Sommaire
- Le financement participatif est-il viable pour réaliser un long-métrage ?
- L’échec du système traditionnel
- Peut-on à la fois se démarquer et plaire à tout le monde ?
-
Occupy Hollywood
- Rendre l’œuvre à son auteur
- Le dernier rempart à la libération d’un film est souvent le compositeur (ou son ayant droit)
- Se libérer du producteur et des contraintes du marché, l’exemple du Studio Ghibli
- Libérer l’outil de travail, le travail et le travailleur
- Mémoire et intelligence, développer une connaissance et un travail libre
Le financement participatif est-il viable pour réaliser un long-métrage ?
Comme l’a annoncé une récente dépêche (que je vous invite vivement à lire pour en savoir plus), La campagne de financement pour fonder le projet Gooseberry est arrivée à son terme. Malgré une levée de fond initiale de plus de 300 000€ (pour un total de 700 000 € avec les sommes promises1), cette somme est jugée insuffisante pour se lancer dans un long métrage. En effet, la fondation Blender espérait réunir 500 000 € pour lancer le projet, et seulement lancer le projet car cette somme est insuffisante pour couvrir la totalité de la production. La durée du financement avait été exceptionnellement étendue mais cela n’a pas suffi à rassembler les moyens de réaliser un long métrage.
Ainsi, le projet Gooseberry sera donc un court-métrage de 10 à 15 minutes, et plus précisément, un pilote du film. Cela signifie que le projet de long métrage n’est pas enterré car la présentation du pilote et son succès éventuel pourra servir à prospecter de nouveaux sponsors.
La situation de Gooseberry
C’est une problématique sérieuse, la difficulté que rencontre la Fondation Blender avec Gooseberry pose la question de la viabilité du financement collaboratif pour financer un long métrage.
En effet, le projet Blender a déjà financé avec succès 5 courts métrages (4 Open Movie Projects et le plus confidentiel Gran Dillama), et pour donner une idée, si l’on rassemble tous les financements qui ont donnés Elephants Dream, Big Buck Bunny, Sintel et Tears of Steel, (je ne sais pas combien a coûté Grand Dillama) on obtient la somme colossale de 970 000 €, rassemblée de manière ponctuelle sur une durée de 6 ans avec des financements particuliers mais aussi des sponsors qui font de gros chèques…
La Fondation Blender espérait donc 500 000 € pour se lancer dans le projet GooseBerry, et comme l’a très bien expliqué eingousef< dans un commentaire, pour faire un long métrage de ce type, il faut au minimum 3.5 millions d’euros.
La Fondation Blender pouvait se procurer 1.6 millions avec des sponsors, mais 1.9 millions d’euros restent à la charge du public, et si on met cette somme en perspective avec les 970 000 € cité précédemment (somme qui inclut les sponsors), l’écart est grand, très grand.
Réalisation indépendante, l’exemple de La rébellion cachée
Un de mes amis est en train de tourner un documentaire historique (sur les massacres légaux qui ont fait suite à la révolution en France) et il s’est tourné lui aussi vers le financement participatif. Le budget est beaucoup mais vraiment beaucoup plus modeste, je crois qu’ils en sont à leur troisième campagne de don et si je ne me trompe pas dans mes calculs, ils ont levés ainsi 41 000€… À coté de ce que peut lever la Fondation Blender, c’est très peu. Pourtant, sur trois campagnes de don, les deux premières ont atteint leurs objectifs, mais les objectifs eux-même ne sont pas comparables, la dernière levée de fonds ne visait que 21 800 € (30 000 $)…
Mécanismes de cagnotte et de souscription
C’est donc difficile de financer un long métrage d’une part, et d’autre part les outils habituels de financement collaboratif ne sont pas toujours adaptés. En effet, d’un coté il est difficile de lever la somme d’un coup vu les montants élevés, et de l’autre la durée de développement d’un long-métrage fait qu’il est plus adapté de répartir le financement dans la durée. Le système de cagnotte est donc insuffisant. C’est justement pourquoi je cite ici l’exemple du documentaire de Daniel Rabourdin : ils en sont déjà à trois cagnottes et une quatrième devrait bientôt être lancée. Si l’on peut donner entre les cagnottes, le système de don n’est pas très unifié avec des points d’entrée à différents endroits, ce qui peut perturber le donateur.
Pourtant ce système de cagnotte est nécessaire pour se lancer, car il faut des garanties, et sonder un minimum les portefeuilles des donateurs. C’est ce qu’ont fait ces deux projets avec leurs objectifs propre, l’un s’est lancé, l’autre, la fondation Blender, a du revoir ses ambitions à la baisse.
Il faut les deux, à la fois le système de cagnotte pour sonder la demande, et pour financer des objectifs particuliers, et à la fois un système de souscription dans la durée, et le mieux est que cet ensemble soit intégré. C’est ce qu’a mis en place la Fondation Blender avec sa plate-forme Blender Cloud.
Les atouts de la Fondation Blender
Malheureusement, malgré cette clairvoyance, la fondation Blender n’a pas atteint l’objectif nécessaire au long métrage. Le message est fort, car la fondation est pionnière dans le domaine du financement participatif.
Autre message fort : les précédentes campagnes consistaient en préventes de DVD, c’est à dire à prix fixe, ce qui signifiait qu’en dehors d’un don explicite, c’était surtout le nombre de financeurs qui faisaient la somme, et non leur générosité. Cette nouvelle campagne invitait donc à donner plus, et ça n’a pas suffit.
La fondation Blender avait pour elle le système de financement collaboratif le plus au point, la confiance des donateurs et sa réputation : ils avaient réussis leurs 6 précédentes levées (il y avait eu un jeu vidéo en plus de courts-métrages), et malgré tout cela, n’a pas réussi.
Plus que cela, la Fondation Blender a pour elle un soutien moral, et trouve parmi les rangs des libristes de nombreuses personnes prêtes à soutenir ses projets pour sa vocation elle-même : la fondation ne produit pas seulement des œuvres d’art mais aussi des outils, et cela avec une certaine idée du travail de l’artiste et de sa liberté.
TL;DR. Je voulais développer un peu plus le thème du mécénat participatif, mais ce journal étant déjà très long, ce sera une autre fois.
L’échec du système traditionnel
Si le système essayé par la Fondation Blender n’a pas encore fait ses preuves pour la réalisation d’un long métrage, il faut bien se rendre à l’évidence que le système traditionnel n’est pas sans défaut.
Superproduction et contribution citoyenne, l’exemple de Cristeros
Pour rester dans l’actualité, je cite un troisième projet de long métrage. Celui-là a été financé et réalisé selon les moyens traditionnels du cinéma, et vient tout juste de sortir en salles en France : Cristeros.
Ce n’est pas un film confidentiel, ni une farce simplette façon Big Buck Bunny. Cristeros est une production américaine tournée au mexique et réalisé par Dean Wright (qui a déjà travaillé sur Narnia par exemple, pas un débutant) avec comme acteurs Eva Longoria, Andy García Menéndez, Oscar Isaac (attendu dans le prochain Star Wars), ainsi que Peter O’Tool (Lawrence d'Arabie) qui termine là ses 53 ans de carrières… Ce ne sont pas des anonymes ! À cela il faut ajouter le compositeur James Horner (Titanic, Apollo 13, mais aussi Avatar, Apocalypto, Stalingrad, Braveheart…), tout ce qu’il faut pour faire un film épique !
Alors certes, une bonne équipe ne fait pas un bon film, mais vu qu’il a pris la première place au Box Office mexicain et été plutôt bien reçu aux États-Unis, on peut supposer que la qualité est au rendez-vous…
Cela n’a pas suffi à permettre sa diffusion en France malgré un public certain, nous allons le voir.
Quand Hollywood a besoin du piratage pour diffuser ses films en France
Alors pourquoi je cite ce film ? Parce que sa diffusion en France s’est faite de manière très particulière et peu commune : c’est suite à une projection privée qu’avait organisé un petit groupe de lyonnais que l’un d’entre eux, séduit par le film, s’est mis en tête d’aller chercher les droits de diffusion pour la France.
Ni une ni deux, quelques billets d’avion, un dossier sous le bras, ce fut fait, mais il fallait encore négocier les salles de cinémas et faire sa publicité. Cela s’est fait essentiellement par un travail de réseau, de particulier à particulier, avec la force des réseaux sociaux que l’on connaît aujourd’hui.
Chose inhabituelle, le site officiel affichait des mois avant la diffusion légale « Vous avez déjà vu le film ? Laissez-votre commentaire », les diffuseurs avaient très bien compris que contrairement aux idées reçues, ce sont ceux qui ont déjà vu le film, même en le piratant, qui étaient leurs meilleurs alliés.
Ils ont osés encore plus que ça, puisqu’ils ont invités ces mêmes « pirates » à coller des affiches pour le film, et comme je l’ai dit plus tôt, ce sont ces mêmes « pirates » qui sont allés démarcher les salles de cinémas pour obtenir les projections…
Cristeros est finalement sorti avec beaucoup de frilosité dans seulement 22 salles françaises, avec souvent des projections uniques, et avec parfois beaucoup de mépris (comme au Majestic Passy qui avait programmé pour ce film une séance unique dimanche dernier à 11h, c’est à dire quand son plus gros public est à la messe). À cela il faut ajouter des dysfonctionnements étranges comme le site Allociné qui ne référençait que 3 séances dans des cinémas d’arts et d’essai en banlieue parisienne quand des gros cinémas (comme certains UGC) le projetaient dans la capitale… De plus, ce film n’était pas spécialement aidé par les petits cinémas, car sortant en même temps que le lancement du festival de Cannes, il s’était ainsi coupé de plusieurs cinémas d’arts et d’essais qui calent leur programmation sur le festival…
Malgré ce faux départ il s’est hissé aussitôt à la quatrième place du Box Office, et face à ce succès plusieurs cinémas l’ont programmé et la chaîne UGC a décidé de le projeter dans quasiment toutes ses salles. Actuellement, ce sont 70 salles qui le projettent.
Cela n’aurait pas pu se faire sans le piratage ni la mobilisation citoyenne qui ont suppléé aux dysfonctionnements du système de diffusion traditionnel.
Dans cet exemple, il est intéressant de constater que même un film déjà payé peut ne pas être diffusé, et que le piratage n’a pas empêché sa diffusion, au contraire, il fut nécessaire. De plus, on constate que quand le public veut voir une œuvre légalement, même s’il l’a déjà vue, il peut faire le travail de ceux dont c’est le métier.
Tout comme Gooseberry ne peut être réalisé sans la participation de son public, Cristeros n’aurait pu être diffusé en France sans la participation de son public.
Je cite particulièrement ce film parce que c’est un des rares exemples où ce qu’on appelle ordinairement « piratage » n’est pas jugé comme un obstacle, mais comme un allié, et ceux qui ont vu le film avec débrouille ne sont pas condamnés ni pointés du doigt, mais respectés et reconnus comme des collaborateurs.
Chose rare dans l’industrie du cinéma, c’est le public qui est allé chercher le film et qui a pris en charge sa diffusion en France.
Il y a plein de films qui ne sortent jamais en France, ou avec beaucoup de retard. Par exemple, L’œuf de l’ange ne sera probablement jamais projeté en France ni vendu en boutique. Nausicaä de la vallée du vent a mit 22 ans a sortir en salles en France, quand le système de distribution s’est enfin rendu compte que le public était là.
J’ai vu L’œuf de l’ange (merci l’import), et j’ai aussi vu Nausicaä et Cristeros bien avant qu’il ne soit diffusé en France, et quand je les ai vu, je croyais sincèrement qu’ils ne seraient jamais diffusés en France.
La différence entre Cristeros et ces autres films, c’est que quand le public a découvert le film, il n’a pas attendu que le système de diffusion décide ou non de le diffuser : c’est le public qui s’en est occupé.
Si GooseBerry ne peut être réalisé sans la participation de son public, on voit qu’un film réalisé traditionnellement comme Cristeros a besoin de l’intervention de son public pour être projeté.
D’un côté on se demande si le public seul peut fournir les moyens de réaliser un long métrage, de l’autre on se demande si l’on peut se passer de lui…
Peut-on à la fois se démarquer et plaire à tout le monde ?
Je cite donc trois projets, un film libre déjanté, un documentaire historique indépendant, et une fresque historique à gros budget.
C’est vrai qu’à coté du sujet de Cristeros ou du sujet de La rébellion cachée, et tous les scénarios imaginables que l’on peut tirer de ces faits historiques, le sujet de GooseBerry est pauvre.
Dans un récent journal ayant trait à la diffusion de film sous DRM, devnewton< proposait comme solution à ce problème de l’attaquer à la source en produisant des films libre, avant d’ajouter qu’il faudrait « peut être prendre un sujet plus intéressant que l'histoire de Michel le mouton ».
Alors oui, le gros lapin de Big Buck Bunny était rigolo 5 minutes, mais j’aurai du mal à imaginer la même chose en long métrage. Remplacer le lapin par un mouton ne change pas ce constat.
Comme le fait remarquer sinma<, la Fondation Blender tombe peut-être dans le piège qui consiste à vouloir produire un film regardable par tous. J’ajouterai à cela le fait de ne pas prendre le risque de déplaire, au risque d’être trop plat. Cette position peut marcher pour un court métrage, c’est plus difficile pour un long métrage.
Les films comme Cristeros ou La rébellion cachée ont leurs détracteurs, mais aussi leurs soutiens indéfectibles, et ce sont ces soutiens là qui sont les plus importants et qui permettent de dépasser les limites.
Occupy Hollywood
Mais la Blender Fondation n’a peut-être pas de gros soutiens sur leurs scénarios, mais ils ont des soutiens indéfectibles dans un autre domaine : les amateurs de logiciel libre et d’art libre.
Ces soutiens ne font pas tout, car si un court métrage peut se suffire d’un scénario simple, c’est plus difficile dans le cas d’un long métrage, mais jusque là, ils ont été bien aidés.
Le 28 mars, Ton Roosendaal avait publié un long et instructif billet (traduction ici) où il expliquait pourquoi le projet GooseBerry est important.
Rendre l’œuvre à son auteur
Souvent on aborde le sujet de l’art libre sous l’angle du destinataire, c’est juste mais ce n’est pas suffisant.
En tant qu’amateur d’art et de liberté, j’apprécie que les œuvres soient libres. Mais je me place là comme destinataire avant d’être auteur. La liberté n’est pas seulement la liberté de contempler l’œuvre d’un autre, c’est aussi la liberté d’être l’auteur, de donner à son prochain l’objet de sa contemplation.
Il est important que les œuvres d’art soit libres, car cela permet de développer la culture et l’instruction des personnes. Il est également important qu’une œuvre d’art soit libérée par son auteur car elle peut ainsi être réappropriée par l’amateur d’art qui pourra devenir à son tour auteur, c’est le mécanisme à la base de la fécondité artistique.
Enfin, il faut aussi libérer l’auteur, car si l’auteur ne possède pas son propre travail, son travail ne pourra pas être libéré. Dans le domaine artistique, il est rare qu’un auteur possède le fruit son propre travail, et même son savoir faire.
On le voit par exemple en France avec la musique. Certains pensent naïvement que la SACEM sert à protéger les auteurs ou compositeurs, ce qui est faux, car la SACEM ne protège que les œuvres cédées par l’auteur et le compositeur. La SACEM ne protège ni l’auteur ni le compositeur, elle exproprie l’auteur et le compositeur et ne protège l’œuvre qu’une fois que cette œuvre est expropriée. La SACEM ne protège une œuvre que parce qu’elle est sienne depuis que l’auteur en a été dépossédé. Il en est ainsi de nombreuses sociétés de droit d’auteur, qui opèrent un véritable hold-up de la culture, du savoir faire et de la compétence.
Le compositeur est ainsi dépossédé de tous ses droits et il ne lui reste plus que le droit de recevoir (peut-être) de l’argent et surtout de se taire, ce qui n’est pas une perspective de liberté encourageante.
On le voit encore avec le cinéma. L’industrie telle qu’elle s’est développée laisse peu de droit et de liberté à l’auteur. Quand Ton Roosendaal écrit « Tandis que d’autres perdent leur emploi, dans la même semaine leur entreprise a remporté un Oscar. », il faudrait ajouter « avec le fruit de leur travail dont ils ont été dépossédés ».
Le dernier rempart à la libération d’un film est souvent le compositeur (ou son ayant droit)
J’évoque le problème du compositeur de musique qui est soumis à l’ayant droit sur ses propres œuvres, mais le cinéaste est dans la même situation.
En effet, il est très rare qu‘un film ne soit pas accompagné d’une composition musicale, et être compositeur de musique étant un métier différent que celui de réalisateur de film, le réalisateur fait donc appel à un compositeur, quand il ne réemploie pas des enregistrements soumis à des conditions très contraignantes.
Le studio qui produit un film possède tous les droits sur les images qu’il produit, mais ne possède pas les droits sur la musique qu’il utilise dans son montage final, et ces droits sont tenus par un tiers. Ainsi, le réel « ayant droit » du film est quasiment tout le temps l’ayant droit de l’accompagnement musical, celui qu’on ne pourra pas convaincre même lorsqu’on aura convaincu l’ayant droit de l’image.
Je citais plus avant l’exemple du documentaire historique « La rébellion cachée ». Son auteur, Daniel Rabourdin, possédera de fait tous les droits et tous les pouvoirs sur les images qu’il aura réalisé avec son équipe, mais il y a de très forte chance qu’il ai très peu de pouvoir sur les droits des musiques utilisées en accompagnement.
Je sais que si je réalisais un documentaire tel que celui qu’il réalise, je ne serais probablement pas propriétaire de mon film. Le véritable propriétaire, celui qui pourrait décider du contrat utilisateur final, ce serait certainement l’ayant droit de la bande musicale que j’aurai choisi. Et si je réalise moi-même un film et que je souhaite une bande son de qualité, je devrais probablement sacrifier la liberté.
Il est très difficile de pouvoir libérer un film car il est très difficile de se procurer des musiques de qualité qui soient libres ou qui puissent être libérées !
La Fondation Blender a subie elle aussi ce travers : la majorité de ses court-métrages ont reçus un accompagnement musical du compositeur Jan Morgenstern. Son travail est excellent mais n’est pas libre. Exceptionnellement, pour les besoins de la Fondation Blender, il a accepté que le montage final du film contenant sa musique soit libre, mais la musique elle-même ne l’est pas. La musique est ici un produit fini intouchable et stérile.
La Fondation Blender a eu cependant beaucoup de chance de pouvoir trouver un compositeur comme Jan Morgenstern qui n’ai pas signé de contrat avec une société telle que la SACEM en France, car dans ce cas, il n’aurait même pas pu autoriser la Fondation Blender à libérer le montage final. Ils sont rares les compositeurs qui ne cèdent par leur travail passé, présent et futur à une société d’ayant droit !
Pour éviter ce problème, on peut se tourner vers l’excellent travail que fournissent des initiatives comme celles de MusOpen (voir les pages du Musopen Symphony Orchestra et du Musopen String Quartet pour les enregistrement déjà libérés, et leur travail actuel d’enregistrement de Chopin) ou encore les interprétations de Kimiko Ishizaka (voir le projet Open Goldberg Variations pour les enregistrements déjà libérés et le projet en cours Ba©h to Bach). Le domaine public commence enfin à s’enrichir d’enregistrements musicaux de qualité !
Mais on ne peut pas toujours réaliser ses bandes sons avec des enregistrement historiques de musique symphonique préexistante ! On n’est pas tous Stanley Kubrick !
La musique est généralement irremplaçable dans un film ! On ne peut correctement interpréter le film Il était une fois dans l’Ouest si l’on n’étudie pas la musique composée par Ennio Morricone pour ce film : celui qui ne prête pas attention à la musique pourrait croire, à tord, que le personnage principal de ce film est un homme ! Dans 2001, l’Odyssée de l’espace, on ne saurait dissocier la scène de l’approche de l’extrait du Beau Danube bleu de Johann Strauss. Et personnellement, je ne peux imaginer Blade Runner sans la musique de Vangelis, ni son intime Rachel’s Song qui, sans être intégrée au film, ne peut être traitée séparément.
Une des particularités de GooseBerry est que sa bande son doit être libre, vraiment libre, pas seulement la partie mixée dans le montage audiovisuel final.
Se libérer du producteur et des contraintes du marché, l’exemple du Studio Ghibli
Le très talentueux réalisateur Hayao Miyazaki vient de prendre sa retraite après son dernier film « Le vent se lève ». Hayao Miyazaki est un des fondateurs du Studio Ghibli.
Comme le rappelle cet article sur le site francophone Buta Connection, le studio a été fondé dans un période de crise pour l’animation, où les longs-métrages n’étaient pas les bienvenus et auxquels étaient préférées les séries télévisées lucratives pondues au kilomètres.
Cet état de fait résonne assez bien avec le triste constat de Ton Roosendaal quand il écrit que « nous, petits nerds, on fait juste la queue pour encore un autre film de super héros Marvel ».
Tout comme Ton Roosendaal, mais sur un autre plan, les fondateurs du Studio Ghibli se sont lancés avec courage avec une vision très claire de ce qu’est un auteur et son travail artistique, décidés à ne pas laisser l’impératif économique prendre le pas sur la création artistique et la culture.
Certes, la production actuelle de la Fondation Blender est encore loin de la cohérence de l’œuvre d’Hayao Miyazaki et se focalise peut-être trop sur la technique avant le scénario.
À noter que tous les bruitages de « Le vent se lève » ont été réalisés à la voix, ce qui nous fait constater deux choses :
Peu de studios qui ne possèdent pas l’indépendance du Studio Ghibli auraient pris ce risque technique ;
Oui on peut mêler dernière technologie et tradition ! Alors pourquoi ne pas mêler le très high-tech logiciel libre Blender à un scénario plus traditionnel mais efficace, par exemple en puisant dans le domaine public ?
« Le vent se lève, il faut tenter de vivre », ces paroles choisies par Hayao Miyazaki comme fil conducteur pour son ultime film (et peut-être de toute son œuvre) sont de Paul Valery, issues de son poème « Le cimetière marin », une œuvre qui entrera bientôt dans le domaine public en France et qui y repose déjà sur certains continents.
Et justement, libérer l’artiste, nourrir le domaine public, c’est aussi la vocation de la fondation Blender.
Libérer l’outil de travail, le travail et le travailleur
Plus que réaliser un film libre, les Open Movie Projects comme le projet GooseBerry sont l’occasion de développer le logiciel Blender.
Ce logiciel a la particularité d’avoir été racheté et libéré par ses utilisateurs. C’est un des plus bel exemple de ce type, où le travailleur libère son outil de travail pour libérer son savoir faire et se libérer en tant qu’artiste.
En effet, il est dommageable de voir tant de métiers liés à des logiciels propriétaires, ce qui signifie que l’artiste voit l’expression de son talent soumise au bon vouloir d’un tiers.
On voit le problème que cela pose dans l’éducation, où de nombreux éditeurs proposent des ristournes temporaires (voir la gratuité complète) sur leurs logiciels, ce qui amène l’étudiant à rendre son apprentissage dépendant d’une licence. Ensuite, l’employeur doit se soumettre à cet éditeur pour déverrouiller le savoir faire de son employé…
Personnellement, je n’aime pas me former sur un logiciel non-libre, je n’aime pas que mon savoir faire soit exprimable ou réduit au silence par la seule volonté d’un tiers, qui n’est ni ma volonté ni celle de mon employeur ni celle de mon public.
Comme le rappelle la page wikipédia à son sujet, Hayao Miyazaki explique son succès par la chance qu’il a eue de pouvoir exploiter pleinement sa créativité.
Et pour exploiter pleinement sa créativité, rien de mieux que de bons outils !
Blender est un bon outil !
Mémoire et intelligence, développer une connaissance et un travail libre
La Fondation Blender développe un logiciel de modélisation 3D (Blender) qui fonctionne également comme moteur de jeu ou comme éditeur vidéo.
La Fondation Blender produit aussi des films libres, et tous les modèles sont publiés et libres. La Fondation Blender produit aussi des tutoriels sous licence Blender Artistic License
La Fondation Blender développe une connaissance libre, un savoir faire libre, une éducation libre.
On s’étonne parfois des budgets conséquents des projets de la fondation Blender, c’est parce qu’ils souhaitent éprouver leur savoir faire et leurs outils aux contraintes d’un projet professionnel qui rivalise techniquement avec les projets professionnels actuels. La Fondation Blender ne veut pas seulement libérer l’amateur, la fondation Blender veut libérer le professionnel.
Je termine ce long journal par une citation de Chris Marker (La jetée) :
Rien ne distingue les souvenirs des autres moments: ce n'est que plus tard qu'ils se font reconnaître, à leurs cicatrices.
L’intelligence ne saisit rien sans mémoire, la mémoire est inutile sans intelligence. Les films comme Cristeros, La rébellion cachée ou encore Le vent se lève proposent de libérer la mémoire, la fondation Blender propose de libérer l’intelligence.
C’est là tout le sens du projet GooseBerry, qui ne fait que commencer, et qui attend votre soutien.
PS : les autres œuvres citées dans ce journal sont également dignes d’intérêt. ;-)
-
Il semble qu’il y ait eu quelques désistements ensuite, mais rien de dramatique. ↩
# Index
Posté par Thomas Debesse (site web personnel) . Évalué à 10.
L’ensemble des œuvres citées dans ce journal (par ordre d’apparition, si je ne me trompe pas) :
Mais aussi, accessoirement, Narnia, Star Wars, Lawrence d'Arabie, Titanic, Apollo 13, Avatar, Apocalypto, Stalingrad, Braveheart, et la musique de Jan Morgenstern.
Ah oui et j’ai cité le logiciel Blender, c’est une œuvre magistrale, aussi. ;-)
Si vous ne saviez pas quoi faire de votre journée, voilà quelques suggestions pour sortir au cinéma, écouter de la musique, modeler, ou hacker du code !
Bon dimanche ;-).
PS : J’ai eu beau m’être relu 7000 fois, j’ai laissé des coquilles et des oublis, voici la version corrigée (source markdown).
PPS : J’ai peut-être oublié une œuvre ou deux… n’hésitez pas à le relever le cas échéant. ;-)
ce commentaire est sous licence cc by 4 et précédentes
[^] # Re: Index
Posté par BAud (site web personnel) . Évalué à 3. Dernière modification le 25 mai 2014 à 10:55.
merci pour ta synthèse très complète (il n'y a pas tant de faute d'ortho que cela, hormis le tort qui montre que tu es tordu :p)
Le parallèle du libre pour promouvoir le libre et le proprio qui profite du libre (avec une interprétation non stricte) pour se diffuser me semble intéressant, cela dénote une interprétation et une volonté qu'il ne suffirait que convaincre du libre le public au final (je puis élaborer).
Concernant la musique du domaine public, il suffirait que l'interprétation reste libre pour la réutiliser (vaste débat).
[^] # Re: Index
Posté par Thomas Debesse (site web personnel) . Évalué à 2.
Aïe aïe aïe, et j’ai aussi laissé traîner une confusion voir/voire. :s
ce commentaire est sous licence cc by 4 et précédentes
[^] # Re: Index
Posté par BAud (site web personnel) . Évalué à 1. Dernière modification le 28 mai 2014 à 20:39.
tu l'aurais mis sur github (ou plutôt gitorious), je t'aurais envoyé des pull-requests ;-)
ah oui, « voire la gratuité complète » joli :p
[^] # Re: Index
Posté par Thomas Debesse (site web personnel) . Évalué à 2.
J’y avais songé en plus… ^^
Hop, tu m’as décidé, j’ai créé un dépôt dédié pour recevoir les corrections, la source de ce journal est là.
J’y ai déjà apporté beaucoup de corrections (toutes celles indiquées ici et d’autres encore), et ajouté des détails que je voulais placer mais que j’avais oubliés (essentiellement des liens en lignes, rien d’important qui ne change le sens). Il faut dire que j’avais terminé ce journal un matin d’insomnie sur un écran 12 pouces… Il est difficile de voir clair dans ces conditions. ;-)
ce commentaire est sous licence cc by 4 et précédentes
[^] # Re: Index
Posté par BAud (site web personnel) . Évalué à 2.
et vala https://github.com/illwieckz/litterature_linuxfr.org/pull/1
ne t'inquiète pas trop pour les fautes, même si cela nuit parfois un peu au discours, tu réussis très bien à illustrer certaines idées et à les formuler dans un raisonnement logique (et moins ampoulé que le style que je pourrais avoir personnellement :D).
[^] # Re: Index
Posté par Thomas Debesse (site web personnel) . Évalué à 3.
Super merci, j’ai mergé tout ça !
En effet je met souvent des « t » au lieu de « s » à la fin de participe passé en « is » (comme « mettre »), pourtant je sais qu’il suffit de mettre au féminin pour discerner la consonne finale (comme dans « mise »), j’ai aussi beaucoup de mal avec les tirets et je ne sais pas me servir des point-virgules ! Je sais tout ça et je suis déjà super attentif, mais c’est dur. :-)
Merci ! Écrire sur LinuxFr est un excellent exercice de rédaction ! Le lectorat est assez exigeant, et surtout apprécie le travail bien fait ^^, de plus ce lectorat étant également auteur, cela crée une certaine émulation, et comme j’aime bien écrire, ça engage un cercle vertueux. Ça donne vraiment envie de s’appliquer, et personnellement j’apporte beaucoup de soin à la langue elle-même, à la rigueur du vocabulaire et à la formulation. Par exemple je fais en sorte que le texte soit lisible à voix haute, parce que je suis convaincu qu’un texte doit être respirable pour être lisible.
Dans un commentaire d’un sondage sur les instruments d’écriture, j’avais rapporté comment les plumes sans réservoir imposent des pauses et empêchant l’écriture « en apnée ». Quand j’ai compris ça je me suis beaucoup amélioré à l’écrit, même sur un clavier.
Alors je n’écris pas mes journaux/dépêches avec une plume, mais je me relis plusieurs fois à l’oral, à plusieurs étapes de la rédaction, afin de m’assurer que le texte est prononçable. Ça prend du temps mais c’est ce qui permet d’identifier les endroits où l’on aurait pu mettre un point au lieu d’une douzième virgule, ou au contraire cela point les parties qu’il faut reformuler pour pouvoir placer un point. Ça doit aussi aider à ne pas avoir un style trop ampoulé.
Ça aide donc à ne pas faire des paragraphes trop long, mais pour cela j’ai surtout un autre exercice : lorsqu’un paragraphe commence à être long, je le parcours en diagonale, et si je manque une information importante, ou si je n’arrive pas à me repérer dans les idées au survol, c’est qu’il y a trop de profondeur dans le texte.
Par contre je ne fais pas du tout de la concision un absolu. :D Je soigne la concision parce que c’est un instrument qui aide à l’effort de rigueur, par exemple préférer le mot juste à une paraphrase est un exercice de concision. Mais dans beaucoup de cas, je préfère reformuler quitte à me répéter si cela permet de couper un paragraphe ou une phrase trop longue. La respiration est plus importante que la concision, surtout à l’écrit (ça peut paraître étonnant mais c’est vrai ^^).
Parfois je me contraint à couper des parties quand c’est vraiment long, par exemple dans ce journal j’ai coupé un développement sur l’économie du don, du mécénat et de la redevance, avec une réflexion sur le concept de dette et de générosité. Mais ce journal étant déjà très long, j’ai remis à plus tard.
ce commentaire est sous licence cc by 4 et précédentes
[^] # Re: Index
Posté par Claude SIMON (site web personnel) . Évalué à 5.
Ce journal porte certes sur la libération des outils, mais l'acteur de Lawrence d'Arabie, ce n'est pas Peter O'Tool, mais Peter O'Toole…
Pour nous émanciper des géants du numérique : Zelbinium !
[^] # Re: Index
Posté par Thomas Debesse (site web personnel) . Évalué à 3.
Ah merci bien, celle-là elle est belle ! On devrait offrir des bouquins (ou des flims) à ceux qui relèvent les fautes, surtout quand c’est fait avec panache. ;-)
ce commentaire est sous licence cc by 4 et précédentes
# Journal?
Posté par Zenitram (site web personnel) . Évalué à 10.
Dépèche!
[^] # Re: Journal?
Posté par EdB . Évalué à 8.
Soit poli, il peut prendre son temps :o)
# Oui on peut financer un long métrage avec du financement participatif
Posté par Khaos (site web personnel) . Évalué à 10.
L'équipe de la webserie NooB a levé 700000€ et va produire avec cet argent non pas 1 mais 3 longs métrages.
Donc c'est tout à fait possible.
Philosophiquement, et probablement techniquement, le projet GooseBerry et celui de Noob sont très différents.
Mais à l'arrivée c'est bien le projet dont l'histoire est la plus attendue qui abouti.
Le concept d'opensource est agréable en toute chose mais n'est pas suffisant. La qualité du produit est et sera toujours plus importante.
Je ne choisis pas un film en fonction du matériel utilisé ou de sa licence d'utilisation mais bien de son contenu.
C'est manifestement dans l'intérêt du contenu que GooseBerry pêche (et donc échoue) or c'est juste le plus important.
[^] # Re: Oui on peut financer un long métrage avec du financement participatif
Posté par nonas . Évalué à 3.
Dans un autre registre, le film Veronica Mars, qui fait suite à la série éponyme, a récolté 5,7 millions de dollars sur Kickstarter l'an dernier. Le projet ne demandait que 2 millions au départ.
# 42
Posté par Thomas Debesse (site web personnel) . Évalué à 4.
Wouhou, je viens de découvrir que ce journal est ma 42ième publication sur DLFP ! Bon il y a un peu de triche à cause du fait que quelques journaux aient été transformés en dépêches, mais champagne tout de même. :)
ce commentaire est sous licence cc by 4 et précédentes
[^] # Re: 42
Posté par Marotte ⛧ . Évalué à 2. Dernière modification le 26 mai 2014 à 16:18.
T'chin !
Si je ne m'abuse on écrit 2e et pas 2ième, en tous cas d'après http://www.langue-fr.net/spip.php?article239
Je t'avoue que moi j'aurais écrit 2ème ce qui tout aussi faux :)
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