The Economist : « L'économie du partage »

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fév.
2005
Presse
Dans son édition imprimée du 3 février, le journal The Economist publie un article intitulé « L'économie du partage ». L'article commence par rappeler le principe du Logiciel Libre et la difficulté des théories économiques à intégrer le partage de biens immatériels comme les logiciels ou les textes.

Puis, sur la base d'un essai de Yochai Benkler, Sharing Nicely: On Shareable Goods and the Emergence of Sharing as a Modality of Economic Production, l'auteur se demande si ce principe de partage ne commence pas à s'étendre au domaine du matériel. D'après lui, les gens mettent déjà en commun des biens matériels : leur puissance processeur au sein de projets comme SETI@Home ou leur espace de stockage au sein des réseaux P2P.

Pour M. Benkler, le « partage social » représente un « troisième moyen d'organisation économique de la production, à coté des marchés et de l'État »

Aller plus loin

  • # Peut-être pas si égoïste que ça

    Posté par  . Évalué à 10.

    Comme il est dit dans l'article de The Economist :
    "Economists have not always found it easy to explain why self-interested people would freely share scarce, privately owned resources." (i.e. Les économistes n'ont pas toujours trouvé facile d'expliquer pourquoi des gens intéressés partageraient librement des ressources rares et de propriété privée)

    Je trouve leur analyse pertinente mais uniquement construite en termes économiques. Je pense qu'il leur manque la motivation première du partage : l'altruisme. Ca me ferait vraiment mal d'apprendre que R.M. Stallman ait fondé le libre pour accroître son prestige ou pour acquérir de l'expérience pour l'aider sur le marché de l'emploi ("The reason often seems to be that writing open-source software increases the authors' prestige among their peers or gains them experience that might help them in the job market"). Et même pour le pair à pair, on ne peux nier qu'il y a une bonne part d'altruisme.
    • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

      Ca me ferait vraiment mal d'apprendre que R.M. Stallman ait fondé le libre pour accroître son prestige ou pour acquérir de l'expérience pour l'aider sur le marché de l'emploi

      Je croyais que c'était pour pouvoir utiliser son imprimante.
    • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

      Posté par  . Évalué à 7.

      Je trouve leur analyse pertinente mais uniquement construite en termes économiques.
      Euh... c'est l'objectif du journal. Comme les échos qui traduisent en termes économiques les choix politiques. Après les gens ne sont pas forcemment plus cyniques que d'autres, ils étudient juste un phénomène en prenant un référentiel.
      • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

        Posté par  . Évalué à 4.

        Je n'ai pas dit que les économistes étaient cyniques. Ils ont leurs modèles et essaient d'expliquer les choses avec. Mais même si le journal traite de l'économie, il aurait été intéressant d'avoir un paragraphe d'ouverture proposant d'autres voies d'explication. A mon avis, il est préférable de savoir entrevoir de nouvelles explications et ainsi pouvoir améliorer le modèles que de tenter de faire rentrer la réalité dans ce modèle.
        • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

          Posté par  . Évalué à 3.

          Je n'ai pas dit que les économistes étaient cyniques.
          Ce n'était pas une attaque :) Je faisais référence au post plus bas (et je n'allais pas envoyer le mien en double ;) )

          il aurait été intéressant d'avoir un paragraphe d'ouverture proposant d'autres voies d'explication.
          Mais cela est ta vision... peut être es tu impliqué dans le monde du LL et que tu le juges sur d'autres valeurs et que tu ne conçois pas qu'on puisse le juger qu'en termes économiques (et cela est une bonne chose). Mais je pense que cela ne retire en rien le fait que l'on puisse juger le LL qu'en terme économique c'est ce que font beaucoup de DI en pensant passer à linux). Après pour avoir une vision plus social ou philosophique du libre, les lecteurs interessé peuvent aller voir d'autres ressources.
          • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

            Posté par  . Évalué à 10.

            Ce point de vue serait défendable s'il arrivait que d'autres angles de vue soit effectivement proposés dans ce genre de revue, et que ce mode de pensée n'essayait pas, avec un certain succès, de s'imposer à tous les autres. Envisager tous les problèmes uniquement sous l'angle de l'économie, ou plutôt, un sous-ensemble libéral de théories économiques, je trouve ça particulièrement cynique (et je ne parle pas que de cet article en particulier, qui est plutôt modéré). Si les théories abstraites sont très utiles pour optimiser des processus de production ou des ressources physiques, quand elles sont appliquées sans dicernement à tout et n'importe quoi, moi ça me dérange. Tout est une question de mesure.

            C'est particulièrement frappant dans le premier article, qui essaie d'expliquer l'altruisme en termes d'intérêts réciproques. Comme si tout ce qu'on fait était forcément intéressé de quelque manière. Faut arrêter deux minutes, même si on est dans une revue d'économie.
            • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

              Posté par  . Évalué à 2.

              Ce point de vue serait défendable s'il arrivait que d'autres angles de vue soit effectivement proposés dans ce genre de revue
              Comme tu le l'écris, c'est un genre de revue qui propose une analyse et une vision affilié à son genre :) Après on peut trouver cela limité mais pas plus qu'un magazine de Rock qui ne parle pas de Rap.


              et que ce mode de pensée n'essayait pas, avec un certain succès, de s'imposer à tous les autres.
              Là on peut partir dans un débat, et les questions à se poser peuvent être nombreuses: pourquoi ce mode de pensée à un certains succés ? Est ce parce que c'est le meilleur ? Est ce parcequ'on oblige les gens à y adhérer ? Pourquoi les autres (et quels autres?) sont largués ? Est ce parceque les gens sont devenus des êtres passifs sans réflexion ?Est ce les gens qui font le système ou bien l'inverse ? L'Homme est il la base égoïste ? Ou bien le devient il ? (il paraitrait que cela viendrait de sa sédentirisation) Tout est il à jeter dans dans le système actuel ? Pourquoi TrollTech à mis en double licence Qt ? Est ce que j'ai bien fermé la fenêtre en partant de chez moi ?
              • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

                Posté par  . Évalué à 4.

                Je trouve ta comparaison avec un magazine de Rock qui ne parlerait pas de Rap inappropriée. Un magazine de Rock (comme d'autre chose d'ailleurs) ne veux pas expliquer tout courant musical par le Rock. Un magazine d'économie doit parler d'économie et il est de bon ton qu'il s'intéresse à la composante économique des thèmes abordés, mais il est réducteur de penser qu'il doit, sous prétexte de parler d'économie , tout expliquer par l'économie. Tout ce qui est pertinent avec le thème abordé y a sa place et dans le cas présent après avoir vu les hypothèses économiques, évoquer d'autres possibilités aurait été un gage d'ouverture. Imaginons un Linuxfr qui ne mettrais plus de nouvelles sur MicroSoft, les brevets, etc ... sous pretexte que Windows n'est pas libre, que les brevers ne concerne pas uniquement les logiciels libres, etc ... , c'est très réducteur.
                • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

                  Posté par  . Évalué à 2.

                  mais il est réducteur de penser qu'il doit, sous prétexte de parler d'économie , tout expliquer par l'économie.
                  Cela serait mieux en effet mais cela dépend ensuite de la ligne éditoriale.Je ne dis pas que c'est bien, je dis juste que cela est compréhensible. Un groupe de gens peut se baser que sur l'économie, un autre que sur le social, un autre que sur l'écologie, etc. Et il est clair qu'aucun de ces groupes n'est plus ouvert que l'autre mais après c'est aux individus (citoyens, poitiques) d'analyser, comparer les études de ces groupes.

                  sous pretexte que Windows n'est pas libre, que les brevers ne concerne pas uniquement les logiciels libres,
                  Tout exemple n'est pas tout a fait correct.... Car lorsque les brevets et des actions de MS ont un impact sur le LL alors il est normal d'en parler.
            • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

              Posté par  (site web personnel) . Évalué à 2.

              Les économistes parlent et comprennent un langage d'économistes. Si on leur parlait autrement ils ne comprendraient pas et surtout ne croiraient pas à de nouvelles idées.
              Depuis des générations, on leur parle le même langage et on les imprègne des mêmes doctrines. Leur expliquer qu'il existe autre chose est certainement un grand choc pour eux.
              Cette nouvelle fait partie d'un foisonnement d'articles et de livres qui apparaissent de plus en plus souvent en dehors du cercle des inités du logiciel libre. Il y a 2 ou 3 ans, rares étaient ceux qui savaient ce qu'étaient les logiciels libres. Maintenant, rares sont ceux qui n'en ont jamais entendu parler.
        • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

          Posté par  (site web personnel) . Évalué à 1.

          Je n'ai pas dit que les économistes étaient cyniques. Ils ont leurs modèles et essaient d'expliquer les choses avec. Mais même si le journal traite de l'économie, il aurait été intéressant d'avoir un paragraphe d'ouverture proposant d'autres voies d'explication. A mon avis, il est préférable de savoir entrevoir de nouvelles explications et ainsi pouvoir améliorer le modèles que de tenter de faire rentrer la réalité dans ce modèle.

          C'est ce qu'on appelle une idéologie... Et c'est celle qui domine actuellement...
      • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

        Posté par  . Évalué à 4.

        Lorque le seul outil est le marteau, on a tendance à voir le monde comme un clou.
    • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

      Posté par  . Évalué à 1.

      > la motivation première du partage : l'altruisme

      Je ne suis pas d'accord sur ce point. Du moins ce n'est certainement pas la motivation première de tout de monde.

      Quand je lis des interviews de Linus Torvalds, je n'ai vraiment pas l'impression que c'est l'altruisme qui le guide. Je dirais plutôt que c'est par pragmatisme qu'il a décidé de partager son travail : il avait besoin d'aide pour développer son noyau, se rendant compte que c'etait trop de travail pour un seul homme, et le meilleur moyen qu'il ait trouvé c'est de le partager. Du donnant-donnant, en quelque sorte...

      Ca peut être un sorte de 'sens du devoir moral' : je trouve de l'intérêt à utiliser des logiciels que d'autres ont développé, et je me dis que ça serait juste que je donne un peu de temps à mon tour pour les autres (et pour moi aussi : personne ne contribue à un projet qui ne l'intéresse pas !).

      Enfin, on peut aussi penser à une vision à long terme : je sais que ma participation pourra inciter d'autres personnes à développer des logiciels dont je tirerai profit à mon tour. Donc c'est tout simplement mon intérêt de contribuer.

      Tout repose sur l'émulation collective, mais en poussant un peu le raisonnement, chacun a intérêt à contribuer.
      • [^] # Re: Peut-être pas si égoïste que ça

        Posté par  . Évalué à 4.

        Que Linus Torvalds (ou n'importe qui d'autre) ne soit pas guidé par l'altruisme n'empêche pas que certaines personnes soient guidées pas l'altruisme. Honnêtement je pense qu'il n'y a que l'altruisme qui peut être la motivation de certaines choses, par exemple les traductions, ou les relectures de documentation : quel est l'intérêt personnel du relecteur par exemple (faire des progrès en orthographe? j'en doute...) Dans certains cas, le seul intérêt est l'intérêt de tous, pas forcément de celui qui donne son temps. Ou alors on peut dire que l'intérêt du traducteur, du relecteur est de faire plaisir, ou d'être utile aux autres... ce que j'appelle de l'altruisme.
        Ca vaut aussi dans d'autres domaines... comment expliquer autrement que par l'altruisme le fait que des personnes se sacrifient pour des idées?
        Je pense que c'est simplement une composante biologique de notre espèce... qui n'est pas la seule d'ailleurs : on voit des comportements franchement altruistes chez les rats, par exemple.
        Seulement les postulats d'une bonne partie des économistes n'admettent pas l'existence de l'altruisme, parce que ça ne correspond pas à leur mode de pensée (ce n'est pas une critique, j'ai dans mon entourage très proche des personnes qui ne peuvent pas non plus admettre cette notion, bien qu'il leur arrive quand même de l'être...).
        Pour en revenir au libre, je pense qu'il y a un mélange de motivations purement altruistes, et de motivations plus personnelles (acquérir une expérience, s'amuser, pouvoir profiter de l'aide d'autres personnes en échange de sa participation, etc...). Et ces composantes se retrouvent en proportions variables selon les individus.
        D'autre part, je pense que l'économie du libre est bien plus compréhensible en termes d'économie du don qu'en terme d'économie de l'échange.
        Comme j'ai la flemme d'expliquer, voici des liens:
        http://www.linuxfr-france.org.invalid/article/these/noosphere/homesteading-fr(...)
        http://www.grep-mp.org/cycles/liberalisme/economie-marche.htm(...)

        Flo
  • # Navrant

    Posté par  . Évalué à 8.

    Je ne sais pas vous, mais ce genre d'article me déprime. En substance, les "économistes" sont en train de se rendre compte qu'il existe des gens qui donnent sans contrepartie. Et ce constat est pour eux révolutionnaire...

    A quel degré de cynisme ces gens sont-ils rendus ?
    • [^] # Re: Navrant

      Posté par  . Évalué à 1.

      De ce qu'un ami qui étudie l'économie m'a dit : les modèles économiques actuels font le postulat que chaque individu agit pour accroître une fonction d'utilité personnelle. Il y a un article sur Wikipedia dessus (http://fr.wikipedia.org/wiki/Utilit%C3%A9).
      • [^] # Re: Navrant

        Posté par  . Évalué à 4.

        "Les modèles économiques actuels font le postulat que chaque individu agit pour accroître une fonction d'utilité personnelle." ===> c'est vrai dans les écoles de commerce de chefs-lieux de canton de la France d'en-bas, mais cela n'est en aucun cas représentatif de la pensée économique contemporaine.
        Le jury du prix Nobel a justifié l'attribution de son prix en 2002 à Daniel Kahneman et Vernon L. Smith par le fait que c’est « l’idée même de l’homo ½conomicus traditionnel motivé par l’intérêt personnel et capable de toujours prendre des décisions rationnelles » que leurs travaux avaient délégitimée (http://www.nobel.se/economics/laureates/2002/ecoadv02.pdf(...)). Certains de leurs disciples en économie dite "expérimentale" ont par exemple montré statistiquement que l'être humain ne peut pas toujours savoir ce qu'il désire, car « nos cerveaux n’essaient pas d’être heureux (...), ils essaient de nous réguler » (Jon Gertner “The Futile Pursuit of Happiness” The New York Times September 7, 2003 - http://www.scn.ucla.edu/pdf/PECULIAR%20LONGEVITY.pdf(...) - http://cep.lse.ac.uk/events/lectures/layard/RL030303.pdf(...)).
        Quant à l'idée d'un marché exorégulé par une main visible, un des trois prix Nobel 2001, Joseph E. Stiglitz a écrit à ce propos qu'on ne pouvait pas la voir soit parce qu'elle n'avait jamais existé, soit parce qu'elle était paralysée (http://www-1.gsb.columbia.edu/faculty/jstiglitz/download/Developmen(...)). Il n'y a donc que les philosophes néo-cons et Raffarin pour croire à de telles apparitions mystérieuses, incompatibles avec l'assymétrie de l'information, l'interrelation des marchés et l'interdépendance des agents économiques.
        Cela ne veut pas pour autant dire que la réflexion économique contemporaine légitime l'anthropologie humanitaire et professionnaliste qui règne dans le logiciel libre .... mais c'est un autre sujet.
        • [^] # Re: Navrant

          Posté par  . Évalué à 4.

          Tu cites Stiglitz, tu as probablement lu La grande désillusion. Même sans avoir lu ce livre, il paraît assez clair que depuis Reagan et Thatcher, la pensée néo-libérale a phagocité toutes les autres dans les plus grandes instances de régulation mondiales. Ce n'est que depuis la deuxième moitié des années 90, en parallèle avec la montée des mouvements altermondialistes, que la remise en cause de ce modèle est à l'ordre du jour. Pour l'instant il est juste ébréché, et le temps que nos dirigeants et les formations des écoles de commerces tirent les leçons des évolutions de la théorie économique (qui n'est en fait qu'un rééquilibrage) , la théorie des marchés concurrentiels parfaits a encore de beaux jours devant elle. Il suffit pour s'en persuader de voir l'obsession de l'Europe de Bruxelles pour étendre la concurrence à tous les marchés. Bref, je ne pense pas qu' "il n'y [ait] donc que les philosophes néo-cons et Raffarin pour croire à de telles apparitions mystérieuses", mais au contraire que cette vision simpliste est encore très répandue.
          • [^] # Stiglitz

            Posté par  . Évalué à 1.

            1) Je sais que le mystère de l'exorégulation du marché par la "main invisible" a beaucoup de succès, notamment dans les opinions publiques des pays où la religion a regagné le droit à l'expression dans le champ des débats publics. J'ai écrit dans ce forum qu'elle est beaucoup moins prise au sérieux dans la pensée économique contemporaine, ce qui n'est pas la même chose! De même, le fait que 70% des états-uniens considérent que l'histoire de la vie biologique est mieux décrite dans la Bible que par Darwin et ses successeurs, n'est pas contradictoire avec le fait que la quasi-totalité des chercheurs en biologie de ce pays continuent à travailler dans le cadre du paradigme évolutionniste.
            2) Je n'ai pas lu "La grande désillusion". En règle générale, je suis frappé par l'écart entre l'extrême finesse du Stiglitz théoricien (la lecture de son discours de réception du Nobel est un vrai bonheur intellectuel) et la (relative) médiocrité du Stiglitz militant (dont je partage les idéaux sociaux). Il n'y a d'ailleurs pratiquement aucune trace des travaux du premier dans les publications du second (si ce n'est l'adorable aphorisme sur la main invisible parce qu'elle n'existe pas que j'ai cité). Je pense qu'une des raisons de cet écart est son désir de rapprochement politique avec l'altermondialisme dont les thèses ne valent pas, selon moi, beaucoup mieux que celles du créationnisme états-unien (à suivre)
          • [^] # Stiglitz (2)

            Posté par  . Évalué à 2.

            Je suis convaincu que la gauche restera impuissante tant qu'elle ne comprendra pas que nous ne sommes plus dans un système capitaliste d'exploitation des forces de production et d'accumulation du capital, mais dans un système focalisé sur l'expression, et sa maîtrise, des talents, valeurs et attributs des professionnels qui savent-se-vendre. C'est pourquoi, je regrette, en particulier, que Stiglitz ne fonde pas sa critique sociale sur la théorie de l'altération des signaux (ex: un diplôme n'a pas de valeur comme preuve d'un savoir-faire mais comme signalement de sa capacité à s'investir) de son co-lauréat A. Michael Spence, qu'il a pourtant merveilleusement développé dans ses travaux théoriques. De même, l'anticapitalisme altermondialiste ne permet pas de comprendre la différence entre le modèle économique étatsunien, généré, pour l'essentiel, par la problématique de la maîtrise/dénégation de la relation des individus à leurs environnements (allant du tout PI à la dénégation du droit à la protection de la vie privée), et le modèle de l'UE, qui active la mise en scène d'une "société civile" humanitaire, .... ... dont le logiciel libre est une des rares réussites à ce jour .... et dont la taxe Tobin serait le stade suprême (à propos Stiglitz a fait une belle critique technique du système maatschrichtien dans l'article dont j'ai déjà donné les références).
            • [^] # Re: Stiglitz (2)

              Posté par  . Évalué à 2.

              "nous ne sommes plus dans un système capitaliste d'exploitation des forces de production et d'accumulation du capital".

              Alors comment expliques-tu la baisse de la part des salaires dans le PIB depuis vingt ans ? (entre 9 et 12 points de moins selon les sources, charges sociales incluses)
              • [^] # Re: Stiglitz (2)

                Posté par  . Évalué à 2.

                Cette baisse est concommittante d'un phénomène tout aussi important: la montée en puissance des actifs immatériels aux dépens des actifs physiques dans la valeur des entreprises (suivant les sources, les AI représentent entre 40% et 75% de cette valeur). Dans les deux cas, on assiste au même phénomène: la rémunération de l'individu et celle de l'entreprise ne sont plus déterminées par leur productivité physique (que l'on considère comme impossible à calculer dans un système d'interdépendance) mais sont perçues comme des manifestations de valeur globale (cf. la virgule de Nike) qui sont déterminées dans le cadre de ce que les théoriciens de la "tournament theory" décrivent comme un tournoi, au sens féodal (ou reality show) du terme dans lequel "le gagnant prend tout" (http://ingrimayne.saintjoe.edu/econ/resouceProblems/Tournament.html(...)).

                Par exemple, General Electric licencie systématiquement 10% de ses salariés non pas en fonction de la mesure de leur productivité marginale technique (et donc de leur exploitation), mais pour imposer une logique de tournoi entre individualités globales au sein de ceux qui restent (http://www.ge.com/annual00/index2.html(...)). De même, on ne rénumére pas les PDG étatsuniens 200-400 fois plus que leurs salariés en fonction de leur productivité, mais pour que ceux qui sont derrière soient motivés pour être calife à la place du calife.

                Dans un système d'exploitation des facteurs de production, l'accroissement récent des inégalités de revenu aurait été impensable, d'une part parce que le mode de calcul de la productivité marginale individuelle ne l'aurait pas légitimé, d'autre part parce que le système d'exploitation était indissociable de l'élargissement de la clientèle potentielle (Taylor/Ford).

                (à propos: le "libéralisme" de l'UE est plus motivé par l'obsession de la fluidité des réseaux que par celle de la concurrence pure et parfaite qui, de toutes façons, n'avait de sens que dans le cadre de l'Etat-Nation).
                • [^] # Re: Stiglitz (2)

                  Posté par  . Évalué à 2.

                  Ce qui revient à dire que le capital est toujours plus rémunéré que le travail, même si le travail a changé de nature (tertiarisation). Tu joues sur les mots en opposant travail physique et intellectuel, actifs matériels et immatériels. Quelle que soit l'explication donnée à l'accroissement des inégalités de revenus, on en peut pas sincèrement croire que c'est une bonne chose, à moins de penser comme notre ami Francis Mer :

                  " Nous voulons avant tout donner un message psychologique fort, à destination des Français les plus riches, afin qu'ils investissent davantage. Il est par ailleurs normal que les français qui gagnent le plus d'argent, c'est-à-dire ceux qui travaillent le plus et qui apportent donc le plus à la France, puissent bénéficier de réductions d'impôts plus importantes que les autres, qui gagnent moins parce qu'ils travaillent moins. On a le salaire qu'on mérite. C'est logique, mécanique, mathématique… Certes, dans certains cas, c'est un peu trop, mais que voulez-vous ? "

                  (Mots croisés, 15 septembre 2003).
    • [^] # Re: Navrant

      Posté par  . Évalué à 4.

      Euh, là faut pas abuser non plus !

      L'opposition modèles contributifs/concurrentiels c'est un grand classique de l'économie ou encore de la théorie des jeux.

      Vous croyez que si en 1946 la France a choisi d'utiliser un modèle contributif pour son assurrance maladie et son assurrance vieillesse, c'est juste un hasard ? Que les gars ils se sont dits au pif "tiens on a faire un système contributif, on va voir ce que ça donne ?"

      C'est récent que les économistes ne jurent que par le 100% "loi du marché", faut quand même pas oublier que la théorie générale de Keynes date de 1936.
      • [^] # Re: Navrant

        Posté par  . Évalué à 7.

        En ce qui concerne les systèmes coopératifs, histoire quand même de ne pas laisser dire que les économistes le découvrent brusquement :

        "Evolution of Cooperation" [1984] (Robert Axelrod)

        Dans cet ouvrage, Axelrod se demande (entre autres) si Thomas Hobbes (du 17ème siècle !!!! ) avait raison en supposant qu'un système coopératif ne peut se mettre en place qu'avec un pouvoir central fort.

        Selon lui non.

        Il met en évidence que des systèmes coopératifs peuvent naitre même dans des environnements concurrentiel (linux en est la preuve, ça a du lui plaire de voir ça arriver 10 ans plus tard).

        Il dit également qu'un système coopératif peut prospérer dans un système concurrentiel (Linux aujourd'hui se porte bien, merci).

        Et enfin, une fois qu'un système coopératif est apparu, il peut résister aux autres systèmes moins coopératifs (on verra ça quand M$ aura mis la clef sous la porte).

        Bref, les économistes et les systèmes coopératifs vs concurrentiels ça ne date pas d'hier.
        • [^] # Re: Navrant

          Posté par  . Évalué à 2.

          Il arrive même que des systèmes coopératifs rachètent des concurrents commerciaux. Il suffit de voir le rachat du Crédit Lyonnais (devenue banque commerciale après la privatisation) par le Crédit Agricole (banque mutualiste, fruit du regroupement de banques régionales, elle-mêmes fruit de la coopération de pouvoirs publics et de coopératives agricoles) par exemple.
      • [^] # Re: Navrant

        Posté par  . Évalué à 2.

        On est d'accord, c'est pour ça que j'ai mis "économistes" entre guillemets. Ceux qui se sont arrêtés à Smith, Walras, Pareto et Friedman, quoi.
        • [^] # Re: Navrant

          Posté par  . Évalué à 0.

          Ah... je n'avais pas compris que tu me parlais de Jean-Pierre Gaillard en direct de la bourse de Paris.

          Désolé.
      • [^] # Re: Navrant

        Posté par  . Évalué à 2.

        Tu parles du même Keynes dont les thèses ont été (brillamment) balayées dans les années 70 par les économistes de l'école de Chicago (Friedman, ...), parce qu'il avait tout simplement "oublié" dans ses modèles que les gens "anticipaient" les décisions de politique économique, qui finissaient donc par avoir les effets contraires de ceux qu'on recherchait. Sans parler des hypothèses de rigidités nominales...

        En fait, ce n'est pas récent que les économistes ne jurent que par la "loi du marché". Les XVIIIè et XIXè siècles étaient autrement plus libéraux que ne pourraient en rêver aujourd'hui un MEDEF ou un Madelin, surtout dans l'empire britannique. Dans l'histoire de la pensée économique, le pur keynésianisme n'aura finalement finalement été qu'une parenthèse (1930-1970). Le système de la sécurité sociale française n'a été que le fruit de l'époque (et de l'endroit) où il a été mis en place.

        Il est d'ailleurs bizarre que souvent les programmes d'économie en France ne décrivent qu'un monde économique keynésien, alors que les keynésiens mêmes sont devenus néo-keynésiens ou néo-classiques.

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