Je profite de la création de France brevet, un institut public pour aider les PME à déposer des brevets, pour revenir sur le sujet. Le but expliqué sur BFM, est que les PME, utilisant le monopole que donne un brevet puissent fixer de meilleur prix, comme les PME allemandes, qui elles, misent sur la qualité ( http://www.agglotv.com/?p=15499 )
Pour mémoire, les brevets ont été créés pour combattre le secret de fabrication. L’invention est publiée contre un droit d’exploitation exclusif. Le but initial est de rémunérer les inventeurs, tout en diffusant la connaissance en vue d’amélioration plus rapide de l’innovation, moteur de croissance économique.
Pourtant une série de faits démontre que le système est maintenant perverti, surtout en informatique :
15% des montants de R&D US seraient maintenant utilisés pour la gestion juridique des brevets
Dans le logiciel, un détenteur de pool de brevet comme le MPEG-LA peut interdire l’interopérabilité, prévue par le droit d’auteur, en utilisant le droit spécifique des brevets. C’est donc un moyen de contourner le droit d’auteur.
Les grosses entreprises peuvent se comporter comme si les brevets logiciels n’existent pas, car leur portefeuille de brevets est si vaste que n’importe quel concurrent violent forcément l’un d’entre eux. Ils peuvent donc utiliser tout brevet contre un accord de licence croisé ou écraser le petit concurrent avec un procès.
Un seul type de petite société peut survire : les sociétés d’inventeurs qui ne font rien de plus qu’acheter des portefeuilles de brevets et en vendre des licences. Ne produisant rien, les grandes entreprises n’ont pas d’angle d’attaque. On les appelle les « patents troll ». Elles ne font pas forcément de recherche, mais les licences font augmenter le prix du produit final.
Pour favoriser l’innovation, le système de brevet permet de déposer un nouveau brevet qui est une amélioration d’une technique brevetée. C’est également un bon moyen pour qu’une entreprise contourne le brevet d’une autre, s’il dispose des services de meilleurs avocats en PI pour l’écriture du nouveau brevet.
Lors des cours de management d’IAE en France, on rappelle qu’un procès en violation de brevet dure 3 ans et coûte 1M€. Dans le cas d’une startup, la société a largement le temps de mourir. Les professeurs conseillent donc de dépenser de l’argent en brevet uniquement si la société a les reins assez solides pour aller en justice.
La plupart des employés des grandes entreprises US (google, microsoft…) ont interdiction de regarder les bases de brevets. Il est ainsi plus facile de démontrer sa bonne foi lors d’un procès en violation.
Beaucoup de centres de recherche publique sont en contrat avec le privé, cela pousse à certain d’entre eux à ne plus publier de papier de recherche, mais de ne publier uniquement au travers des brevets. Cela pousse les moteurs de recherches de papiers scientifiques à aller scruter les bases de brevets, ce qui interdirait de fait au salarié de grand groupe à aller lire les publications scientifiques.
L’Office Européen des Brevets, contenant 38 pays, n’est pas soumise au contrôle du parlement européen. Il a donc une grande liberté dans ses décisions. Un détenteur de brevet ayant une redevance à payer chaque année, l’OEB n’a aucun intérêt à refuser un brevet et peut donc réduire à loisir les « vérifications ». Or une fois le brevet accepté, seul la justice peut trancher en cas de litige.
Je laisse le soin aux lecteurs de trouver les sources de tout cela.
# Que font les politiques ?
Posté par Gesmas . Évalué à 4.
Les droits intellectuels sont un enjeu majeur du mode de fonctionnement capitalistique et postproductiviste qui règne dans nos sociétés. Je suis très étonné, et c'est un euphémisme, du manque d'intérêt des politiciennes et politiciens pour le sujet. « Au mieux », ils se contentent de quelques prises de position sur la violation des droits d'auteur par le citoyen anonyme et soutiennent des mesures plus ou moins coercitives.
Les organismes délivrant les brevets semblent n'être tenus qu'à des impératifs de protectionnisme économique. Ils semblent également oublier qu'on ne peut pas breveter des idées, ce constat est particulièrement valable dans les brevets liés à l'informatique. C'est d'autant plus choquant que ces dérives – entre autres mentionnées dans le journal – pénalisent l'innovation et un fonctionnement équilibré des entreprises commerciales, y compris les grands groupes industriels.
Sans vouloir une grande réforme, il conviendrait de réfléchir et mettre en œuvre une politique cohérente dans les différents dispositifs législatifs encadrant les productions intellectuelles avec un équilibre entre l'auteur, l'éditeur et la société. Cet équilibre est d'autant plus souhaitable que fondamentalement on ne peut se passer de l'une des parties.
(J'entends par auteur tout créateur quelque soit la discipline intellectuelle ou artistique ; l'éditeur étant l'intermédiaire ayant un rôle plus ou moins technique entre l'auteur et la société ; la société étant l'ensemble des citoyens. Bien entendu, une même personne peut-être les trois)
[^] # Re: Que font les politiques ?
Posté par Serge Julien . Évalué à 2.
Je crois que tu touches là le nœud du problème. À mon avis, un élément de réponse est tout simplement le manque d'information.
Les responsables politiques devraient dans l'idéal se renseigner sur les matières qui sont de leur ressort. Mais souvent, je pense que la tâche est trop ardue et qu'ils font alors appel à des conseillers. Lesquels sont à leur tour conseillés par des représentants du monde économique, qui a donc des leviers d'action.
Ce lobbyisme n'est pas nécessairement une mauvaise chose en soi, mais le problème est que le citoyen lambda n'a pas de lobbyiste pour faire entendre sa voix. Ce qui conduit au paradoxe suivant: élus par le peuple, les représentants politiques prennent des décisions qui vont souvent à l'encontre de l'opinion de la majorité de leurs électeurs.
On en revient toujours au problème de la visibilité de tout ce qui n'est pas influent dans la sphère économique ou financière...
# Commentaire bookmark
Posté par Pol' uX (site web personnel) . Évalué à 4.
http://blog.usinenouvelle.com/innovation/financement/quelle-difference-entre-france-brevets-et-un-patent-troll/
Adhérer à l'April, ça vous tente ?
[^] # Re: Commentaire bookmark
Posté par j_kerviel . Évalué à 2.
Un autre qui va dans le même sens : http://www.numerama.com/magazine/19011-france-brevets-fait-de-l-etat-un-marchand-de-propriete-intellectuelle.html
# Plaidoyer
Posté par El Titi . Évalué à 3.
Revoir cet excellent papier sur la PI et les brevets
http://www.euro92.com/acrob/lemennicierbrevets.pdf
# À ce sujet
Posté par ploum (site web personnel, Mastodon) . Évalué à 1.
Un excellent article de Rick Falkvinge, fondateur du Parti Pirate Suédois:
http://falkvinge.net/2011/06/09/startup-investors-patents-are-a-cancer/
Mes livres CC By-SA : https://ploum.net/livres.html
# Lisez brevets logiciels
Posté par Benjamin Henrion (site web personnel) . Évalué à 1.
http://www.agglotv.com/?p=15499
"Le domaine d’intervention prioritaire du fonds sera dans un premier temps les nouvelles technologies de l’information et de la communication"
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