HAL et Arxiv sont des serveurs de « preprints » et il est toujours gratuit d’y poster des articles comme de les lire (si votre serveur de preprints vous demande de payer, c’est une arnaque, changez de serveur de preprints).
On appelle preprint la version d’un article de recherche prête à être soumise à un journal et rendue publique par ses auteurs, mais pas encore évaluée par des experts sollicités par le journal (et choisis pour être le plus indépendants possible, en particulier le journal tâche de ne pas envoyer un article à des gens qui ont publié avec les auteurs de l’article en question dans les quelques années précédentes, ni à des compétiteurs directs qui pourraient ne pas être totalement impartiaux). La plupart des journaux n’ont aucun problème à ce que les auteurs postent un preprint avant ou en même temps qu’ils soumettent leur article au journal. Si le journal auquel vous voulez soumettre un article vous interdit de poster un preprint, changez de journal.
Springer, plus précisément le groupe Springer Nature (pas de page Wikipedia en français, désolé), est un éditeur qui publie des journaux scientifiques. Leur modèle économique est de faire payer des sommes déraisonnables en abonnements aux lecteurs (modèle traditionnel) ou en frais de publication aux auteurs (nouveau modèle), selon les journaux, tout en faisant travailler gratuitement les experts qui évaluent les articles et en minimisant leurs dépenses de fonctionnement (la plupart des journaux sont maintenant uniquement en ligne, très peu sont encore imprimés).
Le lien que nous sommes en train de commenter explique que la bibliothèque de l’université de Lille a mis fin aux abonnements qu’elle avait aux journaux du groupe Springer Nature, probablement parce qu’elle a réalisé que cet argent était mieux employé autrement et/ou suite à la dernière augmentation des tarifs pratiquée régulièrement par ces éditeurs (je n’ai pas lu l’article, mais ce genre de nouvelle est courant ces dernières années dans le monde académique dans lequel je travaille).
En fait la bibliothèque a résilié effectivement à cause de la forte augmentation des prix mais aussi parce que :
l'éditeur n’a pas respecté les engagements qu’il avait pris en faveur de la science ouverte et du libre accès à ses contenus.
Et il y a un fort mouvement et une forte incitation à diminuer ou supprimer ce type d'abonnements dans les universités et poursuivre une politique de science ouverte.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
Comme membre d'un CoS (comité de sélection, c'est-à-dire l'ersatz de service de recrutement pour embaucher des maîtres de conférence en France) j'ai eu à lire des articles publiés chez Springer Nature. De toute évidence aucun comité de lecture et surtout aucun éditeur, même non scientifique ne s'était penché sur ces œuvres. En cherchant très modestement, il m'avait semblé pouvoir inférer que Springer Nature serait un groupe peu scrupuleux se destinant à publier n'importe quoi sous le couvert de noms prestigieux (et nonobstant à la part d'ombre non négligeable) de l'édition scientifique que sont Nature, et Springer. Mais je ne suis pas un spécialiste de l'édition. Aussi puis-je me méprendre totalement sur la base d'un très petit nombre d'échantillon lamentables. Serait-ce le cas ?
Quoi qu'il en soit, j'invite quiconque aurait entre les mains des documents marqués par le sceau (d'infamie, selon moi) Springer-Nature, à la prudence. Une simple lecture très superficielle devrait d'ailleurs suffire à révéler la supercherie, toujours d'après mon expérience. Malheureusement, combien de dossiers scientifiques sont-ils étudiés sur la seule base du nombre et de la nature des publications ? Voire quand les scrutateurs poussent le zèle et l'abnégation, en vérifiant la cohérence des titres avec la thématique d'intérêt. Mais sans que personne ne se préoccupe jamais ne serait-ce que dans lire un seul ?
Le constat que les revues à comité de lecture auraient tendance à ne plus faire qu'une relecture superficielle sans aller sur le fond est assez récurrent. Et, si on veut mon avis, compte tenu de la qualité (ou de son absence plutôt) de ces relectures, avec internet en mettant les articles sur des sites comme Hal et en permettant à des gens sélectionnés (donc en fait un comité de lecture) d'émettre des commentaires dessus, on aura un meilleur travail qui reviendra globalement moins cher aux organismes de recherche et permettra une meilleure transparence des procédés tout en donnant l'accès aux publications à tout le monde (sur le plan géographique aussi et c'est franchement essentiel).
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
Au lieu de profiter de la manne d'argent qui tombe à peu de frais, ils ont fait ce que font toutes les boites en situation de monopole (ou quasi-monopole): ils ont cherché à tirer toujours plus de revenus là où il n'y avait plus de marge de croissance.
Donc après avoir historiquement fait payer les lecteurs, ils se sont mis à faire payer les auteurs… en plus des lecteurs, bien entendu!
Et pour boucler le tout, ils gonflent leurs tarifs (l'inflation, vous comprenez?).
C'est le chemin de l'«enshitification» décrite par Cory Doctorow.
Bilan: ils ont fait fuir leurs clients, et pire encore, ils les ont encouragé à développer les alternatives qui ne nécessitent plus d'éditeurs tels que Springer, ce qui fait que même s'ils redevenaient raisonnables, les clients n'auront bientôt plus aucune raison de revenir.
Oui l’open access qui va souvent de paire avec le paiement des chercheurs pour publier, c'est un tantinet une incitation (en plus du publish or perish) à publier de plus en plus de trucs dans des revues qui ressemblent de plus en plus à des revues prédatrices. Pas la faute de l’Open Access en tant que tel mais implémenté comme ça ça ne peut que mettre la pression sur un modèle qui était déjà mis en cause depuis des années.
Sinon on voit que pour les matheux et les hospitalo-universitaires "c'est pas possible de s'en passer", la bibliothèque régionale de mathématiques a reconduit ses abonnements, tout comme le CHU semble-t-il.
Aussi, je crois me souvenir que l'éditeur APress, qui publie beaucoup de bouquins techniques autour de nos thèmes favoris est dans le giron du groupe Springer.
Malheureusement vous voyez là que dans le monde scientifique la solidarité a ses limites, et que parfois les réflexes individualistes et pour ainsi dire corporatistes viennent entraver une action collective, qui, pour une fois, est massivement soutenue par les personnels, usagers, et institutions.
Comme disent les fatalistes anglophones, "this is why we can't have nice things" :-(
# Question naive
Posté par Florian.J . Évalué à 1.
Je connaissais pas Springer, mais est ce que ça faisait pas un peu doublon avec HAL et/ou Arxiv ?
[^] # Re: Question naive
Posté par Guillawme (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10. Dernière modification le 14 février 2024 à 19:02.
HAL et Arxiv sont des serveurs de « preprints » et il est toujours gratuit d’y poster des articles comme de les lire (si votre serveur de preprints vous demande de payer, c’est une arnaque, changez de serveur de preprints).
On appelle preprint la version d’un article de recherche prête à être soumise à un journal et rendue publique par ses auteurs, mais pas encore évaluée par des experts sollicités par le journal (et choisis pour être le plus indépendants possible, en particulier le journal tâche de ne pas envoyer un article à des gens qui ont publié avec les auteurs de l’article en question dans les quelques années précédentes, ni à des compétiteurs directs qui pourraient ne pas être totalement impartiaux). La plupart des journaux n’ont aucun problème à ce que les auteurs postent un preprint avant ou en même temps qu’ils soumettent leur article au journal. Si le journal auquel vous voulez soumettre un article vous interdit de poster un preprint, changez de journal.
Springer, plus précisément le groupe Springer Nature (pas de page Wikipedia en français, désolé), est un éditeur qui publie des journaux scientifiques. Leur modèle économique est de faire payer des sommes déraisonnables en abonnements aux lecteurs (modèle traditionnel) ou en frais de publication aux auteurs (nouveau modèle), selon les journaux, tout en faisant travailler gratuitement les experts qui évaluent les articles et en minimisant leurs dépenses de fonctionnement (la plupart des journaux sont maintenant uniquement en ligne, très peu sont encore imprimés).
Le lien que nous sommes en train de commenter explique que la bibliothèque de l’université de Lille a mis fin aux abonnements qu’elle avait aux journaux du groupe Springer Nature, probablement parce qu’elle a réalisé que cet argent était mieux employé autrement et/ou suite à la dernière augmentation des tarifs pratiquée régulièrement par ces éditeurs (je n’ai pas lu l’article, mais ce genre de nouvelle est courant ces dernières années dans le monde académique dans lequel je travaille).
[^] # Re: Question naive
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 10.
En fait la bibliothèque a résilié effectivement à cause de la forte augmentation des prix mais aussi parce que :
Et il y a un fort mouvement et une forte incitation à diminuer ou supprimer ce type d'abonnements dans les universités et poursuivre une politique de science ouverte.
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
[^] # Re: Question naive
Posté par Florian.J . Évalué à 4.
Merci pour ces précisions.
[^] # Nouvelle question naïve ?
Posté par ǝpɐןƃu∀ nǝıɥʇʇɐW-ǝɹɹǝıԀ (site web personnel) . Évalué à 7.
Comme membre d'un CoS (comité de sélection, c'est-à-dire l'ersatz de service de recrutement pour embaucher des maîtres de conférence en France) j'ai eu à lire des articles publiés chez Springer Nature. De toute évidence aucun comité de lecture et surtout aucun éditeur, même non scientifique ne s'était penché sur ces œuvres. En cherchant très modestement, il m'avait semblé pouvoir inférer que Springer Nature serait un groupe peu scrupuleux se destinant à publier n'importe quoi sous le couvert de noms prestigieux (et nonobstant à la part d'ombre non négligeable) de l'édition scientifique que sont Nature, et Springer. Mais je ne suis pas un spécialiste de l'édition. Aussi puis-je me méprendre totalement sur la base d'un très petit nombre d'échantillon lamentables. Serait-ce le cas ?
Quoi qu'il en soit, j'invite quiconque aurait entre les mains des documents marqués par le sceau (d'infamie, selon moi) Springer-Nature, à la prudence. Une simple lecture très superficielle devrait d'ailleurs suffire à révéler la supercherie, toujours d'après mon expérience. Malheureusement, combien de dossiers scientifiques sont-ils étudiés sur la seule base du nombre et de la nature des publications ? Voire quand les scrutateurs poussent le zèle et l'abnégation, en vérifiant la cohérence des titres avec la thématique d'intérêt. Mais sans que personne ne se préoccupe jamais ne serait-ce que dans lire un seul ?
« IRAFURORBREVISESTANIMUMREGEQUINISIPARETIMPERAT » — Odes — Horace
[^] # Re: Nouvelle question naïve ?
Posté par Ysabeau 🧶 (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 6.
Le constat que les revues à comité de lecture auraient tendance à ne plus faire qu'une relecture superficielle sans aller sur le fond est assez récurrent. Et, si on veut mon avis, compte tenu de la qualité (ou de son absence plutôt) de ces relectures, avec internet en mettant les articles sur des sites comme Hal et en permettant à des gens sélectionnés (donc en fait un comité de lecture) d'émettre des commentaires dessus, on aura un meilleur travail qui reviendra globalement moins cher aux organismes de recherche et permettra une meilleure transparence des procédés tout en donnant l'accès aux publications à tout le monde (sur le plan géographique aussi et c'est franchement essentiel).
« Tak ne veut pas quʼon pense à lui, il veut quʼon pense », Terry Pratchett, Déraillé.
# Phase terminale de merdification
Posté par Maclag . Évalué à 10.
Springer avait un business extrêmement lucratif.
Au lieu de profiter de la manne d'argent qui tombe à peu de frais, ils ont fait ce que font toutes les boites en situation de monopole (ou quasi-monopole): ils ont cherché à tirer toujours plus de revenus là où il n'y avait plus de marge de croissance.
Donc après avoir historiquement fait payer les lecteurs, ils se sont mis à faire payer les auteurs… en plus des lecteurs, bien entendu!
Et pour boucler le tout, ils gonflent leurs tarifs (l'inflation, vous comprenez?).
C'est le chemin de l'«enshitification» décrite par Cory Doctorow.
Bilan: ils ont fait fuir leurs clients, et pire encore, ils les ont encouragé à développer les alternatives qui ne nécessitent plus d'éditeurs tels que Springer, ce qui fait que même s'ils redevenaient raisonnables, les clients n'auront bientôt plus aucune raison de revenir.
[^] # Re: Phase terminale de merdification
Posté par Thomas Douillard . Évalué à 2.
Oui l’open access qui va souvent de paire avec le paiement des chercheurs pour publier, c'est un tantinet une incitation (en plus du publish or perish) à publier de plus en plus de trucs dans des revues qui ressemblent de plus en plus à des revues prédatrices. Pas la faute de l’Open Access en tant que tel mais implémenté comme ça ça ne peut que mettre la pression sur un modèle qui était déjà mis en cause depuis des années.
# maths et CHU à part?
Posté par bistouille . Évalué à 3.
Sinon on voit que pour les matheux et les hospitalo-universitaires "c'est pas possible de s'en passer", la bibliothèque régionale de mathématiques a reconduit ses abonnements, tout comme le CHU semble-t-il.
Aussi, je crois me souvenir que l'éditeur APress, qui publie beaucoup de bouquins techniques autour de nos thèmes favoris est dans le giron du groupe Springer.
Malheureusement vous voyez là que dans le monde scientifique la solidarité a ses limites, et que parfois les réflexes individualistes et pour ainsi dire corporatistes viennent entraver une action collective, qui, pour une fois, est massivement soutenue par les personnels, usagers, et institutions.
Comme disent les fatalistes anglophones, "this is why we can't have nice things" :-(
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