Comme rapporté dans ce journal, EditShare a annoncé mardi la publication de Lightworks en bêta sous GNU/Linux. Lightworks est un logiciel de montage vidéo non-linéaire professionnel utilisé pour le cinéma.
Alors attention, bien que la publication de Lightworks sous GNU/Linux ait été annoncée comme « Open Source » en 2010, il aura fallu 3 ans pour qu'une première publication voie le jour sous GNU/Linux, et en plus elle n'est pas libre. Mais parce que « libre » ne veut pas forcément dire « sous GNU/Linux », on pourrait se poser la questions de son statut sous d'autres systèmes. Depuis trois ans, aucune des versions publiées pour Windows n'ont été libre, non plus.
Plusieurs soupçonnent EditShare de faire de l'OpenSource Washing. Le mal est fait, certains sites spécialisés référencent Lightworks comme un logiciel libre. Pourtant, à moins d'un revirement inattendu, l'avenir de Lightworks n'est pas encourageant pour le libre.
Mais libre ou pas, comme Lightworks est désormais installable sous GNU/Linux, son test devient accessible à beaucoup plus de monde et il pourra inspirer d'autres projets, libres. J'ai essayé pour vous Lightworks !
NDM : merci à Thomas DEBESSE pour son journal.
Sommaire
- Préparatifs
- Lancement de Lightworks
- Création d'un projet
- Importation de fichiers
- Système de fichier
- Espace de travail
- Logique multi-fenêtre
- Salles ou bureaux virtuels
- Dock, fenêtres et miniatures
- Anomalies
Nous allons surtout nous attarder sur son interface et son ergonomie, choses qui peuvent toujours inspirer des projets libres même si Lightworks ne l'est pas.
Note : les copies d'écran recadrées ou redimensionnées sont cliquables et pointent vers leurs versions originales non recadrées ni redimensionnées.
Préparatifs
Je m'étais donc inscrit dès l'annonce en 2010… mais je n'ai jamais pu tester Lightworks. J'avais essayé de l'installer avec Wine, mais même si l'installation se faisait bien et que j'arrivais à lancer Lightworks, je n'allais pas très loin…
Pour tester Lightworks sous GNU/Linux, il faut tout d'abord être inscrit sur leur site, avoir un profil utilisateur assez rempli (par exemple, votre métier et l'outil de montage que vous utilisez actuellement sont des champs obligatoires), puis faire une demande de participation au programme d'essai. Le formulaire demande entre autre la distribution cible. Des dérivés de Debian sont proposés (Ubuntu, Mint). Une fois le formulaire rempli, un courriel est envoyé automatiquement donnant les instructions nécessaires pour télécharger le .deb
. On trouve toutes les informations nécessaires sur www.lwks.com/betas-linux.
Lightworks n'est pour le moment compilé que pour l'architecture x86_64. Lightworks recommande d'utiliser une carte graphique ATI ou nVidia avec le pilote propriétaire tout en conseillant nVidia. D'ailleurs, le paquet dépend entre autre du paquet nvidia-cg-toolkit
. Bon, j'ai testé pour vous avec une carte graphique Intel et son pilote libre et ça marche. Cependant prenons garde, c'est la toute première publication de LightWorks pour GNU/Linux, en version bêta et pour test uniquement… soyons excessivement prudent !
Alors que l'on télécharge le paquet, on apprend que le test est limité à 7 jours, renouvelables à chaque fois que cette limite est atteinte. On prend également connaissance d'une longue liste de fonctionnalité manquantes, comme l'absence de gestion du Firewire, et la non gestion de codec populaires en export, ce qu'il faut probablement imputer d'une part à la nature de cette version bêta, mais surtout aux brevets logiciels. Les codecs peuvent-être achetés séparément.
Nous allons donc tester Lightworks ensemble. Nous nous attarderons surtout sur son interface et comment est pensé le métier d'édition vidéo avec un tel logiciel, parce c'est ce que je trouve le plus intéressant à étudier ! L'étude de ce projet pourra donner des idées à ceux qui développent des logiciels de montage, mais aussi à ceux qui développent des environnements de bureau.
Lancement de Lightworks
Une fois Lightworks téléchargé, installé, et lancé, il demande le nom d'utilisateur et le mot de passe utilisé sur le site et tente de se connecter au serveur :
En cas de succès, on obtient un ticket de 7 jours pour tester, ticket qui peut être renouvelé :
Lightworks peut être configuré pour interpréter les raccourcis clavier d'Avid ou de Final Cut Pro, n'étant habitué ni à l'un ni à l'autre, je vais laisser l'agencement par défaut :
Création d'un projet
Ensuite on crée un projet pour lequel on nous demande de renseigner le nom et le nombre d'images par seconde ( frame rate ) :
Attention c'est très important, les vidéos d'un frame rate différent ne pourront pas être importés.
Importation de fichiers
Dès la création d'un projet, l'interface d'importation de fichier s'ouvre.
On remarque que les chemins « pertinents » sont bien gérés (raccourcis de l'environnement de bureau, média amovibles…) ; EditShare semble avoir le souci de respecter les « bonnes pratiques » du bureau sous GNU/Linux :
On remarque que plusieurs manières d'importer les fichier existent telles que faire un lien, faire une copie locale, ou encore transcoder :
On note également sur cette copie d'écran que le clip à 30 images par seconde (ips) est indiqué en rouge alors que les clips à 25 ips apparaissent normalement. En effet, le projet est à 25 ips et ce clip ne pourra pas être importé :
Système de fichier
On remarque que, par défaut, Lightworks stocke les données dans $HOME/Lightworks
. J'ai vu que certains chemins peuvent être changés ; je n'ai pas testé.
On remarque également que les liens (lors de l'importation de fichier) ne sont pas des liens symboliques, certainement pour être agnostique au sujet de la manière de faire des liens, en prévision d'une cohabitation Windows & Mac OS X & GNU/Linux.
Un lien Lightworks est un fichier binaire qui contient, entre autre, le chemin du fichier cible :
illwieckz@montage ~ $ strings ~/Lightworks/Media/Material/V90100G7.avi | head -n 1
/media/illwieckz/rush/tuuuut.avi
Espace de travail
Nous importons déjà des fichiers mais nous allons un peu vite… attardons nous un peu sur l'interface, nous sommes avant tout en visite :
Nous sommes donc devant l'espace de travail de Lightworks, qui s'affiche en plein écran et reproduit donc un environnement de bureau complet : fenêtrage, dock, etc.
Ce n'est pas une surprise, on retrouve ce genre de comportement chez d'autres outils professionnels, comme Blender (mais avec un fenêtrage en tuile pour ce dernier).
On remarque en bas de l'écran une barre d'outil vidéo et de navigation (lecture, avant, après, remplacer, insérer, supprimer) qui est globale à toutes les fenêtres :
Je ne sais pas si c'est très pratique, mais comme je peste déjà contre les menu globaux à la Mac OS trouvant cela anti-ergonomique à l'encontre de tant d'avis contraires… Avoir les boutons si loin n'est pas très pratique.
Cependant, il faut voir que Lightworks s'utilise habituellement avec une console ou bien avec des raccourcis clavier, et donc ne pas encombrer chaque fenêtre de ces boutons n'est pas une mauvaise idée…
Dans tous les cas, ces boutons sont toujours au dessus des fenêtres.
Logique multi-fenêtre
Tandis que nous lisons nos clips, une fenêtre « _Video Analysis_ » peut nous montrer diverses analyses de l'image d'un clip lu dans une autre fenêtre :
Ce qui fait qu'au moins trois fenêtres peuvent concerner la lecture d'un même clip : le rendu du clip lui-même, son analyse, et la fenêtre de contrôle.
Si la logique est plutôt au multi fenêtre, avec couramment une fenêtre pour l'affichage d'un clip et une autre pour le contrôle, les fenêtres d'un même clip sont entourées d'un même liseré coloré :
Salles ou bureaux virtuels
Chaque projet possède des salles ( Rooms ), qui sont en fait des bureaux virtuels. Leur gestion fait penser à ce que fait Gnome Shell, la création des salles est dynamique :
Dans le gestionnaire de projet, chaque projet affiche un miniature de la salle en cours, et on peut ouvrir un projet directement dans une salle voulue. Les salles sont donc propres à chaque projet et leur contenu est persistant. De même, la salle en cours pour un projet est une information persistante :
À noter que les menus sont des fenêtres qui peuvent être épinglées, cela rappelle certaines ergonomies qu'on voit de plus en plus rarement :
Dock, fenêtres et miniatures
Question gestion de l'espace de travail, on retrouve plusieurs idées reprises de plusieurs bureaux :
Les icônes du dock peuvent être déplacées sur le bureau, mais contrairement aux ergonomies de bureaux habituelles, elles sont toujours au dessus des fenêtres. C'est original.
Tout n'est pas très cohérent. Par exemple, certaines fenêtres se réduisent en une icône ; ce sont des fenêtres qui ne peuvent avoir qu'une seule instance, comme l'outil d'importation de fichier et la calculette. Mais certains icônes disparaissent lorsque la fenêtre est ouverte (comme la calculette) cela signifie que leur réduction sera une icône. Certaines icônes ne disparaissent pas lorsque la fenêtre est ouverte, cela signifie que la fenêtre ne peut être que fermée et non réduite (comme l'outil d'importation de fichier). Les fenêtres qui peuvent avoir plusieurs instances (comme le lecteur de clip) se réduisent en une barre de titre repliée. La gestion des fenêtres réduites se fait donc « en bazar », il n'y a pas de barre d'icônes et le dock n'est qu'un lanceur. On devine une certaine logique, mais c'est un peu fouillis à utiliser.
Anomalies
Je ne suis pas allé jusqu'au montage d'un vrai film et son export. La principale cause est la présence d'un fâcheux dysfonctionnement concernant la synchronisation du son et de l'image. Sur quelques capture d'écrans précédentes vous auriez remarqué que parfois la bande son n'était pas présente sur les pistes, et sur la copie d'écran suivante, vous verrez que la bande son est anormalement plus courte que la bande vidéo :
Nous remarquons d'ailleurs, au passage, que les pistes ne montrent ni les miniatures pour les pistes vidéo, ni une forme d'onde sonore pour les pistes audio. C'est dommage, mais peut-être que ça viendra. En tout cas, les pistes de fichiers différents ont des couleurs différentes et ça c'est pas bête :
Ce test n'a donc pas exploré toutes les facettes du montage avec Lightworks, mais déjà nous avons étudié une interface et une ergonomie originale, dont certains aspects pourront inspirer nombre de projets libres…
Aller plus loin
- Journal à l'origine de la dépêche (166 clics)
# Merci
Posté par Yves (site web personnel) . Évalué à 3.
Merci pour ce test ! Cela a dû prendre pas mal de temps.
Si tout n'est pas parfait dans ce logiciel, on note tout de même de très intéressants choix ergonomiques :-)
# LW test
Posté par david_stoned . Évalué à 2.
Superbe syntaxe de l ergonomie du Soft. Je l utilise depuis pas mal de temps sous sa version DOS puis Windows. Il est vrai qu il y a toujours eu des buggs, et la partie Import et export sont des points faibles.
Par contre le modele d edition permet tout et la gestion des plans audio est video est un modele, On peut gerer des milliers de plans sans pb. A noter que ce soft sans sa console de montage perd de son charme.
Utilisez le il gagne a etre connu.
[^] # Re: LW test
Posté par Sylvain . Évalué à 5.
Et il gagnerait à être libre aussi…
# Un nouveau gestionnaire de fenêtres ?
Posté par vpinon . Évalué à 7.
Pourquoi investir de l'énergie à réinventer un environnement de bureau alors qu'on attend un logiciel de montage ?
Si l'utilisateur est habitué à ses réglages Gnome, Awesome, ou même MacOS ou Windows 8, je ne vois pas l'intérêt de le faire se réadapter à une autre ergonomie, forcément discutable (questions de goûts).
Alors plutôt que de donner sa chance à un éditeur qui met en place toutes les pratiques les plus irritantes (désinformation, traçage des utilisateurs, bridage), je préfère rappeler que les logiciels vraiment libres comme Kdenlive ont atteint une maturité tout à fait satisfaisante pour l'amateur chevronné, et même pour les professionnels dans bien des cas.
Grâce à MLT/ffmpeg aucun codec ne manque, grâce aux greffons frei0r on dispose d'une myriade de filtres, grâce à Qt l'interface s'intègre bien dans tous les environnements, et grâce au développement ouvert on peut ajouter les fonctions qui manquent (éventuellement moyennant sponsoring).
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