NdM. : il s'agit d'un texte d'opinion soumis par un de nos visiteurs, sous licence Art Libre (LAL).
« "L’Art par tous" alternative à "la culture pour tous"… pour une société de l’échange. »
Les questions de rémunération sont bien moins cruciales que la crise du lien social qui s’annonce et qui commence à séparer l’auteur de l’humanité. « Les ressources ne peuvent être que mondiales » rappelle Albert Jacquard dans un article de rue89. Si l’art est une ressource mondiale, elle ne peut être considérée comme une propriété privée. Si la durée du droit d’auteur a toujours été limitée, c’est bien que le privilège accordé aux créateurs a toujours été considéré comme un prêt et non comme un dû.
La suite en seconde partie de la dépêche.
Dans un contexte où les dépenses dues au logement conduisent les ménages à des privations quotidiennes, affectant des postes essentiels tels que l’alimentation ou la santé, est-il juste d'appeler les français à « compenser plus » pour maintenir une économie culturelle qui leur devient étrangère faute de ressources suffisantes ? En témoigne la Carte Musique Jeune évaluée à 25 millions d’euros quand, dans le même temps, toutes les études pointent la précarité grandissante du monde étudiant.
Les salaires ont augmenté moins vite que certains produits de consommation. Pourrait-on alors induire que la baisse d’achat des produits culturels ne provient pas du piratage mais tout simplement d’une baisse du budget des ménages ?
Il a été maintes fois démontré que la crise de l’industrie culturelle dans le secteur de la musique était bien plus liée à son incapacité à avoir su proposer des produits à valeur ajoutée anticipant la fin du disque au profit des différents smartphones et tablettes numériques… Est-ce aux français de payer les erreurs de positionnement de ce secteur, dans un contexte où le budget des ménages est fragilisé ?
Belle alternative offerte par les politiques : taxer encore les Français ou les réprimer. Pour soutenir qui ? Pour soutenir quelle production ? Quels auteurs ?
Du point de vue de l’intérêt général « si pertes de l’industrie culturelle il y a », n'ont elles pas été largement compensées par les apports de projet comme Wikipédia ?
Encore faudrait-il reconnaître que toute production artistique est issue d'une aventure collective, il n'y a pas d'art sans altérité.
L’effort des ménages pour soutenir la création est déjà conséquent : à la part payée via l’impôt sur le revenu, s’ajouteNT la taxe sur la copie privée à l'assiette en constante augmentation (également payée par les personnes au RSA), la redevance sur la télévision (3122,8 millions d’euros en 2010), les avances sur recette pour le cinéma. Ces efforts fiscaux et parafiscaux consentis par les français sont à sens unique. Les films produits à l’aide de l’avance sur recette, sur des fonds liés à la redevance sur la télévision, par les régions via les impôts locaux et sur des produits financiers défiscalisés, ne sont jamais diffusés sous une licence libre à défaut de pouvoir être élevés dans le domaine public. Des films produits à 90 % ou 100 % par des fonds publics ou parapublics restent la propriété privée de producteurs.
« Non, vraiment, le partage non-marchand n’est pas une anomalie » rappelait dernièrement Philippe Aigrain sur son blog à Aurelie Filippetti et Fleur Pellerin, affirmant que « Les deux responsables socialistes semblent partager une conviction qui devient une sorte de maladie sénile de la social-démocratie en crise, selon laquelle les activités de ventes de biens numériques (et des services équivalents) seraient la mesure ultime de l’intérêt général en matière culturelle. »
L’expression « partage non marchand » inféode indirectement les conditions de partage « aux marchés »… À la différence de la « Licence Art Libre » qui se propose d’être un art de l’usage dans une économie de l’échange. (source)
Il est intéressant de rappeler qu’en 1936, au début du Front Populaire, dans un contexte de crise sociale, les réponses en terme de politique artistique étaient différentes, voire aux antipodes… Jean Zay (ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts), tout en démocratisant l'accès au livre, proposa que la durée des droits après la mort de l’auteur soit limitée à 10 ans.
D'autres politiques des « beaux-Arts » doivent émerger, encourageant les nouvelles pratiques issues du mouvement du « copyleft ».
L’avènement de l’imprimerie a permis à chacun de « pouvoir lire », Internet a permis à chacun de « pouvoir écrire ». On aurait pu penser que ce phénomène serait soutenu, amplifié par les hommes politiques se référant à l’éducation populaire où aux siècles des Lumières. Il n’en a rien été. L’auto-édition est déniée.
Nous n’avons certainement pas tous la vocation d’être des auteurs, mais n’oublions pas que l’école nous a ouvert la voie pour le devenir.
Une société qui admet que tout citoyen est un auteur n’a pas pour vocation de promouvoir la culture pour tous mais l’Art par tous. De fait, le libre accès à l’art n’est pas une anomalie c’est une condition première pour soutenir une société de l’échange.
La numérisation des écrits, des photographies, des films, permet à tout un chacun d’éditer son travail artistique sur Internet. Il n’y a pas de limite à l’auto-édition, pas de filtres, pas d’éditeurs, pas de programmateurs, pas de commissaires d’exposition. Des œuvres d’art peuvent êtres diffusées, copiées, transformées, vues par des millions de personnes. Sur Internet le public est libre de faire ses propres choix esthétiques, les interactions, la médiation, entre une œuvre et son public, n’est pas prise en charge par des institutions publiques ou privées.
« L’Art par tous » à l’opposé de « la culture pour tous » fragilise les modèles visant à instaurer des produits culturels standardisés. Il n'y a plus de consommateurs de culture, il y a des amateurs d'art.
Dans un contexte de crise social généralisée, où un musée en Europe brûle des œuvres d'art pour protester contre des coupes budgétaires, il est intéressant de mettre en parallèle l'arrêt de financement des écoles de musique par les DRAC avec les 70 millions versés par l’État à la HADOPI. Et si l'on peut affirmer que les écoles de musique contribuent à faire émerger les auteurs de demain, peut-on en dire autant de la HADOPI ?
Le projet de partage de l'art pour tout être humain est un enjeu de société qui ne peut être laissé aux mains des industries culturelles et des politiques.
La plupart des partis politiques ont séparé les enjeux du numérique et les enjeux de la culture, au sein de commissions distinctes. Cela a pour effet de cliver « les électeurs » en fonction des différents groupes de pression… Tel référent « numérique » pour l'Association de la Promotion et la Recherche en Informatique Libre, tel autre « culture » pour les sociétés d'auteurs. À ce jeu, la démocratie devient un jeu de pouvoir d’influence.
Cette fragmentation des espaces de pensée entre le numérique, la culture et le juridique en vient à empêcher toute position sur des choix de société où l’intérêt général prime sur les intérêts particuliers.
Quoi d’étonnant, dans ces conditions, d'entendre Corine Ruffet d'EELV, lors de la table ronde « La musique s’invite dans la campagne », affirmer devant des lobbies pro-Hadopi : « l’utilité d’une police mondiale contre le piratage » alors que EELV via Fred Neau après la rencontre d’Eva Joly et Richard Stallman proposait « la légalisation du partage sur Internet » ? Étant entendu que la légalisation du partage entraîne la fin de toute activité "de piratage".
À cette même table ronde, le PS via Christophe Girard, affirmera que François Hollande n’abolirait Hadopi que si le volet répressif de l’HADOPI était maintenu, et si l'on éduquait les jeunes générations « aux dangers » du piratage. Quand au Parti de gauche, il proposa la mise en place d’une plateforme d’État de diffusion des artistes. Le PG en est encore à penser Internet à l’heure du Minitel. Nous n’évoquerons pas les propos de l’UMP qui sont bien connus et inchangés. Les autres partis bien qu’invités n’ont pas participé à cette table ronde.
Les lobbies des industries culturelles ont réussi a gagner « la bataille idéologique » vis-à-vis des politiques. Ils ont réussi à dénaturer les valeurs de partage de la connaissance qui sont la matrice de la république française depuis les Lumières.
La bataille « du partage de l’art » ne se mènera donc pas dans les urnes, les lobbies des industries culturelles ayant réussi dans tous les partis à faire admettre « leur signifié » « le partage non-marchand » devrait être « réprimé « ou « compensé ».
Tant que les enjeux de l'art et de la culture seront traités, au sein des partis politiques, dans une négation « du public », les processus de transformation sociale se feront hors des partis politiques.
Tous auteurs, tous citoyens, tous politiques.
Aller plus loin
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# Le libre et la gratuité
Posté par psychoslave__ (site web personnel) . Évalué à 4.
Je viens justement de poster un journal dont le sujet est le libre et la gratuité.
Je vous invite à le lire, à présenter vos avis, vos critiques, ou encore mieux à l'améliorer la copie wikifié.
# partage non-marchand et police du Net
Posté par mox . Évalué à 2.
salut,
je précise donc (on en a déjà débattu sur
identicatwitter ;-P) que le propos de Corinne Rufet visait à préciser que :oui nous (EELV / Eva Joly) sommes pour la légalisation du partage non-marchand (et à ma connaissance le seul parti politique à le proposer). Il faut vraiment lire le livre de Philippe Aigrain [dispo en librairie et libre en ligne], amha.
cela n’empêchera pas de mener des actions contre les "mafias" qui organisent des circuits financiers illégaux sur le dos de la création.
Dans un débat avec Eric Walter (SG d'Hadopi) et Laure de la Raudière, j'ai d'ailleurs précisé que cette lutte se fera en remontant les filières de l'argent (système "classique" pour poursuivre les mafias) et non en fliquant le Net, comme ça semble être devenu le réflexe des démocrates + ou - convaincus, de Sarkozy à Obama en passant par feu Khadafi.
sur ce, votez librement dimanche !
Fred Neau
[^] # Re: partage non-marchand et police du Net
Posté par Jérémie Nestel . Évalué à 4. Dernière modification le 21 avril 2012 à 06:57.
Fred, Je suis très inquiet, j'ai l’impression qu'EELV dans tes propos, prend des concepts que vous ne maîtrisez pas. J'étais très heureux quand Eva Joly a rencontré RMS, maintenant je me demande si ce n'était pas juste un coup de communication.
Voilà les réactions de Benjamin Bayart, suite à la fermeture de Megaupload :
http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/megaupload-l-hadopi-contre-benjamin-bayart-20-01-2012-1421508_47.php
"
Benjamin Bayart :
"Premièrement, la fermeture de Megaupload n'a rien à voir avec les lois Hadopi, Sopa, Pipa ou Acta dont on parle beaucoup ces derniers temps. C'est du bon droit à l'ancienne qui a été appliqué, et cela prouve donc que ces lois idiotes et liberticides sont inutiles (…)
Ce qui est sûr, c'est que Megaupload est traité par les autorités comme la grande délinquance, comme un cartel de la drogue. Même les réseaux de prostitution ne sont pas traités de la sorte (…)
Il y a un moyen naturel et normal de partager des données, qui est l'échange entre particuliers sur Internet. On essaie aujourd'hui de l'empêcher, et cela mène automatiquement à des dérives mafieuses. On retrouve le même mécanisme qu'avec la prohibition aux États-Unis, et Al Capone qui en a profité ! "
Par ailleurs quand la quadrature du net affirme (http://www.laquadrature.net/fr/megaupload-l-industrie-du-copyright-en-guerre-contre-les-creatures-qu-elle-a-enfante) : "MegaUpload est un sous-produit direct de la guerre menée contre le partage pair à pair hors-marché entre individus. Après avoir promu une législation qui a encouragé le développement des sites centralisés, les lobbies du copyright leur déclarent aujourd'hui la guerre."
Ne peut on penser que les vrais mafieux, c’est cette industrie du disque, et ses réseaux politiques, financiers …
De fait affirmer devant "un lobby du copyright" : "Je suis pour une police mondiale contre le piratage", c'est directement s’inféoder au lobby du divertissement.
Étant entendu que la légalisation du partage supprime toute économie mafieuse liée aux téléchargements "illégaux d’œuvres copyright".
Pourquoi ne pas avoir condamné ces propos officiellement en affirmant que les partis politiques n'avaient pas à combattre les mafias que généré l'industrie du disque, et que si "des polices mondiales" devaient voir le jour, d'autres crimes plus graves que le téléchargement de fichier devrait être combattu. "
Affirmer cela à cette réunion des lobbyistes de l'industrie du disque est grave, c'est faire leur jeu. Pour moi ce n'est pas sans conséquence.
(http://www.pcinpact.com/news/70168-hadopi-ump-ps-touspourlamusique-presidentielle.htm)
[^] # Re: partage non-marchand et police du Net
Posté par gasche . Évalué à 5.
Je n'ai rien compris. Qui dit quoi et cite qui pour prendre quelle position ? Je n'arrive même pas à savoir quelle partie de ton message est une citation¹. Quel est le lien entre Benjamin Bayart (je ne connais pas), la Quadrature du Net et le parti EELV ?
¹: imbriquer plusieurs niveaux de citations parenthésés avec des guillemets n'est pas une idée lumineuse. LinuxFR supporte (une variante de) la syntaxe Markdown qui permet de faire des citations imbriquées lisibles.
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