La version 7.2.0 de Knoppix vient de sortir. Cette distribution phare des systèmes « live » ou systèmes bootables sur CD ou DVD continue de progresser et de prendre en compte toujours plus de matériel. Entre autres nouveautés, la prise en charge de l'UEFI est annoncée à titre expérimental. Cette dernière version nous donne l'occasion de retracer l'histoire de cette distribution et de rappeler l'enthousiasme qu'elle avait fait naître à ses débuts en 2002 aussi bien parmi les novices que parmi les spécialistes.
Même si le concept de « CD autonome et amorçable » existait depuis 1992 grâce à Yggdrasil, puis Slackware, c'est grâce à Knoppix que ce type de système s'est répandu. On pouvait enfin essayer une distribution Linux sans risquer de perdre ni l'OS d'origine ni, surtout, ses documents et données personnelles. Depuis, il n'est pas une distribution majeure qui ne propose son mode « Live ».
Pour les nouveautés apportées par cette version, voyez le lien vers les « release notes » ; pour revenir sur l'histoire, voir le sommaire et la suite.
Sommaire
Caractéristiques
Contexte
Il y a une dizaine d'années, les ordinateurs étaient plus chers et moins répandus chez les particuliers. Même les passionnés ou bidouilleurs pouvaient trouver une réticence légitime à installer un autre système sur leur PC, et prendre ainsi le risque de ne plus redémarrer correctement suite à un problème lié à LILO avec le MBR (Grub n'était pas encore le programme d'amorçage par défaut des distributions). Knoppix permettait de tester GNU/Linux sans toucher à la configuration de son ordinateur et ça, c'était une révolution…
Cette distribution se caractérise par sa capacité à détecter une large gamme de matériels, même récents (elle prend en charge bon nombre de cartes graphiques, cartes son, SCSI, périphériques USB, etc.) et par le fait qu'elle intègre un grand nombre d'utilitaires et d'applications, afin de permettre à l'utilisateur d'en expérimenter tout le potentiel dès le premier lancement.
Knoppix peut être utilisée au choix comme démonstration de GNU/Linux, comme CD d'auto-formation, comme un système de récupération de données ou peut servir de plate-forme pour une présentation commerciale de produits. Il est surtout intéressant de faire appel à ce système pour tester un nouveau matériel afin de s'assurer de sa prise en compte correcte sous Linux avant son achat.
Il n'est pas nécessaire d'installer quoi que ce soit sur le disque dur (l'installation reste possible, mais ce n'est pas le but). Grâce à son système de décompression à la volée, le CD peut contenir jusqu'à 2 Gio de logiciels, et le DVD jusqu'à 10 Gio.
Knoppix est basée sur GNU/Linux Debian. Elle nécessite à minima un processeur i486 et 32 Mio de mémoire vive pour s'exécuter en mode texte, 256 Mio de mémoire vive si l'on souhaite utiliser un environnement graphique (LXDE), ce qui en fait une assez bonne candidate pour le recyclage de « vieux » ordinateurs.
Comme le souligne Wikipedia, Knoppix met l'accent notamment sur trois caractéristiques distinctes et complémentaires :
- Une flexibilité notable permettant à l'utilisateur de personnaliser son propre CD, contenant ses propres programmes et ses propres données, d'où une multitude de produits dérivés ;
- Une mise à niveau continue depuis sa création, avec l'inclusion régulière des dernières technologies disponibles (elle fut, par exemple, la première distribution à gérer entièrement les partitions NTFS en lecture comme en écriture) ;
- Une accessibilité assez avancée, incarnée entre autres par la version Adriane adaptée au handicap visuel.
Présentation par son auteur
Une question à Klaus Knopper sur OSnews : Quel est le but ultime de knoppix ?
Rester à jour tant au niveau du matériel que du développement logiciel et fournir un environnement stable et fonctionnel sur un support CD.
Lors d'un entretien sur pc techtalk : Quel est le public ciblé ?
L'utilisateur cible principal, c'est moi-même. J'ai commencé Knoppix comme un projet personnel, pour comprendre la manière dont les CD live fonctionnaient. Ensuite j'y ai inclus mes logiciels personnels lors de mes cours, et pour travailler à distance sur différents types de matériel. Dès lors il était naturel que ma priorité fût d'inclure des choses que j'utilise fréquemment.
Le public cible, si l'on écoute les suggestions et propositions des utilisateurs techniques sur les mailing lists, seraient les gens en attente d'un système portable, en lecture seule et auto-configurable pour juste travailler (aussi bien avec des applications de bureau qu'avec celles d'un serveur), faire des tâches de récupération système ou juste tester GNU/Linux pour la première fois.
À propos d'Adriane sur Linux User : Nous comprenons que votre femme Adriane est malvoyante. Est-ce la raison pour laquelle vous avez créé le bureau de Knoppix tel qu'il est ?
Adriane, ma femme, a perdu l'usage de la vue lorsqu'elle était adolescente. Avant notre rencontre, elle n'était pas très intéressée par l'informatique. Même si j'avais l'impression qu'Internet avait la possibilité d'améliorer de manière significative sa vie. Le problème ici se situe dans la question suivante : comment rendre l'ordinateur simple d'accès et fun pour quelqu'un qui ne peut simplement pas voir l'écran ? « Les vendeurs propriétaires » perçoivent l'accessibilité comme un « add-on » pour une interface graphique qui est orientée pour les voyants. La souris est inutile si l'on n'a pas de feedback visuel sur sa position. Ce qu'ils font, c'est d'ajouter du feedback audio, tel que les « boutons parlants » pour rendre l'interaction possible, mais cela n'est pas aisé d'utiliser une interface graphique sans graphisme.
Dans ma perspective, cette approche était mauvaise. Un bureau devrait s'adapter à la personne qui l'utilise et non l'inverse. Donc Adriane et moi avons discuté de la manière de rendre l'interface utilisateur facile pour les malvoyants, même en étant débutant (…) la technologie de l'accessibilité existe déjà et fonctionne assez bien dans la plupart des distributions GNU/Linux, le système Adriane essaye de regrouper tous ces composants. (…) la version Adriane de Knoppix tente de démarrer un système dans une interface totalement auditive, de telle manière qu'il serait possible d'utiliser complètement un ordinateur même sans moniteur. De plus, ce système se montrera aussi utile en cas de problème avec la carte graphique ou l'écran.
Sur technobeast : Quelles sont vos attentes quant à l'évolution future de Knoppix ?
L'édition CD de knoppix a un petit problème d'espace disque, venant en fait de suggestions pertinentes d'ajout d'utilitaires.
La part logicielle augmente continuellement, donc étant donné que le CD est déjà plein avec 1,8 Go de logiciels (compressé dans un espace de 700 Mo), je dois enlever certains d'entre eux à chaque nouvelle version. C'est triste parce que, une fois que vous êtes habitué à l'usage d'un programme, même si ce n'est qu'un jeu pour tester la nouvelle carte graphique ou carte son, celui-ci va vous manquer une fois qu'il n'y sera plus, et bien entendu beaucoup de personnes se plaignent lorsque leurs logiciels ont disparu dans la nouvelle version.
Fabian Franz, auteur de quelques paquets pour Knoppix, est en train de travailler sur une version modulaire basée sur des méta-paquets Debian pour pouvoir construire sa propre version de Knoppix avec ses paquets préférés.
Que pensez-vous de Knoppix dans sa forme actuelle ?
Il y a toujours des points à améliorer. Le principal défi est d'arriver à maintenir la compatibilité avec du matériel nouveau ou contenant des défauts de conception.
Stratégie de compression
Afin de dépasser la limite initiale d'un CD de 700 Mio, Klaus Knopper utilisa cloop, un module noyau développé par Paul Rusty Russel, qui permet la compression des données sur les périphériques en mode bloc. Puis il reprit ce module pour le réécrire afin de permettre l'accès aux fichiers 64 bits (ce qui permet des tailles de fichier de plus de 4 Gio), et développa des extensions ioctl qui autorisent l'échange des fichiers d'entrée à la volée (on-the-fly decompression).
Du fait que cloop est un périphérique bloc et non un système de fichiers comme squashfs, l'image compressée peut être n'importe quoi, aussi bien des données brutes sur un système de fichiers quelconque que des bases de données structurées.
C'est cette stratégie qui lui a permis de placer jusqu'à 2 Gio sur un CD et 10 Gio sur un DVD.
Usages avancés
Le livre « Knoppix à 200 % » (Knoppix Hack en version anglophone) publié chez O'Reilly, présente des exemples d'utilisation qui vont du bas niveau jusqu'au multimédia en passant par le réseau et le remastering.
Quelques exemples parmi les plus significatifs :
- Déployer un kiosque (borne internet) ;
- Démarrer Knoppix à partir du réseau LTSP ;
- Créer un client léger Knoppix ;
- Surfer anonymement sur la Toile ;
Installer Gentoo avec Knoppix ;
Exécuter X à distance avec FreeNX ;
Créer un routeur de secours ;
Exécuter d'autres services en dépannage ;
Auditer la sécurité d'un réseau ;
Tester la présence de rootkit ;
Dupliquer des disques durs ;
Réparer GRUB et le MBR ;
Retrouver des partitions perdues ;
Réparer des systèmes de fichiers endommagés ;
Monter des partitions LVM ;
Réparer des paquets Deb ou RPM ;
Copier un noyau opérationnel ;
Protection avec knoppix-std ;
Distribuer les compilations logicielles avec distcccKnoppix ;
Répartition de charge avec ClusterKnoppix ;
Analyse quantique avec Quantian ;
Contribuer à Knoppix ;
Automatiser la remastérisation de Knoppix ;
Construire automatiquement les modules Morphix.
La famille Knoppix
Dès les premières années de son existence, Knoppix a servi de base à de nombreuses distributions spécialisées, ce qui en a fait une référence incontournable pour ce qui est des systèmes autonomes. On peut retenir de ces « descendants » encore en activité : Damn Small Linux (système allégé pour fonctionner sur tous PC même limités ou anciens), Kaella (version francisée de Knoppix), et dans la sous-branche sécurité, Backtrack qui est en fait une fusion d' Auditor Security Linux et de Whax d'origine Slackware, et qui vient de donner naissance à Kali Linux, la nouvelle plateforme de tests d’intrusion et d’audits de sécurité.
Knoppix autour du monde
Un bref tour d'horizon à l'échelle internationale.
Knoppix est la première distribution autonome qui, en Chine, a fait découvrir Linux à des débutants tout en leur permettant d'y ajouter des outils spécifiques.
Au Japon la Knoppix a également fait des émules, notamment en ce qui concerne son procédé de décompression à la volée ; certains utilisateurs y ont apporté des améliorations visant à en augmenter la vitesse : Accelerated Knoppix.
En Belgique, le Federal Computer Unit Crime a créé une distribution basée sur Knoppix spécifique au « computer forensics » (analyse et recherche d'indices sur ordinateur dans le cadre d'une enquête). Il existe en outre une documentation sur la manière dont sont menés ces investigations avec cette version de Knoppix.
Dans son pays d'origine en Allemagne, il y avait à chaque rencontre du Linuxtag une nouvelle version de Knoppix (étant donné qu'elle est historiquement née du Linuxtag).
Conclusion
Cet article ne visait qu'à retracer l'histoire de cette distribution. Pour les nouveautés ou particularités apportées par cette version 7.2.0, il vous faudra parcourir les releases notes. Le plus important à en retenir étant : sur une base Debian stable (Wheezy) et quelques paquets issus de la banche unstable, un noyau 3.9.6 et xorg 7.7. Côté applications : LibreOffice 4.0.3, Firefox 21.0, Virtualbox 4.2.10.
Nous avons l'habitude de personnaliser et mettre à jour en permanence nos systèmes sur disque dur. Pour un « CD autonome », si on veut pouvoir affiner aux petits oignons notre système, c'est moins souple, il nous faut passer par l'étape de « remasterisation ». Pas si compliqué, en fait, et ça permet toutes sortes d'usages spécialisés.
Faites-nous part de vos tests et de vos découvertes dans les commentaires et faites ainsi revivre ce vent d'enthousiasme qui a animé l'informatique libre à ses débuts.
Aller plus loin
- Site officiel de Knoppix (667 clics)
- Précédente dépêche sur Knoppix 7.0.4 (254 clics)
- Download KNOPPIX (307 clics)
- KNOPPIX 7.2.0 Release Notes (148 clics)
# CD amorçable en 1992 ?
Posté par Aldoo . Évalué à 2.
Ce n'était pas plutôt une disquette formatée dans un format bizarre, qui permettait d'amorcer le système ?
Même une fois le système installé, je crois que j'utilisais encore la disquette, à défaut de disposer d'un gestionnaire de boot multi-OS (ou de savoir le configurer… je ne me rappelle plus, mes souvenirs de ces temps anciens, premiers contacts avec Linux en 1996, commencent sérieusement à se brouiller !).
[^] # Re: CD amorçable en 1992 ?
Posté par kadalka . Évalué à -9.
Vous confondez avec ZipSlack je crois.
Le premier knoppix que j'ai utilisé c'était sur un CD.
[^] # Re: CD amorçable en 1992 ?
Posté par Aldoo . Évalué à 3.
Forcément, Knoppix n'existait pas en 1992 (ni en 1996, d'ailleurs).
Non, pour l'histoire, ma première distro était Kheops.
[^] # Re: CD amorçable en 1992 ?
Posté par kadalka . Évalué à -8.
Kheops c'est le premier nom d'un linux que j'ai entendu.
Est-ce qu'il existe encore ?
[^] # Re: CD amorçable en 1992 ?
Posté par romi . Évalué à 1.
Kheops aussi en 96!
apparemment ça fait un moment qu'ils n'existent plus:
Logiciels du soleil : la fin d'une époque
[^] # Re: CD amorçable en 1992 ?
Posté par BuckFuck . Évalué à 2.
Que de souvenirs… C'est la première distribution que j'ai utilisée. Achetée en 1995 à la FNAC des Halles et fier comme un paon avec un triple boot OS/2 Warp 3.0, Windows 95 et Linux. Ce devait être un kernel 1.2, si je ne m'abuse…
# knoppix c'est bien, debian c'est mieux
Posté par kadalka . Évalué à 3.
C'est ce qui m'a aussi donné envie d'aimer et de pratiquer du debian… :-)
Merci knoppix et merci pour la dépêche.
[^] # Re: knoppix c'est bien, debian c'est mieux
Posté par palm123 (site web personnel) . Évalué à 4.
Après avoir flingué mon lilo (pas de grub à l'époque !), j'ai été très content de découvrir Knoppix :-)
ウィズコロナ
# DemoLinux
Posté par Jiel (site web personnel) . Évalué à 10.
Le premier vrai liveCD disponible, avec démarrage en mode graphique sans configuration préalable, c'était Demolinux. Après, il était sans doute moins abouti que Knoppix et surtout connu dans le monde francophone.
[^] # Re: DemoLinux
Posté par ʭ ☯ . Évalué à 2.
Oui, et je l'utilise toujours pour booter graphiquement sur des rognes avec 64Mo de RAM!
⚓ À g'Auch TOUTE! http://afdgauch.online.fr
[^] # Re: DemoLinux
Posté par papap . Évalué à 2.
Bien vu, j'avais un doute aussi, question de calendrier.
[^] # Re: DemoLinux
Posté par barret benoit . Évalué à 1.
ha la vache ! enfin, le pingouin !
il m'avait rendu un fier service quand j'ai dû faire une demo de linux justement à des artisans à l'époque.
C'était pas évident de le faire tourner sur des PC récents (il fallait lancer un outil de configuration avant que le lancement de Xfree86), mais ça marchait quand même avec les bonnes options !
Et après oui Knoppix 3 puis Mepis(à partir de 2005) ont permis de promouvoir Linux (drivers graphiques installés simplement) pour les non initiés de mon entourage !
[^] # Re: DemoLinux
Posté par Jiel (site web personnel) . Évalué à 4.
Même mieux, le manchot ? Ou le gnou, pour rester dans les bovidés.
[^] # Re: DemoLinux
Posté par barret benoit . Évalué à 3.
J'avais pas envie de savoir s'il était manchot avec son flingue…
# Snif...
Posté par kaveck . Évalué à 3.
"Essayé mi 2000. Premier Linux. Pu de système proprio depuis." (Expression de nostalgie larmoyante; genre OUINNNN….).
Bref un commentaire inutile qui me ferait presque retester un knoppix, juste par nostalgie…
Merci a monsieur Klaus Knopper pour m'avoir fait gagner des années de vie non perdues attendre derrière un anti-virus… Merci à tous les membres du projet.
# Remasterisation simple ?
Posté par Loïc Ibanez . Évalué à 0.
Peut-être aujourd'hui est-ce simple, mais dans mon souvenir ( Knoppix 3.2 ) ça ne l'était pas vraiment.
Du coup j'étais allé faire un tour du côté du Morphix d'abord, puis j'ai découvert Thinstation que j'ai longtemps utilisé pour de petits projets. J'avais réalisé d'ailleurs à cette époque la traduction française de TS-O-matic dont je trouvais le concept absolument génial.
Si les concepts de TS sont excellents, la fréquence de mise à jour des paquetages était assez catastrophique. Le passage sur base CRUX de la 5.0 a probablement amélioré les choses, mais l'inflation en taille est pour moi insupportable - si on veut du lourd autant partir d'une debian…
Depuis que j'ai découvert Tiny Core Linux je retrouve le même plaisir de "bricolage" qu'à l'époque de Thinstation - à savoir créer des terminaux mono-applicatifs en boot PXE.
Je dois d'ailleurs à Knoppix d'avoir "redécouvert" le boot PXE car sa mise en oeuvre était d'une simplicité déconcertante. Et puis la mise à jour des drivers était exemplaire : c'était la distribution qui exploitait le mieux le matériel récent. Ceci dit elle restait dans mon esprit un "proof of concept" par la quantité assez invraisemblable d'applications largement redondantes qu'elle proposait.
Peut-être cette nouvelle version est-elle l'occasion de voir si la remasterisation est vraiment devenue simple - mais j'imagine mal qu'elle puisse être devenue aussi simple que dans TCL ( Tiny Core Linux ).
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