Le collectif « Convergences Numériques », qui regroupe dix organisations professionnelles du numérique françaises, dont Numeum et le Cigref (mais pas le CNLL), avait organisé jeudi dernier une soirée pour à la fois présenter un « manifeste » concernant la politique européenne du numérique, et pour auditionner 7 représentants des listes candidates aux élections européennes de juin prochain.
Sur les 10 pages du manifeste, une seule proposition concerne le logiciel libre: « Encourager l’Europe à soutenir l’open source : largement adopté par les entreprises et administrations françaises, l’open source est un atout majeur pour répondre aux défis de l’indépendance technologique et de la transition écologique. » C'est peu, compte-tenu notamment du fait que le logiciel libre représente plus de 10% du chiffre d'affaire annuel de la filière informatique (logiciels et services) en France et un peu moins de 10% en Europe (source: étude Markess 2022 pour le CNLL, Numeum et Systematic), et que la stratégie de la Commission pour l'Open Source s'arrête à 2023.
Lors des auditions, seuls deux candidats ont parlé du logiciel libre, y consacrant chacun l'essentiel de leur temps de parole: Sven Franck, co-tête de liste du parti Volt, et Pierre Beyssac, numéro 2 de la liste du Parti Pirate. Sven Franck a notamment présenté l'intérêt du logiciel libre pour la souveraineté et la compétitivité européennes, et Pierre Beyssac l'importance d'une forme de souveraineté numérique « personnelle » en plus d'une vision plus « étatique » de la souveraineté.
Notons enfin que le CNLL a publié en mars un questionnaire adressés aux partis politiques qui souligne l'importance stratégique du logiciel libre pour la souveraineté numérique, l'innovation et les valeurs démocratiques de l'Europe. Il invite les candidats à partager leur vision et leurs propositions sur un large éventail de sujets liés au logiciel libre, notamment la gouvernance numérique, l'éducation et la formation, le soutien aux PME, l'innovation, les politiques spécifiques et la collaboration. Les questions portent sur des aspects concrets tels que la promotion du logiciel libre dans l'administration publique, l'accès aux marchés pour les PME, les programmes de financement, l'interopérabilité, l'inclusion sociale et la durabilité numérique.
À ce jour, aucune réponse n'a été reçue (malgré de multiples relances), et seuls Volt et le Parti Pirate se sont engagés à répondre. Notons pour finir que des propositions en faveur du logiciel libre sont détaillées dans leurs programmes (cliquez sur "lire la suite" pour en savoir un peu plus).
À propos des programmes des partis
Les propositions relatives au logiciel libre du programme du Parti Pirate se trouvent sur cette page et celles de Volt dans ce PDF (p. 73).
Les deux partis vont dans le même sens d'un soutien affirmé au logiciel libre, mais le Parti Pirate entre davantage dans les détails et propose un programme plus exhaustif et radical de transition vers l'open source, là où Volt en reste à des propositions plus générales. Les motivations mises en avant diffèrent également en partie.
Convergences
Les programmes de Volt et du Parti Pirate concernant le logiciel libre présentent plusieurs points de convergence:
- Les deux partis soutiennent la publication sous licence open source des logiciels développés grâce à des fonds publics, afin de garantir leur transparence et leur réutilisation.
- Ils souhaitent tous deux promouvoir l'utilisation de logiciels libres et formats ouverts dans l'administration publique.
- Ils proposent de soutenir financièrement le développement de l'écosystème du logiciel libre et des technologies open source.
- Ils veulent éviter de rendre de facto obligatoire l'usage de formats propriétaires dans les communications avec l'administration.
Différences
- Le Parti Pirate va plus loin dans les détails et les mesures concrètes proposées (migration du secteur public vers le libre, création d'OSPO dans les États membres, licences copyleft, compatibilité multi-plateformes des logiciels publics, accès aux données publiques…).
- Le Parti Pirate insiste davantage sur les enjeux de transparence, d'autonomie et de vie privée des utilisateurs, tandis que Volt met plus l'accent sur la pérennité de l'écosystème.
- Le Parti Pirate veut éviter de soumettre le développement de logiciel libre aux mêmes contraintes que le logiciel propriétaire, point qui n'est pas abordé par Volt.
- Volt propose de responsabiliser les intégrateurs sur la conformité des logiciels libres déployés, ce qui n'apparaît pas dans le programme du Parti Pirate.
Les propositions des autres partis
À ce jour, et malgré des dizaines de courriels envoyés aux autres partis, nous n'avons pas identifié de propositions concernant le logiciel libre dans les programmes des autres partis. Si vous avez des contacts au sein de ces partis, n'hésitez pas à relayer cette information. Une nouvelle dépêche sera publiée si nous arrivons à obtenir des réponses.
Aller plus loin
- Le manifeste « Convergences numériques » (23 clics)
- Le questionnaire du CNLL (19 clics)
- Le programme du Parti Pirate (32 clics)
- Le programme de Volt (28 clics)
# Les trahisons vertes
Posté par Benjamin Henrion (site web personnel) . Évalué à 4.
Lors des élections, se souvenir des promesses non tenues, et des trahisons de certains partis:
https://ffii.org/open-letter-to-the-german-greens-on-upc-and-software-patents-dont-betray-your-voters-and-your-promises-or-you-will-regret-it/
A noter que les Verts sont aussi dans le gouvernement en Irlande, et ont soutenu le referendum pour rejoindre de tribunal où les multinationales sont devenues aussi des juges à temps partiel:
https://ffii.org/nokia-and-airbus-elected-as-judges-at-the-kangaroo-unified-patent-court-kupc/
Il va falloir tôt ou tard demander à la CJEU de vérifier la légalité de cette construction, comme dénoncé l'année passée par l'ancien juge belge Melchior Wathelet (ancien président du CDH):
https://ffii.org/unified-patent-court-has-an-eu-treaty-legality-problem-says-ex-cjeu-judge-melchior-wathelet/
Pour ma part, même si le vote est obligatoire en Belgique, je n'irai pas voter, car le Parlement Européen s'est suicidé en tant que législateur sur le droit des brevets.
[^] # Re: Les trahisons vertes
Posté par Xanatos . Évalué à 2.
TL;DR
Sur le dernier point, les brevets reviennent à la charge ?
[^] # Re: Les trahisons vertes
Posté par Benjamin Henrion (site web personnel) . Évalué à 4.
Le plan après 2005 c'était d'installer une Cour Brevets au sein de l'UE, sans que la CJEU puisse intervenir, ce qui est arrivé en Juin 2023.
Le président allemand de la Cour s'est déjà prononcé en faveur de la jurisprudence de l'OEB (notamment la décision mère 'Vicom' de 1986 des chambres de recour de l'OEB qui vise à vider de sa substance l'exclusion pour les programmes d'ordinateur).
Vu que les juges allemands controlent la Cour, et que les brevets logiciels sont acceptés par les Cours allemandes, il y a fort à parier qu'ils s'inspireront du "en tant que tel" pour contourner l'exception.
Tout cela sans que cela sans que la question sociétale des brevets logiciels puisse remonter à la CJEU, alors que c'était le cas dans la version précédente qui prévoyait que l'UE joigne l'Office Européen des Brevets (projet de 2009-2011, UPLS).
Les lobbys des multinationales se sont arrangées pour éviter que la CJEU ne mette son nez dans le domaine des brevets, et l'OEB a débauché Mdme Frohlinger, responsable du projet en 2012, pour éviter d'être couvert par la CJEU. Ils aiment bien leur petit royaume là-bas:
https://ffii.org/manipulation-and-recycling-of-the-unified-patent-court-upcs-impact-assessment/
Des pays comme la France ou la Belgique ont aussi ratifié sans connaître combien le système de Cour allait coûter (pas de bol pour les PMEs c'est 20x plus cher qu'un tribunal national).
# Une autre liste favorable au logiciel libre
Posté par Stefane Fermigier (site web personnel) . Évalué à 5.
https://e-d-e.fr/Notre-programme
Promouvoir une informatique libre
[4.2] Parce que les logiciels libres et les standards ouverts jouent un rôle important dans la démocratisation de l’accès à l’informatique, qu’ils sont une source de liberté et de transparence pour les utilisateurs, par exemple en cas de vote électronique, leur utilisation dans le secteur public doit être encouragée.
"There's no such thing as can't. You always have a choice." - Ken Gor
[^] # Re: Une autre liste favorable au logiciel libre
Posté par Benjamin Henrion (site web personnel) . Évalué à 3.
"par exemple en cas de vote électronique"
Je crois que c'est un très mauvais exemple. Le vote électronique enlève la capacité aux citoyens de controler les élections. C'est en résumé la décision de la Cour Constitutionnelle allemande.
# merci pour ce compte-rendu
Posté par pierreb . Évalué à 3.
Merci beaucoup Stefane pour ce compte-rendu, et pour la prise de contact concernant cet événement !
# Programmes des partis
Posté par Jean-Christophe BECQUET (site web personnel) . Évalué à 3.
Je pense qu'il y a une typo dans la formulation : rendre de facto obligatoire l'usage de formats propriétaires.
J'espère que c'est plutôt : rendre de facto obligatoire l'usage de formats ouverts ou interdire l'usage de formats propriétaires.
[^] # Re: Programmes des partis
Posté par BAud (site web personnel) . Évalué à 3.
éviter, c'est éviter que tu as zappé dans la formulation ;-)
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