Prix Ig Nobel de 2015

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sept.
2015
Science

Les prix Ig Nobel (jeu de mot sur ignoble et Nobel) 2015 ont été attribués le 17 septembre dernier. Rappelons qu’ils récompensent des publications ou des travaux scientifiques qui font des recherches inusuelles et imaginatives. Les vainqueurs ont tous fait des choses qui ont d’abord fait rire, puis réfléchir les gens.

Liste des prix 2015 :

  • chimie : une recette pour partiellement dé-bouillir des œufs ;
  • physique : le test du principe biologique que quasi tous les mammifères vident leur vessie en 21s (à plus ou moins 13s près) ;
  • littérature : le mot « hein ? » (ou son équivalent, huh? en anglais par exemple) existe dans toutes les langues, et on ne sait pas exactement pourquoi ;
  • management : beaucoup de décideurs économiques ont développé dans leur enfance une affinité pour la prise de risque, en étant confronté à des catastrophes naturelles n'ayant pas eu de conséquences personnelles pour eux ;
  • économie : la police de Bangkok (Thaïlande) pour avoir offert plus d'argent aux policiers qui refusent les pot-de-vins ;
  • médecine : les bénéfices ou conséquences biomédicales des baisers intenses (et autres activités interpersonnelles intimes) ;
  • mathématiques : l'utilisation de techniques mathématiques pour déterminer si et comment Moulay Ismaïl ben Chérif, sultan du Maroc de 1697 à 1727, aurait engendré 888 enfants ;
  • biologie : attacher un bâton lesté à l'arrière des poulets (queue artificielle) les fait marcher de la façon dont on pense que les dinosaures marchaient ;
  • diagnostic médical : les appendicites aiguës peuvent être diagnostiquées avec précision via la douleur ressentie par le patient lors du passage sur des dos d'âne ;
  • physiologie et entomologie : la création de l'index Schmidt de pénibilité des piqûres d'hyménoptères, en se faisant piquer à 25 endroits différents du corps pour connaître les endroits les moins et les plus douloureux.

D’abord faire rire puis réfléchir les gens ?

On rappellera, comme l’avait fait Malicia en 2010, que « Andre Geim a été récompensé par le Prix Nobel de Physique 2010 (avec Konstantin Novoselov) après avoir eu une récompense Ig Nobel en 2000 (avec Sir Michael Berry), pour avoir fait léviter une grenouille avec des aimants ». On peut aussi citer le professeur Keller qui a reçu deux prix Ig Nobel en physique en 1999 et en 2012.

Historique

Ces prix sont évoqués depuis plusieurs années sur LinuxFr.org (2001, 2002, 2004, 2005, 2006, 2008, 2010, 2011) et de 2011 à 2014.

Et puis, ça change des Prix FSF du logiciel libre (Awards for the Advancement of Free Software) (2001 et 2001, 2005, 2008, 2013, 2015, etc.), ou même des plus pessimistes Big Brother Awards (2000, 2001 et 2001, 2002, 2003, 2005, 2007, 2009, 2010, 2012 Belgique, 2013, etc.) ou Darwin Awards.

Aller plus loin

  • # Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

    Posté par  . Évalué à 2.

    Je ne vais parler que de ce que je connais : l'article gagnant de la catégorie diagnostic médical a été publié dans un numéro de Noël du British Medical Journal. Autant dire que s'il est scientifiquement rigoureux, c'est un numéro qui aborde volontairement des sujets de recherche absurdes*. On peut se moquer de la recherche absurde, mais si c'est pour aboutir à dire que, dans un numéro dédié à la recherche absurde, on fait de la recherche absurde, ça fait d'abord rire, puis réfléchir sur la pertinence des IgNobel…

    *Et encore, pas si absurde que ça : tout médecin urgentiste sait qu'en faisant sauter le patient à cloche-pied sur le pied droit, l'exacerbation de la douleur est assez spécifique de l'appendicite si l'épreuve est négative pour le pied gauche (du fait de l'onde de choc transmise jusqu'à l'appendice, ce qui n'est pas le cas à gauche). Là, on se base sur le même principe : une onde de choc transmise par le véhicule.

    Ça, ce sont les sources. Le mouton que tu veux est dedans.

    • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

      Donc les IgNobel sélectionnent les « meilleurs » sujets de « recherche absurde qui font rire puis réfléchir » et il faut leur reprocher de choisir des sujets de recherche absurde dans un numéro du BMJ sur la recherche absurde ?

      Et sinon peut-on rire sans se moquer ? Peut-on se gausser de voir une équation polaire tracer un phallus, puis réfléchir à pourquoi un tel résultat ensuite ? Peut-on s'amuser de voir une étude sur les rideaux de douche qui se plient vers l'intérieur, puis découvrir que c'est vraiment un problème compliqué en fait ? Peut-on être amusé, puis admiratif de personnes qui bidouillent/expérimentent des choses qui paraissent improbables aux autres ? Vous avez 4h.

      • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à -1.

        Et sinon peut-on rire sans se moquer ? Peut-on se gausser de voir une équation polaire tracer un phallus, puis réfléchir à pourquoi un tel résultat ensuite ? Peut-on s'amuser de voir une étude sur les rideaux de douche qui se plient vers l'intérieur, puis découvrir que c'est vraiment un problème compliqué en fait ? Peut-on être amusé, puis admiratif de personnes qui bidouillent/expérimentent des choses qui paraissent improbables aux autres ? Vous avez 4h.

        Oui.

        Proverbe Alien : Sauvez la terre ? Mangez des humains !

      • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

        Posté par  . Évalué à 3.

        Après c'est une question de sens des IgNobel. Soit on récompense des chercheurs qui font volontairement n'importe quoi en ne se prenant pas au sérieux, très bien, dans ce cas les IgNobel sont voués à devenir une sorte de best-of du BMJ de Noël et d'autres publications du même acabit (je ne pense pas qu'il n'y ait qu'en médecine qu'on trouve ce type de publications), et on met en valeur une démarche parfaitement assumée. Soit on récompense des chercheurs qui font des trucs absurdes mais en se prenant totalement au sérieux, ce qui est le cas dans ce palmarès 2015 avec le prix de biologie, et on met en valeur le fait qu'en cherchant à faire de la science en toute bonne foi, on peut parfois pousser loin dans l'absurde. Mais là il semble y avoir un mélange des deux.

        Ça, ce sont les sources. Le mouton que tu veux est dedans.

        • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

          Posté par  . Évalué à 8.

          En fait, c'est le cas depuis le début. Les premiers IgNobel étaient vraiment méchants, l'objectif était visiblement de se moquer de l'apparente nullité de certains sujets de recherche. Souvent, d'ailleurs, c'était au détriment d'équipes peu financées, parfois dans des pays en voie de développement. Ça donnait franchement l'impression d'une ambiance "dîner de cons". Progressivement, ça a changé, en particulier parce que certains ont trouvé intéressant de tenter de jouer le jeu, d'aller à la cérémonie, etc. De fait, parmi les prix décernés cette année, la plupart ne sont pas ridicules ; c'est juste que le sujet est présenté de manière ridicule. Quand on regarde le papier sur les œufs, ça parle de renaturation des protéines après dénaturation par la chaleur, c'est un sujet totalement standard et intéressant. C'est juste amusant de le présenter comme une tentative de dé-cuire les œufs, c'est de la com.

          Mais dans le fond, l'ambiguité reste toujours présente, et on sent bien que la moquerie n'est vraiment pas loin sur certains prix. Il n'y a pas non plus vraiment de réflexion sur l'image que les IgNobel sont censés donner de la science auprès du grand public : à la base, c'est une blague potache de scientifiques, qui savent bien qu'il est facile de trouver des présentations un peu ridicules de sujets sérieux (compter les poils de cul des mouches, mesurer la masse des atomes à une précision ridicule, etc) ; mais maintenant que c'est largement diffusé, ça peut aussi contribuer à cette image de scientifiques qui dilapident l'argent public en jouant comme des enfants. Du coup, j'ai l'impression que la com n'est pas du tout maitrisée ; les scientifiques utilisent ça au deuxième degré, plein de gens utilisent ça simplement pour faire parler d'eux, la presse réutilise les prix IgNobel pour faire des encarts à pas cher sans rien revérifier et sans rien expliquer. Au final, rien n'est clair là-dedans, et chacun y voit ce qu'il veut bien y voir.

          • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

            Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4.

            ça peut aussi contribuer à cette image de scientifiques qui dilapident l'argent public en jouant comme des enfants.

            o_O j'espère que tu ne penses pas ainsi concernant Pierre-Gilles de Gennes qui "jouait" avec des tas de sable et était de surcroît un formidable vulgarisateur (outre ses responsabilités de directeur de l'ESPCI).

            Bon, étant piston, je suis peut-être plus réceptif à l'humour pôtâche ;-) (2 ans de prépa + 3 ans de BDE à l'école, ça laisse des traces on va dire…).

            Ceci est peut-être une réflexion sur les meta-degrés de l'humour :D

            Pourquoi Hubert Reeves est-il tant apprécié ? Pour son passé de physicien atomique, pour ses compétences d'astrophysicien, pour son humour ?

            Les vannes de Linus Torvalds disqualifient-elles sa compétence à gérer le développement d'un des meilleurs noyaux de système d'exploitation ?

            Le rire n'est-il pas le propre de l'homme ?

            • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

              Posté par  . Évalué à 9.

              non

            • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

              Posté par  . Évalué à 3.

              o_O j'espère que tu ne penses pas ainsi concernant Pierre-Gilles de Gennes qui "jouait" avec des tas de sable et était de surcroît un formidable vulgarisateur (outre ses responsabilités de directeur de l'ESPCI).

              J'ai l'impression que tu n'as pas compris le changement de contexte autour de la recherche fondammentale. Une attaque politique sans précédent a eu lieu contre la recherche publique sous Nicolas Sarkozy, en phase avec son programme et l'idéologie Sarkozyste en général—renforcement des fonctions régalienne de l'État et désengagement du reste. De fait, la recherche scientifique est maintenant catégorisée en trois grands axes, 1) la recherche appliquée, potentiellement rentable, et théoriquement portée par le secteur privé (en pratique, ce n'est pas le cas en France, et les objectifs politiques cherchent à recentrer la recherche publique dans cette direction pour la rentabiliser); 2) la recherche fondammentale dans les directions qui correspondent aux "demandes de la société" (cancer, maladies, environnement/climat, agronomie, etc); 3) la recherche fondammentale académique sans objectifs sociétaux, qui doit être recentrée sur l'excellence pour maximiser le ratio entre l'investissement public à perte et les hochets valorisables par des opérations de com (prix Nobel, etc). Le reste du 3 est considéré comme inutile et nuisible, et ce message est très bien passé auprès du public—d'où le risque de jouer sans filet avec la com autour des IgNobel.

              • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

                Posté par  (site web personnel) . Évalué à 4. Dernière modification le 28 septembre 2015 à 10:30.

                J'ai l'impression que tu n'as pas compris le changement de contexte autour de la recherche fondamentale.

                Cela est apparu dès les années 90 (avec le terme "valorisation de la recherche")… Dès 2002, Thierry Breton a tout de même tout fait pour détruire la R&D à France Telecom (pour ne citer qu'un exemple, il y en a d'autres), alors bon, forcément la recherche fondamentale en pâtit dans la foulée…
                Dernièrement (dans les 5 ou 10 dernières années disons), les direction de l'innovation sont souvent vues comme un remplacement de la R&D en entreprise, alors que cela devrait en être le pendant (le volet application, expérimentation…).

                Pour le domaine de la recherche en lui-même, j'ai effectivement moins de visibilité. De l'intérêt d'avoir des vulgarisateurs, faisant passer un message plus clair qu'un danger comme Allègre ou les quelques maladresse de Claudie Haigneré dont j'aurais attendu plus :/

                • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

                  Posté par  . Évalué à 6.

                  Cela est apparu dès les années 90

                  Oui oui, de toutes manières mon raccourci était rapide : déja sous Chirac les EPST (et en particulier le CNRS) ont pris cher.

                  les direction de l'innovation sont souvent vues comme un remplacement de la R&D en entreprise

                  On a un très grave problème en France, c'est que la R&D n'est pas prise en charge par le secteur privé. Il y a toujours un peu de bricolage, ou des effets d'affichage, mais très très peu de grandes boites considèrent que la R&D est rentable. On peut d'ailleurs voir que les niches fiscales (type CIR) sont très largement détournées pour financer des trucs réétiquetés "R&D", mais qui n'en sont pas vraiment sur le fond. La conséquence, c'est que le secteur public doit assurer une partie du R&D rentable (personnellement, je n'ai jamais compris pourquoi le CNRS déposait autant de brevets : le jour où la recherche devient une activité rentable malgré le carcan administratif de l'État, le privé devrait se jeter dans la brèche). De fait, la France tient encore à peu près sa place dans le jeu international de la recherche, mais c'est au prix d'un investissement public assez gros, qui devient problématique en période de vaches maigres budgétaires, et au prix d'un financement tiers-mondiste de la plupart des labos et des universités, qui pose un problème à moyen-terme.

              • [^] # Re: Si on se met à récompenser les articles de Noël du BMJ, aussi...

                Posté par  . Évalué à 0.

                Constat on ne peut plus vrai, bien que toujours attristant. À chaque fois que j'y repense, je ne peux que relire ceci :

                Il n'est point de connaissance qui soit superflue et inutile de façon absolue et à tous égards, encore que nous ne soyons pas toujours à même d'en apercevoir l'utilité. C'est par conséquent un objection aussi mal avisée qu'injuste que les esprits superficiels adressent aux grands hommes qui consacrent aux sciences des soins laborieux lorsqu'ils viennent demander : à quoi cela sert-il ? On ne doit en aucun cas poser une telle question quand on prétend s'occuper de science. À supposer qu'une science ne puisse apporter d'explication que sur un quelconque objet possible, de ce seul fait son utilité serait déjà suffisante. Toute connaissance logiquement parfaite a déjà quelque utilité possible : même si elle nous échappe jusqu'à présent, il se peut que la postérité la découvre. Si en cultivant les sciences on n'avait jamais mesuré l'utilité qu'au profit matériel qu'on pourrait retirer, nous n'aurions pas l'arithmétique et la géométrie. Aussi bien notre intelligence est ainsi conformée qu'elle trouve satisfaction dans la simple connaissance, et même une satisfaction plus grande que dans l'utilité qui en résulte. Platon l'avait déjà remarqué. L'homme y prend conscience de sa valeur propre; il a la sensation de ce qui se nomme : avoir l'intelligence. Les hommes qui ne sentent pas cela doivent envier les bêtes. La valeur intrinsèque que les connaissances tiennent de leur perfection logique est incomparable avec leur valeur extrinsèque, qu'elles tirent de leur application.

                E. Kant, Logique

                Et puisque nous semble dans un lieu dédié principalement à l'informatique : qu'est-ce qu'on s'en fout de savoir si l'arithmétique est cohérente ?. Quoi que là, ce n'est pas la postérité qui a trouvé l'utilité, bien que l'on ne puisse savoir jusqu'où celle-ci ira… \o/

                Sapere aude ! Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

  • # Pots-de-vin

    Posté par  (site web personnel) . Évalué à 10.

    économie : la police de Bangkok (Thaïlande) pour avoir offert plus d'argent aux policiers qui refusent les pot-de-vins ;

    Si j'ai bien compris, le but est d'encourager les policiers à payer un contrevenant pour qu'il tente de les corrompre, puis de refuser, et de partager avec lui la prime d'intégrité ?

    • [^] # Re: Pots-de-vin

      Posté par  . Évalué à 5.

      On peut optimiser encore plus efficacement on choisissant quoi refuser :

      • 1000 baths si tu fermes les yeux sur mon activité de proxénète
      • non (à moi la prime)

      Une semaine plus tard
      - 5000 baths pour fermer les yeux ?
      - ok, va pour 5000

      --> double bingo

    • [^] # Re: Pots-de-vin

      Posté par  (site web personnel) . Évalué à 5.

      Apparemment cette politique n'aurait duré que deux semaines (suite aux réactions médiatiques) et n'a concerné que deux officiers qui ont touché 10000 bahts chacun, dont l'un pour avoir refusé 50 bahts. À noter que le corrupteur risque jusqu'à 5 ans de prison et le corrompu la prison à vie, selon la loi thaïlandaise. (sources 1, 2 et 3).

      • [^] # Re: Pots-de-vin

        Posté par  (site web personnel) . Évalué à 3.

        tout cela pour un peu moins de 500 € o_O

        20000 bahts c'est le salaire minimal pour 1000 heures d'après l'équivalent smic en baht soit de l'ordre de 4 mois de salaire au minimum syndical… Vu comme cela, effectivement…

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