les ayant-droits de l'auteur originel, des siècles après sa mort? Après tout, pourquoi pas! Le droit d'auteur est surtout une histoire de contrats (souvent appelés de "cessions de droits d'auteur") et d'avoir de bons avocats pour transformer une situation donnée en machine à sous, en tournant les mots de la loi de la façon qui les arrange (le but étant de ne jamais rentrer dans le domaine public ou d'arriver à en sortir, Disney étant experts en cela!).
Mais bon, apparemment ces ayant-droits originels refusent cet arrangement de toutes façons, donc au final, elle est bien la seule à toucher des droits patrimoniaux (jusque 70 ans après sa mort! C'est pareil en droit espagnol qu'en droit français, sauf erreur!). Mais elle n'est pas seule autrice ni seule ayant-droit (notamment les droits moraux existent aussi en Espagne, et aux dernières nouvelles, ils sont aussi perpétuels et inaliénables d'après les quelques sources que je trouve)!
Un second cas qui me vient à l'esprit est cette vieille dame qui a tenté de compléter une peinture représentant des mots croisées dans un musée. Ce fut assez simple de retrouver une référence de cette affaire avec une recherche web. Ce qui m'avait intéressé à l'époque, c'est que son avocat a tenté de demander des droits d'auteur sur l'œuvre à partir de maintenant.
Bon au final, de mémoire (d'autres articles), ça s'est arrangé avec une restauration (réussie!) où le musée a pu effacer les traces du stylo et il me semble bien que toutes les poursuites ont été abandonnées car la bonne foi de la vieille dame a été présumée (aussi si elle n'est pas riche, ça sert probablement à rien de lui demander une fortune; les assurances sont aussi là pour ça) et la restauration n'a pas coûté trop cher. C'est probablement juste l'avocat qui a eu les yeux plus gros que le ventre et a tenté de jouer le tout pour le tout en essayant de faire un gros coup comme l'Homo Ecce 🤭!
Donc voilà. La réponse finale, c'est donc: "non, tu ne peux pas détruire/modifier une œuvre (mais si elle t'appartient dans son support physique), mais tu peux toujours tenter et avec de la chance et le bon avocat, ça peut même te rendre riche (en te faisant devenir co-auteur)!"
Film d'animation libre en CC by-sa/Art Libre, fait avec GIMP et autre logiciels libres: ZeMarmot [ http://film.zemarmot.net ]
Posté par Psychofox (Mastodon) .
Évalué à 4.
Dernière modification le 01 septembre 2022 à 09:18.
Merci pour ces précisions.
Je pensais bêtement que si tu es possesseur d'un Vermeer ou un Van Gogh et décidait de faire de prendre une bombe de peinture et t'amuser à faire du Bansky par dessus, ça ne regardait que ta propre conscience. Mais si le droit est moral et l'oeuvre l'est tout autant, ne pourrait-on pas arguer avec un bon avocat qu'altérer le support physique ne touche pas à l'oeuvre originale car celle-ci reste dans la mémoire collective?
Au fait mes filles pourraient me poursuivre dans le futur d'avoir jeté quand je fais le ménage tous les dessins qu'elles laissent trainer n'importe où dans la chambre ou être parent suffit à me protéger ? _!
Oh si tu peux détruire ou modifier un Vermeer s'il t'appartient en propre, pas s'il est dans un musée, une église ou autre. Encore heureux.
Ben c'est pas ce qu'a l'air de dire Jehan plus haut:
"Mais clairement si tu achètes un Picasso (payé rubis sur l'ongle) et fais une représentation spectaculaire où tu détruis l'œuvre devant un public pour faire passer un argument, alors tu peux être à peu près sûr d'avoir une lettre d'avocat très bientôt!"
Bon dans le cas mentionné il y a mention de faire ça en publique qui change peut-être la donne, j'en sais rien je n'ai pas fait droit.
Picasso, il y a encore des ayant-droit et, effectivement, si tu le brûles tranquillement chez toi incognito, il faudrait que les ayant-droit aient le droit d'aller chez les propriétaires des œuvres pour exercer une forme de police. La Vénus de Milo ou Vermeer non ! Mais si tu t'amuses à peindre la Vénus de Milo, tu sera poursuivi pour déprédation de bien public, ton Vermeer à toi personnellement rien, si c'est celui qui est dans un musée par contre pareil que pour la Vénus de Milo.
Je ne vois pas trop quel moyen, en vertu de quoi et qui pourrait serait habilité à te poursuivre en justice si tu détruis en public une œuvre d'art qui t'appartient suffisamment ancienne pour qu'il n'y ait plus aucun ayant-droit connu et vérifiable. Le seul cas serait que, par exemple, l'œuvre soit classée en France. Mais si elle est inscrite au patrimoine de l'Humanité par l'Unesco, c'est difficile car ça ne donne pas une protection particulière.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
Je ne vois pas trop quel moyen, en vertu de quoi et qui pourrait serait habilité à te poursuivre en justice si tu détruis en public une œuvre d'art qui t'appartient suffisamment ancienne pour qu'il n'y ait plus aucun ayant-droit connu et vérifiable.
En fait tu risques plus d'avoir des problèmes avec le fisc si tu détruis une œuvre d'art (même de façon privée) qui a un certain intérêt patrimonial. Et ça n'a rien à voir avec le droit moral (encore heureux).
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
Oh que si tu risques d'avoir le fisc sur le dos, question d'évaluation du patrimoine en fait. Si ta toile de maître disparaît soudain de ton patrimoine c'est louche.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
C'est peut-être louche de prime abord mais si tu démontres que ta toile est détruite, ce n'est pas vraiment différent d'avoir perdu en patrimoine suite à une chute de l'immobilier ou des investissements foirés.
En effet, très bonne référence. Cet article me semble bien dire que le tribunal peut quand même prendre des décisions (au nom du droit moral) sans ayant-droits connus. Ensuite il faut quand même que quelqu'un attaque en justice (pour que le tribunal ait son mot à dire). Et là, c'est effectivement le second paragraphe qui dit que ça peut être le ministre chargé de la culture qui en a le droit.
Bien trouvé!… avec un bémol cependant, c'est que le paragraphe précédent parle de "l'usage ou le non-usage du droit de divulgation". Donc je me demande si ce pouvoir du ministre de la culture ne s'applique que sur ce problème de droit de divulgation ou sur tous les droits moraux. Ce n'est pas clair. Il faudrait voir s'il y a des précédents.
Ensuite perso je m'amuserais pas à détruire un Vermeer, même s'il n'y a aucun ayant-droit connu (j'en sais rien pour cet artiste en particulier mais c'est ce que semble savoir Ysabeau), ni une quelconque œuvre d'artiste connu en ma possession (en plus de la perte de valeur énorme pour moi si je possédais une telle œuvre! 😵💫).
Et puis de manière générale en plus, il ne faut pas juste se dire que des œuvres anciennes n'ont forcément plus d'ayant-droit (patrimonial, mais surtout moral pour les artistes anciens). On serait surpris (et il me semble que les familles riches en particulier gardent plus particulièrement des arbres généalogiques sur de nombreuses générations notamment). Et puis même pour un artiste sans aucune famille connue, là on parle d'héritage. S'il n'y a pas d'enfant, cela peut passer par la famille de la femme, ou encore par les frères et sœurs, il peut aussi y avoir eu un testament (donc un leg à un ami, un organisme…), etc. L'héritage, c'est compliqué. Assurer que tu n'aurais aucun problème, c'est — je trouve — s'avancer un peu, mais y a peut-être eu une jurisprudence particulière sur Vermeer où on sait qu'il n'y a vraiment personne qui t'attaquera et qu'on peut faire ce qu'on veut avec une de ses œuvres sans courir le moindre risque?
Peut-être aussi Vermeer a-t-il laissé des écrits particuliers sur le fait qu'il en avait rien à faire de ce que deviennent ses œuvres? C'est important dans le contexte du droit moral, puisqu'on parle de respect de l'auteur et de ses œuvres, en général les ayants droits parlent au nom de l'auteur; mais si ce ou cette dernière a laissé un document indiquant clairement son avis et que détruire son œuvre ne lui poserait aucun problème, un juge peut en tenir compte. Il y a eu un précédent assez important à ce sujet il n'y a pas longtemps, avec une suite de "Les Misérables" pour laquelle les ayant-droits de Victor Hugo avaient attaqué sous la raison que ça dénaturait l'œuvre originelle. Or justement les écrits de Victor Hugo (notamment une conférence donnée, des notes…) avaient beaucoup pesé dans les décisions pour connaître les intentions de l'auteur originelle (mais un tribunal avait conclu assez justement que les écrits n'étaient pas non plus suffisamment clairs pour se faire un avis sur l'opinion de l'auteur). Bon au final ce n'est pas sur ces intentions que la décision s'est donnée mais sur la liberté de création, qui au passage me paraît être une fin des plus pertinentes et bien plus intéressante et puissante que se baser sur le droit moral (que je n'apprécie que très peu personnellement!). Perso j'adore cette conclusion. Cet article donne les grandes lignes, et celui-ci plus de détails intéressants bien que je partage pas l'avis de l'auteur de ce dernier. Dans tous les cas, cela montre que l'intention et l'avis (sur ses œuvres et leur destin) d'un auteur de son vivant peut influer sur des décisions de justice en matière de droit moral.
En tous cas, perso j'en sais rien sur l'exemple précis donné. Mais je peux dire que je m'y essaierais pas.
Bon dans le cas mentionné il y a mention de faire ça en publique qui change peut-être la donne, j'en sais rien je n'ai pas fait droit.
Ça c'était juste pour illustrer qu'il faut que ça se sache. Mais ça n'a pas forcément besoin d'être aussi visible. En fait tu t'exposes aux mêmes risques si tu le fais en privé, c'est juste que tu réduis les chances de te faire prendre. Mais bon, tu as des invités (qui peuvent toujours te dénoncer, exprès ou par erreur), des paparazzis (si tu possèdes une telle œuvre, tu es peut-être quelqu'un d'un minimum public), le bruit peut toujours s'ébruiter d'une manière ou d'une autre. Je m'amuserais pas à ça même si j'étais suffisamment riche pour avoir ce genre d'œuvre.
La loi est claire:
L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.
Ce droit est attaché à sa personne.
Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l'auteur.
L'exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires.
Nulle part il n'est dit "en public". Si tu manques de respect à un auteur et à son œuvre, même en privé, il suffit juste que ça s'ébruite.
Et comme le note Xavier Claude dans son message, même s'il n'y a pas d'ayant-droit, le ministre de la culture peut saisir un tribunal au nom des ayant-droits (à vérifier si ce paragraphe s'appliquait vraiment à l'ensemble des droits moraux, c'est vraiment pas clair pour moi).
Au fait mes filles pourraient me poursuivre dans le futur d'avoir jeté quand je fais le ménage tous les dessins qu'elles laissent trainer n'importe où dans la chambre ou être parent suffit à me protéger ? _!
Je suppose que tu dis la remarque en blague. 😜
Mais je vais le prendre premier degré et répondre quand même, histoire de. Encore une fois, les juges ne sont pas idiots (enfin j'espère!) et verront sûrement la différence entre tes filles et un artiste très célèbre (disons que les droits associés à l'usage des dites œuvres si elles existaient encore s'élèveraient sûrement à 0€ de toutes façons; donc bon niveau droit patrimonial, y a pas grand chose; pour ce qui est du droit moral: était-ce vraiment du manque de respect de l'auteur et de son œuvre ou juste un parent faisant le ménage? 😉). Ensuite même si l'une de tes filles devenait une artiste immensément célèbre et avait voulu faire une expo "rétrospective de mon art, de mes 2 ans à aujourd'hui" et t'attaquait parce que tu as détruit ses œuvres de jeunesse, effectivement un juge devrait comprendre que tu le faisais comme tout père qui peut pas non plus tout garder ni s'imaginer que sa fille deviendrait une grande artiste. Mais bon je suis pas juge et je peux pas parler pour eux. Qui sait… ma confiance en la justice est assez inégale… 〜
Ensuite je crois que c'est se poser un peu trop de questions sur le droit d'auteur à ce niveau et je suis pas sûr qu'il y ait eu la moindre jurisprudence à ce sujet (jamais rien lu dessus du moins). En général c'est plutôt l'inverse qu'on semble voir en jurisprudence (de ce que je vois passer de temps en temps): des artistes adultes qui pourraient attaquer leurs parents pour avoir été exploités pendant leur enfance! 🙄
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Vermeer est mort en 1675 ! Les filiations directes sur cette période de temps… C'est quasiment comme si tu parlais des ayant-droit de la Vénus de Milo.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
Quand même : 1675 ça ne fait que ~350 ans. La Vénus de Milo date de ~130 av. J.-C. soit il y a ~2150 ans, cela fait une sacrée différence.
Il y a plein de gens dont la généalogie remonte aisément au début du 17e siècle, en particulier les familles installées depuis longtemps dans ce qui est aujourd'hui la France continentale et dont les états-civils ont échappé aux destructions des 2 guerres mondiales. Remonter plus loin que le 17e siècle suppose en plus d'avoir échappé aux destructions des guerres de religion, mais pour la fin du 17e siècle ce n'est pas extraordinaire dans le sud de la France.
Tu sais quoi cette vision du droit moral est absolument glaçante si on doit revenir aux dinosaures, glaçante en plus que d'être inepte. Si on suit cette logique débile, on ne pourrait faire aucune adaptation en musique et on n'aurait jamais dû faire de films sur les œuvres de Victor Hugo.
Bref. C'est une vision du droit moral douteuse et heureusement que les tribunaux ne vont pas toujours dans ce sens.
Les descendants surtout indirects ne devraient avoir aucun droit moral.
Et ici on t'enfonce quand tu uses de ton droit moral pour mettre tes œuvres à toi dans une licence CC qui interdit de les commercialiser… Incohérences.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
Je suis d'accord avec toi sur le fait que le droit moral est effrayant. Mais, le souci, ce n'est pas les explications ici, c'est le droit lui-même, qui sous prétexte de défendre la création, ne fait que l'enclore et la scléroser. Et oui, si on appliquait le droit tel qu'il est écrit en toute circonstance, on ne pourrait pas faire grand chose.
Heureusement les humains ont une grande capacité à ne pas suivre les règles ineptes. Donc, dans la pratique, il y a plein de choses qui se font, qui ne sont pas légales, mais tolérées. Et même quand cela passe devant la justice, il y a des juges qui sont moins idiots que la loi et des avocats qui tordent suffisamment les mots pour que ça ne finisse pas toujours de façon stupide. Mais, quand même, quand ça arrive devant le juge, c'est souvent assez stupide. Autant le savoir, non ?
Comprendre ce droit, dénoncer ses aberrations, c'est important justement pour le faire évoluer. Les licences libres sont assez géniales pour ça : elles s'appuient sur ce droit pour rétablir un peu les choses, elles ouvrent des portes dans un système très fermé. C'est un argument majeur en leur faveur.
Mais si le droit est moral et l'oeuvre l'est tout autant, ne pourrait-on pas arguer avec un bon avocat qu'altérer le support physique ne touche pas à l'oeuvre originale car celle-ci reste dans la mémoire collective?
Avec un bon avocat, tu peux tout essayer. Sauf pour certains trucs basiques, la loi est matière à interprétation (sinon y aurait jamais de procès).
Perso dans le cadre du Code de la propriété intellectuelle, que j'ai lu pas mal de fois, je trouve la raison invoquée ("l'oeuvre originale […] reste dans la mémoire collective") assez faible, mais qui suis-je pour te dire que ça peut pas marcher! 🤷😅
Qui sait, avec le bon avocat, tomber sur un juge complaisant, les étoiles bien alignés et une prière au dieu Spaghetti… 🤪
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Oui bon tout ça reste théorique on est d'accord…la seule oeuvre artistique que je possède ne dois pas valoir plus que son prix originel qui etait de moins de 2000€ et je n'ai aucune envie de la détruire.
C'est important dans le contexte du droit moral, puisqu'on parle de respect de l'auteur et de ses œuvres, en général les ayants droits parlent au nom de l'auteur; mais si ce ou cette dernière a laissé un document indiquant clairement son avis et que détruire son œuvre ne lui poserait aucun problème, un juge peut en tenir compte.
Alors ça, je trouve ça passionnant. C'est un point qui m'avait complètement échappé.
Je m'étais toujours demandé ce que deviendrait une œuvre libre après la mort de son auteur. Après tout, les ayant-droits pourraient décider que la licence libre c'est nul et embêter tout le monde. Pour le moment, le cas ne s'est pas présenté à ma connaissance (en partie parce que le libre est jeune et les gens encore vivants dans l'ensemble, et rarement assez connus pour que des histoires d'argent soient en jeu), mais vu le comportement de certains ayant-droits, cela peut s'imaginer. Mais avec cette approche, cela rends vraiment compliqué de remettre la licence en cause. Le droit moral pourra s'exercer sur certains usages de l'œuvre mais pas sur ce qui est couvert par la licence, qui restera imprescriptible puisque faisant partie des volontés explicites de l'auteur.
Ce qui me fait penser à L'homme qui plantait des arbres, de Giono. Il y a quelques années de ça, il y avait eu un petit scandale à propos d'une enclosure sur cette œuvre. Je n'arrive pas à retrouver le détail, mais il y avait eu pression de la part d'éditeurs pour que ce texte ne circule plus librement (on en retrouve des traces dans les discussions sur Wikipédia). Or c'est justement un texte où la volonté de l'auteur était très claire, où il tentait de le placer dans le domaine publique autant que possible. Donc si cela était allé devant la justice (je ne sais pas si ce fut le cas), les ayant-droits auraient été probablement déboutés de leur demande.
J'en profite pour signaler qu'il y a un "bon article" en français sur le produit à acheter.
Et tant qu'on y est… Et-ce qu'on peut faire un NFT sur cette article pour financer la transition écologique et nous sauver de la décroissance sobriété énergétique ?
# quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non ?
Posté par Joalland . Évalué à 2. Dernière modification le 31 août 2022 à 17:45.
Dans la vraie vie si j'achète un tableau de Dali j'achète la propriété intellectuelle du tableau avec ?
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus ?
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 4. Dernière modification le 31 août 2022 à 17:58.
Tu achètes un objet, et, vu que Dali est mort, tu peux en faire ce que tu veux (tant que tu ne t'en vantes pas, je ne sais pas s'il y a des ayant-droit pénibles). Si tu achètes un Vermeer, tu peux encore plus en faire ce que tu en veux vu que les ayant-droits…
Si tu achètes une illustration de Revoy, que tu peux avoir librement et gratuitement par ailleurs, tu n'acquières aucun droit dessus et tu es soumis à la licence mise dessus par son auteur (je ne sais pas laquelle il a pris).
E, fait, au début, des tas de gens se sont frottés les mains en pensant qu'ils pourraient se faire des fortunes faciles sur le dos des autres.
(j'ai dû sabrer un bout du titre, trop long)
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus ?
Posté par Joalland . Évalué à 2.
Bah du coup mon jpeg j'en fais ce que je veux aussi non ? Je ne vois pas pourquoi ils parlent de propriétés intellectuelle alors que ce n'est pas le sujet quand tu achètes une œuvre d'art.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus ?
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3.
Parce que l'idée c'était en partie de se faire des tunes en jouant sur le copyright (plutôt que sur la propriété intellectuelle) et qu'en fait non.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus ?
Posté par Jehan (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10.
Absolument pas! Tu peux en faire ce que tu veux… dans ta sphère privée (genre tu le mets dans ton salon et tu le montres à tes invités). Mais sans l'autorisation des ayant-droits (c'est à dire un contrat de cession de droits), tu peux pas:
Les droits patrimoniaux ne sont absolument pas transmis avec une œuvre physique. Ce sont 2 choses distinctes. Quand tu possèdes un tableau, physiquement, tu en as une sorte exclusivité physique, et c'est déjà beaucoup (vous êtes le seul, les autres doivent passer par vous d'abord, puis par les ayant-droits ensuite). Mais ça ne te soustrait pas au droit d'auteur lié à l'œuvre pour autant.
Certains ayant-droits d'artistes (qui s'organisent souvent en fondation pour la gestion de droits, une fois l'artiste décédé) sont particulièrement connus pour être très tatillons et en chasse permanente d'usage illicite de leurs œuvres, à parcourir les réseaux et à envoyer des factures ou des mises en demeure. Je connais quelqu'un qui a travaillé un temps à Pompidou par exemple et qui me disait qu'avec certains artistes (dont les fondations d'enfants/petit enfants/autres sont connus pour être à l'affût), il faut faire particulièrement attention. Et même si tu as des contrats pour certains droits, il faut bien lire les contrats de cession (qui sont en général assez précis sur l'usage, le lieu et la durée des droits cédés). Genre tu peux avoir obtenu des droits pour une exposition, mais cela ne signifie pas forcément que tu as le droit d'utiliser une œuvre sur le prospectus associé ou pour promouvoir l'exposition en ligne (dans l'usage par exemple, il pourrait être précisé par exemple la promotion par impression et une promotion sur internet séparée). Ça dépend de ce qui est écrit sur ton contrat et tu peux faire confiance en les avocats d'ayant-droits d'artistes célèbres pour te rappeler à l'ordre si tu fais la faute (c'est à dire de t'envoyer une nouvelle facture qui correspondrait à une nouvelle cession, et c'est dur de refuser une fois le "mal" fait).
Notons aussi que le Code de la propriété intellectuelle ne donne de barême. Il peut y avoir toute sorte de rémunération, petite, grande, proportionnelle (aux entrées par exemple), etc. Ça peut aussi être gratuit. Mais il faut tout de même avoir demandé aux ayant-droits (et idéalement mettre cela noir sur blanc pour preuve).
Alors je ne dis pas que c'est un usage généralisé, notamment je doute que les "petits" (dans le sens "pas connu et sans avocat") artistes vont se plaindre si jamais on leur propose une exposition (en général, c'est eux qui paient pour exposer en galerie, par exemple!). D'ailleurs je pense que beaucoup ne savent même pas que normalement la loi a des articles spécifiquement sur ce sujet et que c'est un usage du quotidien pour les gros artistes (c'est même exactement pour cette raison que les grosses fondations de gestion de droits d'auteur d'artistes célèbres sont si riches: ils vivent de ces droits même lorsque les œuvres physiques sont vendues). Mais dès qu'un artiste commence bien à vivre un peu de son art, ce dernier apprend progressivement ses droits et se met à demander. Si une mairie ou un petit lieu d'exposition (en général, c'est rarement de gros musées si l'artiste est encore peu connu!) lui propose d'exposer, il va se mettre à demander une rémunération (petite puis progressivement plus avec la confiance en soi grandissante).
Enfin bon, en conclusion, non, on ne fait pas ce qu'on veut d'une œuvre, même si on en est le propriétaire (ce qui est différent d'en être l'ayant droit). Posséder une œuvre physique et unique ne soustrait en rien aux droits patrimoniaux.
Pour l'exemple de l'art libre, la licence est en gros l'équivalent d'un contrat de cession de droits d'auteur à vie et pour tous ceux qui reçoivent une copie de l'œuvre, avec des conditions particulières (par exemple avec le BY-SA: créditer l'auteur par exemple — mais selon le pays, comme en France, c'est de toutes façons une obligation légale, c'est l'aspect "inaliénable" des droits moraux — ou autoriser les dérivés, ce qui implique aussi d'interdire d'interdire la réutilisation).
Donc si clairement, on te cède aussi des droits. C'est juste que tu n'as pas besoin de trouver les ayant-droits pour signer avec eux (tu peux toujours le faire si tu souhaites d'autres conditions). L'artiste a en quelque sorte signé seul pour céder à tous.
Film d'animation libre en CC by-sa/Art Libre, fait avec GIMP et autre logiciels libres: ZeMarmot [ http://film.zemarmot.net ]
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus ?
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à -1. Dernière modification le 01 septembre 2022 à 10:20.
Merci pour la leçon, dommage que tu n'aies pas pris la peine de lire. Je ais tout ça. Mais, si on achète un Dali et qu'on ne s'en vante pas (donc qu'on reste discret) on peut faire ce qu'on veut (le repeindre, le détruire, l'accrocher dns les WC, que sais-je) et encore plus s'il n'y pas d'ayant-droit. C'était mon propos. Rester discret = pas public. Il faudrait que les ayant-droit aillent fouiner chez toi pour voir ce que tu fais de la toile.
Pour un Vermeer, on peut faire ce qu'on veut même publiquement.
Contente de voir que tu as revu la conception des droits d'auteur, cela dit.
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[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par dyno partouzeur du centre . Évalué à 2.
L'artiste ou ses ayant-droits conservent juste un droit moral.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Jehan (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 6.
Pas du tout. Vendre une œuvre ne fait absolument pas sauter les droits patrimoniaux. J'explique ça dans un commentaire juste en haut.
Si tu vends ton œuvre physique (tableau ou autre), tu en gardes les droits et le propriétaire du tableau doit continuer à passer par toi à chaque fois qu'il veut exposer ou reproduire l'œuvre par exemple. Acheter ton tableau ne l'exempte absolument pas de rémunérer l'artiste pour les droits patrimoniaux sur ton œuvre.
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[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Psychofox (Mastodon) . Évalué à 4.
Mais peux-tu le détruire ou le modifier? Et si tu l'as modifié pour en faire un oeuvre à part entière, n'en deviens-tu pas l'unique ayant-droit?
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Jehan (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10. Dernière modification le 01 septembre 2022 à 02:41.
Là tu rentres dans le domaine des droits moraux (plus des droits patrimoniaux). Et la réponse est… oui ou non, ça dépend des compétences de ton avocat! 🤣
La réponse de base, si tu veux pas te faire attaquer en justice et pas avoir des sueurs froides est évidemment: non. Globalement détruire une œuvre (ou la modifier), exprès, peut être considéré comme un affront (bon c'est pas le terme juridique; des juges parlerait plutôt de non respect d'un auteur et de son œuvre). En fait, c'est la première phrase du chapitre sur les droits moraux (article L121-1):
Cette phrase (la dernière partie) est interprétée par toutes les jurisprudences comme notamment interdisant la destruction ou la modification d'œuvres. On parle aussi du respect de l'intégrité de l'œuvre.
Bien sûr, les juges ne sont pas idiots. Si tu détruis une œuvre par erreur, dans un accident, incendie ou autre, en général, personne va te condamner (enfin… j'ai jamais entendu de telle jurisprudence en tous cas; pour une entité comme un musée, peut-être qu'un ayant-droit retors pourrait dire que c'était de la responsabilité du musée quand même d'avoir des systèmes pare-feu adéquats?). Mais clairement si tu achètes un Picasso (payé rubis sur l'ongle) et fais une représentation spectaculaire où tu détruis l'œuvre devant un public pour faire passer un argument, alors tu peux être à peu près sûr d'avoir une lettre d'avocat très bientôt!
Ensuite, et c'est là où la réponse pourrait être "oui" (tu peux la détruire/modifier), c'est: tu peux essayer et avec un très bon avocat, tu peux te retrouver co-auteur de l'œuvre puis te mettre à toucher des droits d'auteur à partir de maintenant (sur la nouvelle œuvre). Peut-être que tu perdrais quand même un procès pour non respect à l'intégrité d'une œuvre, mais que les futurs droits patrimoniaux que tu toucherais comblerait la perte initiale sur le long terme!
Ce qui au passage répond à ta seconde question:
Non, si tu modifies un œuvre, tu deviens co-auteur. L'ancien auteur ne disparaît pas. En fait, en droit français, il ne disparaît même jamais. C'est la troisième phrase de l'article L121-1:
Il y a d'une part le côté "perpétuel" qui signifie "à jamais". Dans 1000 ans, dans un million d'années (enfin… si la loi change pas, et surtout si les humains sont encore là 🙄), auteur tu es, auteur tu restes.
Le côté "inaliénable" qui veut dire que les ayant-droits n'ont même pas le pouvoir de refuser ces droits moraux. L'une des conséquences est qu'en France, il est interdit de mettre de côté la paternité d'une œuvre, même si c'est une commande payé par un client. C'est la raison pour laquelle on dit qu'en France, la licence CC-0 est équivalente de CC-by: parce qu'en France, tu ne peux t'affranchir du "by" (ça peut toujours être intéressant d'utiliser CC-0 pour que les gens dans d'autres juridictions puissent ne pas citer un auteur, mais dans un contrat français, cette clause est caduque).
"Imprescriptible", c'est un peu juste une répétition des 2 autres adjectifs avec un autre mot pour bien enfoncer le clou. :-)
Donc non, quand tu modifies une œuvre, l'ancien auteur ne disparaît pas. Comme tu le vois, en droit français, il est quasi impossible de faire perdre un statut d'auteur. Tu es juste co-auteur.
Par contre, tu pourrais devenir le seul auteur avec encore des droits patrimoniaux si l'œuvre était dans le domaine public. C'est à dire que l'autre auteur est bien encore ton co-auteur, mais tu es alors le seul à toucher des droits d'auteur.
Et oui, il y a des exemples réels. Le plus célèbre qui me vient immédiatement à l'esprit, et dont tout le monde a entendu parler (mais sans forcément en comprendre les implications en droit d'auteur): c'est la fameuse restauration en Espagne d'un Christ "Ecce Homo" qui tourne à la catastrophe. Je ne suis pas sûr si la vieille dame qui a fait cela a été poursuivie en justice (par les ayant-droits et/ou les propriétaires), mais au final elle a surtout réussi à conclure un accord pour toucher 49% des droits d'auteur (sur les visites — je sais pas si elles sont payantes dans cette église —, mais surtout sur les produits dérivés qui furent nombreux!). Notez comme c'est quasi la moitié, ce qui indique bien qu'on considère qu'elle est à moitié auteur. On parle de gros sous car cette œuvre est devenue un gros truc touristique maintenant.
Un point peu clair est qu'apparemment on voulait faire rentrer les ayant-droits de l'œuvre originelle dans l'accord mais qu'ils refuseraient. Cela indiquerait-il que l'œuvre ayant été "renouvelée", cela a remis le compteur des droits patrimoniaux à zéro, même pour les ayant-droits de l'auteur originel, des siècles après sa mort? Après tout, pourquoi pas! Le droit d'auteur est surtout une histoire de contrats (souvent appelés de "cessions de droits d'auteur") et d'avoir de bons avocats pour transformer une situation donnée en machine à sous, en tournant les mots de la loi de la façon qui les arrange (le but étant de ne jamais rentrer dans le domaine public ou d'arriver à en sortir, Disney étant experts en cela!).
Mais bon, apparemment ces ayant-droits originels refusent cet arrangement de toutes façons, donc au final, elle est bien la seule à toucher des droits patrimoniaux (jusque 70 ans après sa mort! C'est pareil en droit espagnol qu'en droit français, sauf erreur!). Mais elle n'est pas seule autrice ni seule ayant-droit (notamment les droits moraux existent aussi en Espagne, et aux dernières nouvelles, ils sont aussi perpétuels et inaliénables d'après les quelques sources que je trouve)!
Un second cas qui me vient à l'esprit est cette vieille dame qui a tenté de compléter une peinture représentant des mots croisées dans un musée. Ce fut assez simple de retrouver une référence de cette affaire avec une recherche web. Ce qui m'avait intéressé à l'époque, c'est que son avocat a tenté de demander des droits d'auteur sur l'œuvre à partir de maintenant.
Bon au final, de mémoire (d'autres articles), ça s'est arrangé avec une restauration (réussie!) où le musée a pu effacer les traces du stylo et il me semble bien que toutes les poursuites ont été abandonnées car la bonne foi de la vieille dame a été présumée (aussi si elle n'est pas riche, ça sert probablement à rien de lui demander une fortune; les assurances sont aussi là pour ça) et la restauration n'a pas coûté trop cher. C'est probablement juste l'avocat qui a eu les yeux plus gros que le ventre et a tenté de jouer le tout pour le tout en essayant de faire un gros coup comme l'Homo Ecce 🤭!
Donc voilà. La réponse finale, c'est donc: "non, tu ne peux pas détruire/modifier une œuvre (mais si elle t'appartient dans son support physique), mais tu peux toujours tenter et avec de la chance et le bon avocat, ça peut même te rendre riche (en te faisant devenir co-auteur)!"
Film d'animation libre en CC by-sa/Art Libre, fait avec GIMP et autre logiciels libres: ZeMarmot [ http://film.zemarmot.net ]
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Psychofox (Mastodon) . Évalué à 4. Dernière modification le 01 septembre 2022 à 09:18.
Merci pour ces précisions.
Je pensais bêtement que si tu es possesseur d'un Vermeer ou un Van Gogh et décidait de faire de prendre une bombe de peinture et t'amuser à faire du Bansky par dessus, ça ne regardait que ta propre conscience. Mais si le droit est moral et l'oeuvre l'est tout autant, ne pourrait-on pas arguer avec un bon avocat qu'altérer le support physique ne touche pas à l'oeuvre originale car celle-ci reste dans la mémoire collective?
Au fait mes filles pourraient me poursuivre dans le futur d'avoir jeté quand je fais le ménage tous les dessins qu'elles laissent trainer n'importe où dans la chambre ou être parent suffit à me protéger ? _!
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 1.
Oh si tu peux détruire ou modifier un Vermeer s'il t'appartient en propre, pas s'il est dans un musée, une église ou autre. Encore heureux.
Si tu abîmes une œuvre dans un musée, une œuvre ancienne (sans ayant-droit connu), ce n'est pas le droit moral qui est en cause, rien à voir.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Psychofox (Mastodon) . Évalué à 4.
Ben c'est pas ce qu'a l'air de dire Jehan plus haut:
"Mais clairement si tu achètes un Picasso (payé rubis sur l'ongle) et fais une représentation spectaculaire où tu détruis l'œuvre devant un public pour faire passer un argument, alors tu peux être à peu près sûr d'avoir une lettre d'avocat très bientôt!"
Bon dans le cas mentionné il y a mention de faire ça en publique qui change peut-être la donne, j'en sais rien je n'ai pas fait droit.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 4. Dernière modification le 01 septembre 2022 à 11:34.
Picasso, il y a encore des ayant-droit et, effectivement, si tu le brûles tranquillement chez toi incognito, il faudrait que les ayant-droit aient le droit d'aller chez les propriétaires des œuvres pour exercer une forme de police. La Vénus de Milo ou Vermeer non ! Mais si tu t'amuses à peindre la Vénus de Milo, tu sera poursuivi pour déprédation de bien public, ton Vermeer à toi personnellement rien, si c'est celui qui est dans un musée par contre pareil que pour la Vénus de Milo.
Je ne vois pas trop quel moyen, en vertu de quoi et qui pourrait serait habilité à te poursuivre en justice si tu détruis en public une œuvre d'art qui t'appartient suffisamment ancienne pour qu'il n'y ait plus aucun ayant-droit connu et vérifiable. Le seul cas serait que, par exemple, l'œuvre soit classée en France. Mais si elle est inscrite au patrimoine de l'Humanité par l'Unesco, c'est difficile car ça ne donne pas une protection particulière.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par claudex . Évalué à 5.
Si je comprends bien, c'est le Ministre de la culture qui peut saisir le tribunal quand il n'y a plus d'héritiers (connus): https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039279814
« Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.
En fait tu risques plus d'avoir des problèmes avec le fisc si tu détruis une œuvre d'art (même de façon privée) qui a un certain intérêt patrimonial. Et ça n'a rien à voir avec le droit moral (encore heureux).
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par claudex . Évalué à 3.
Cela n'a rien à voir avec l'article que j'ai cité (et tu peux très bien détruire ta maison, le fisc ne va pas te poser de problème).
« Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 3.
Oh que si tu risques d'avoir le fisc sur le dos, question d'évaluation du patrimoine en fait. Si ta toile de maître disparaît soudain de ton patrimoine c'est louche.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Psychofox (Mastodon) . Évalué à 4.
C'est peut-être louche de prime abord mais si tu démontres que ta toile est détruite, ce n'est pas vraiment différent d'avoir perdu en patrimoine suite à une chute de l'immobilier ou des investissements foirés.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.
Le truc c'est d'arriver à le démontrer en fait :-)
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Psychofox (Mastodon) . Évalué à 4.
N'est-ce pas à eux que revient la charge de preuve?
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par claudex . Évalué à 3.
Pas plus que si ta maison disparaît soudain de ton patrimoine.
« Rappelez-vous toujours que si la Gestapo avait les moyens de vous faire parler, les politiciens ont, eux, les moyens de vous faire taire. » Coluche
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.
Tu ne connais pas les agents du fisc toi (ni ce dont sont capables certaines personnes pour échapper à l'impôt). Ils vont soupçonner un truc louche.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Jehan (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 5.
En effet, très bonne référence. Cet article me semble bien dire que le tribunal peut quand même prendre des décisions (au nom du droit moral) sans ayant-droits connus. Ensuite il faut quand même que quelqu'un attaque en justice (pour que le tribunal ait son mot à dire). Et là, c'est effectivement le second paragraphe qui dit que ça peut être le ministre chargé de la culture qui en a le droit.
Bien trouvé!… avec un bémol cependant, c'est que le paragraphe précédent parle de "l'usage ou le non-usage du droit de divulgation". Donc je me demande si ce pouvoir du ministre de la culture ne s'applique que sur ce problème de droit de divulgation ou sur tous les droits moraux. Ce n'est pas clair. Il faudrait voir s'il y a des précédents.
Ensuite perso je m'amuserais pas à détruire un Vermeer, même s'il n'y a aucun ayant-droit connu (j'en sais rien pour cet artiste en particulier mais c'est ce que semble savoir Ysabeau), ni une quelconque œuvre d'artiste connu en ma possession (en plus de la perte de valeur énorme pour moi si je possédais une telle œuvre! 😵💫).
Et puis de manière générale en plus, il ne faut pas juste se dire que des œuvres anciennes n'ont forcément plus d'ayant-droit (patrimonial, mais surtout moral pour les artistes anciens). On serait surpris (et il me semble que les familles riches en particulier gardent plus particulièrement des arbres généalogiques sur de nombreuses générations notamment). Et puis même pour un artiste sans aucune famille connue, là on parle d'héritage. S'il n'y a pas d'enfant, cela peut passer par la famille de la femme, ou encore par les frères et sœurs, il peut aussi y avoir eu un testament (donc un leg à un ami, un organisme…), etc. L'héritage, c'est compliqué. Assurer que tu n'aurais aucun problème, c'est — je trouve — s'avancer un peu, mais y a peut-être eu une jurisprudence particulière sur Vermeer où on sait qu'il n'y a vraiment personne qui t'attaquera et qu'on peut faire ce qu'on veut avec une de ses œuvres sans courir le moindre risque?
Peut-être aussi Vermeer a-t-il laissé des écrits particuliers sur le fait qu'il en avait rien à faire de ce que deviennent ses œuvres? C'est important dans le contexte du droit moral, puisqu'on parle de respect de l'auteur et de ses œuvres, en général les ayants droits parlent au nom de l'auteur; mais si ce ou cette dernière a laissé un document indiquant clairement son avis et que détruire son œuvre ne lui poserait aucun problème, un juge peut en tenir compte. Il y a eu un précédent assez important à ce sujet il n'y a pas longtemps, avec une suite de "Les Misérables" pour laquelle les ayant-droits de Victor Hugo avaient attaqué sous la raison que ça dénaturait l'œuvre originelle. Or justement les écrits de Victor Hugo (notamment une conférence donnée, des notes…) avaient beaucoup pesé dans les décisions pour connaître les intentions de l'auteur originelle (mais un tribunal avait conclu assez justement que les écrits n'étaient pas non plus suffisamment clairs pour se faire un avis sur l'opinion de l'auteur). Bon au final ce n'est pas sur ces intentions que la décision s'est donnée mais sur la liberté de création, qui au passage me paraît être une fin des plus pertinentes et bien plus intéressante et puissante que se baser sur le droit moral (que je n'apprécie que très peu personnellement!). Perso j'adore cette conclusion. Cet article donne les grandes lignes, et celui-ci plus de détails intéressants bien que je partage pas l'avis de l'auteur de ce dernier. Dans tous les cas, cela montre que l'intention et l'avis (sur ses œuvres et leur destin) d'un auteur de son vivant peut influer sur des décisions de justice en matière de droit moral.
En tous cas, perso j'en sais rien sur l'exemple précis donné. Mais je peux dire que je m'y essaierais pas.
Ça c'était juste pour illustrer qu'il faut que ça se sache. Mais ça n'a pas forcément besoin d'être aussi visible. En fait tu t'exposes aux mêmes risques si tu le fais en privé, c'est juste que tu réduis les chances de te faire prendre. Mais bon, tu as des invités (qui peuvent toujours te dénoncer, exprès ou par erreur), des paparazzis (si tu possèdes une telle œuvre, tu es peut-être quelqu'un d'un minimum public), le bruit peut toujours s'ébruiter d'une manière ou d'une autre. Je m'amuserais pas à ça même si j'étais suffisamment riche pour avoir ce genre d'œuvre.
La loi est claire:
Nulle part il n'est dit "en public". Si tu manques de respect à un auteur et à son œuvre, même en privé, il suffit juste que ça s'ébruite.
Et comme le note Xavier Claude dans son message, même s'il n'y a pas d'ayant-droit, le ministre de la culture peut saisir un tribunal au nom des ayant-droits (à vérifier si ce paragraphe s'appliquait vraiment à l'ensemble des droits moraux, c'est vraiment pas clair pour moi).
Je suppose que tu dis la remarque en blague. 😜
Mais je vais le prendre premier degré et répondre quand même, histoire de. Encore une fois, les juges ne sont pas idiots (enfin j'espère!) et verront sûrement la différence entre tes filles et un artiste très célèbre (disons que les droits associés à l'usage des dites œuvres si elles existaient encore s'élèveraient sûrement à 0€ de toutes façons; donc bon niveau droit patrimonial, y a pas grand chose; pour ce qui est du droit moral: était-ce vraiment du manque de respect de l'auteur et de son œuvre ou juste un parent faisant le ménage? 😉). Ensuite même si l'une de tes filles devenait une artiste immensément célèbre et avait voulu faire une expo "rétrospective de mon art, de mes 2 ans à aujourd'hui" et t'attaquait parce que tu as détruit ses œuvres de jeunesse, effectivement un juge devrait comprendre que tu le faisais comme tout père qui peut pas non plus tout garder ni s'imaginer que sa fille deviendrait une grande artiste. Mais bon je suis pas juge et je peux pas parler pour eux. Qui sait… ma confiance en la justice est assez inégale… 〜
Ensuite je crois que c'est se poser un peu trop de questions sur le droit d'auteur à ce niveau et je suis pas sûr qu'il y ait eu la moindre jurisprudence à ce sujet (jamais rien lu dessus du moins). En général c'est plutôt l'inverse qu'on semble voir en jurisprudence (de ce que je vois passer de temps en temps): des artistes adultes qui pourraient attaquer leurs parents pour avoir été exploités pendant leur enfance! 🙄
Film d'animation libre en CC by-sa/Art Libre, fait avec GIMP et autre logiciels libres: ZeMarmot [ http://film.zemarmot.net ]
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 2.
Vermeer est mort en 1675 ! Les filiations directes sur cette période de temps… C'est quasiment comme si tu parlais des ayant-droit de la Vénus de Milo.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Jean-Baptiste Faure . Évalué à 3.
Quand même : 1675 ça ne fait que ~350 ans. La Vénus de Milo date de ~130 av. J.-C. soit il y a ~2150 ans, cela fait une sacrée différence.
Il y a plein de gens dont la généalogie remonte aisément au début du 17e siècle, en particulier les familles installées depuis longtemps dans ce qui est aujourd'hui la France continentale et dont les états-civils ont échappé aux destructions des 2 guerres mondiales. Remonter plus loin que le 17e siècle suppose en plus d'avoir échappé aux destructions des guerres de religion, mais pour la fin du 17e siècle ce n'est pas extraordinaire dans le sud de la France.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 4.
Tu sais quoi cette vision du droit moral est absolument glaçante si on doit revenir aux dinosaures, glaçante en plus que d'être inepte. Si on suit cette logique débile, on ne pourrait faire aucune adaptation en musique et on n'aurait jamais dû faire de films sur les œuvres de Victor Hugo.
Bref. C'est une vision du droit moral douteuse et heureusement que les tribunaux ne vont pas toujours dans ce sens.
Les descendants surtout indirects ne devraient avoir aucun droit moral.
Et ici on t'enfonce quand tu uses de ton droit moral pour mettre tes œuvres à toi dans une licence CC qui interdit de les commercialiser… Incohérences.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Zatalyz (site web personnel) . Évalué à 4.
Je suis d'accord avec toi sur le fait que le droit moral est effrayant. Mais, le souci, ce n'est pas les explications ici, c'est le droit lui-même, qui sous prétexte de défendre la création, ne fait que l'enclore et la scléroser. Et oui, si on appliquait le droit tel qu'il est écrit en toute circonstance, on ne pourrait pas faire grand chose.
Heureusement les humains ont une grande capacité à ne pas suivre les règles ineptes. Donc, dans la pratique, il y a plein de choses qui se font, qui ne sont pas légales, mais tolérées. Et même quand cela passe devant la justice, il y a des juges qui sont moins idiots que la loi et des avocats qui tordent suffisamment les mots pour que ça ne finisse pas toujours de façon stupide. Mais, quand même, quand ça arrive devant le juge, c'est souvent assez stupide. Autant le savoir, non ?
Comprendre ce droit, dénoncer ses aberrations, c'est important justement pour le faire évoluer. Les licences libres sont assez géniales pour ça : elles s'appuient sur ce droit pour rétablir un peu les choses, elles ouvrent des portes dans un système très fermé. C'est un argument majeur en leur faveur.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Jehan (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 4.
J'ai oublié de répondre à ça:
Avec un bon avocat, tu peux tout essayer. Sauf pour certains trucs basiques, la loi est matière à interprétation (sinon y aurait jamais de procès).
Perso dans le cadre du Code de la propriété intellectuelle, que j'ai lu pas mal de fois, je trouve la raison invoquée ("l'oeuvre originale […] reste dans la mémoire collective") assez faible, mais qui suis-je pour te dire que ça peut pas marcher! 🤷😅
Qui sait, avec le bon avocat, tomber sur un juge complaisant, les étoiles bien alignés et une prière au dieu Spaghetti… 🤪
Film d'animation libre en CC by-sa/Art Libre, fait avec GIMP et autre logiciels libres: ZeMarmot [ http://film.zemarmot.net ]
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Psychofox (Mastodon) . Évalué à 3.
Oui bon tout ça reste théorique on est d'accord…la seule oeuvre artistique que je possède ne dois pas valoir plus que son prix originel qui etait de moins de 2000€ et je n'ai aucune envie de la détruire.
[^] # Re: quand tu achètes un tableau tu n'as pas le droit à la propriété intellectuel dessus non plus non
Posté par Zatalyz (site web personnel) . Évalué à 3.
Alors ça, je trouve ça passionnant. C'est un point qui m'avait complètement échappé.
Je m'étais toujours demandé ce que deviendrait une œuvre libre après la mort de son auteur. Après tout, les ayant-droits pourraient décider que la licence libre c'est nul et embêter tout le monde. Pour le moment, le cas ne s'est pas présenté à ma connaissance (en partie parce que le libre est jeune et les gens encore vivants dans l'ensemble, et rarement assez connus pour que des histoires d'argent soient en jeu), mais vu le comportement de certains ayant-droits, cela peut s'imaginer. Mais avec cette approche, cela rends vraiment compliqué de remettre la licence en cause. Le droit moral pourra s'exercer sur certains usages de l'œuvre mais pas sur ce qui est couvert par la licence, qui restera imprescriptible puisque faisant partie des volontés explicites de l'auteur.
Ce qui me fait penser à L'homme qui plantait des arbres, de Giono. Il y a quelques années de ça, il y avait eu un petit scandale à propos d'une enclosure sur cette œuvre. Je n'arrive pas à retrouver le détail, mais il y avait eu pression de la part d'éditeurs pour que ce texte ne circule plus librement (on en retrouve des traces dans les discussions sur Wikipédia). Or c'est justement un texte où la volonté de l'auteur était très claire, où il tentait de le placer dans le domaine publique autant que possible. Donc si cela était allé devant la justice (je ne sais pas si ce fut le cas), les ayant-droits auraient été probablement déboutés de leur demande.
# Un véritable intérêt
Posté par nico4nicolas . Évalué à 10.
Ca peut être intéressant… pour ceux qui ont une éolienne, ou ceux qui font de la voile.
[^] # Re: Un véritable intérêt
Posté par bunam . Évalué à 1.
j'adore !!!!!
[^] # Re: Un véritable intérêt
Posté par volts . Évalué à 4.
J'en profite pour signaler qu'il y a un "bon article" en français sur le produit à acheter.
Et tant qu'on y est… Et-ce qu'on peut faire un NFT sur cette article pour financer la transition écologique et nous sauver de la
décroissancesobriété énergétique ?# petit rappel ?
Posté par bunam . Évalué à 6.
https://linuxfr.org/users/colargol/liens/le-s-probleme-s-avec-les-nft
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