1) La situation ne pourrait être plus différente. Salk était professeur d'université, il était payé pour réaliser ses travaux (il ne s'agissait pas d'un investissement en R&D).
2) Il a volontairement abandonné son brevet, ce qui reste tout à fait possible (si une grande boîte phrama veut laisser tomber ses brevets, elle peut le faire). Ça n'a rien à voir avec une intervention de l'état qui invaliderait un brevet légalement déposé.
3) Paradoxalement, je pense que cet exemple démontre presque le contraire de ce que tu souhaites probablement faire passer : en effet, après ce genre de choses, on a quasiment arrêté toute recherche pharmaceutique finalisée dans le public. Je ne sais pas s'il y a un un lien de cause à effet, mais en tout cas c'est la réalité. D'ailleurs ça ne serait plus possible actuellement, en France par exemple, un employé public ne peut décider de mettre sa découverte dans le domaine public, et ça m'étonnerait fort qu'un organisme de recherche ou une université s'asseoit sur une ressource potentielle… Donc en effet, il est probable que ce genre de choses ait fini par avoir eu un impact négatif à long terme sur la recherche publique.
Au passage, le versement de royalties des boites pharma vers d'État pourraient contribuer à un transfert de fonds bienvenu entre les utilisateurs de la recherche académique et les universités qui produisent la connaissance. Si les brevets de l'État sont libres, c'est bien pour l'économie et pour la santé publique, mais c'est beaucoup moins bien pour la perennité des organismes de recherche…
Bah en fait, dès qu'il y a un investissement important avec un amortissement sur du long terme, tu risques quand même de destabiliser complètement l'économie en jouant avec les durées de protection. Si tu les raccourcis, tu peux provoquer des faillites comptables; si tu les prolonges, tu vas artificiellement permettre la survie de boîtes qui avaient mal investi, et donc pénaliser celles qui avaient bien calculé leur coup.
Les effets secondaires peuvent être assez pervers; par exemple, s'il devient habituel de lever la protection sur les brevets en cas de nécessité sanitaire, il semble logique que les boîtes vont intégrer ce risque et augmenter les prix des médocs au début de l'exploitation d'une nouvelle molécule.
Après, j'avoue que je ne sais pas exactement de quoi on parle. Est-ce que c'est "open bar" sur la production d'un vaccin entier, est-ce que c'est une obligation de licencier les brevets en échange de royalties calculées par un organisme neutre, est-ce que c'est un rachat du brevet par les États…
Sur le fond, j'ai aussi l'impression que c'est un débat entre ce qui est plus important entre l'état de droit et la réparation des injustices. C'est à mes yeux un faux dilemme, et je n'aime pas du tout l'idée que la réparation des injustices sociales et économiques implique de casser l'état de droit. On oublie tellement l'importance de l'état de droit, c'est comme l'air qu'on respire, il est là, et on ne le voit pas. Du coup, s'il y a des gens qui crèvent de soif, on en vient à dire "l'air on s'en fout, on peut faire une exception, ce qui est important c'est l'eau". Et c'est le genre de trucs qu'on regrette vite…
Bref, oui, les boîtes pharma s'en foutent plein les poches (même si ça n'est pas sur les vaccins qu'elles vont s'en foutre plein les poches), oui il y a des inégalités, mais non, la solution n'est probablement pas d'aller arbitrairement prendre des trucs aux méchants pour les redistrbuer aux gentils, parce que 1) on va vite s'apercevoir que les boites vont essayer de se mettre à l'abri de ce genre de trucs (par exemple, arrêter de travailler sur des molécules qu'on aurait envie de nationaliser, alors que c'est exactement ça qu'on voudrait qu'elles fassent et qu'elles ne font déja pas assez), et 2) parce qu'après les boîtes pharma, ça pourrait bien être d'autres boîtes, puis les particuliers riches, puis les particuliers moins riches… Si on veut redistribuer les ressources, il faut mettre au point des lois qui permettent cette redistribution de ressources, et pas permettre à des gens de s'enrichir légalement puis d'aller leur reprendre des choses après coup. Rien à voir avec pleurer sur le sort des riches (ils ne sont pas du tout à plaindre), c'est pour moi le même principe que de garantir un procès équitable aux pédophiles, c'est quelque chose qu'on se doit de faire dans une société qui fonctionne bien.
Il n'est pas non plus difficile d'imaginer que FB et consors ne veulent pas qu'on sache comment on est catalogué dans leurs systèmes.
C'est possible, mais légalement, ils n'ont pas le choix. L'article 15 de la RGPD te donne accès à toutes les infos qu'ils ont sur toi (mais pas forcément la structure de leur base de données).
Non, on ne peut pas le "remarquer". On est sur linuxfr, et on peut supposer que la majorité des lecteurs du site protègent un minimum leur vie privée, rendant l'établissement d'un profil correct plus difficile.
C'est possible mais ça n'est pas garanti. D'une, à moins d'etre très, très, très prudent, il est probable que la quantité d'informations qu'ils possèdent sur la plupart d'entre nous est largement comparable à celle d'une personne "normale" qui ne passe pas sa vie sur Internet (même si on lâche moins d'infos par visite, on visite probablement beaucoup plus de sites); de deux, je suis un lecteur du site et j'utilise volontiers les produits de Google par exemple (gmail, google docs, google maps…) parce que ça juste-marche, et de trois, on peut faire attention sur un PC, mais sur un téléphone, c'est beaucoup plus compliqué d'éviter les pubs et le tracking. Donc au final, je ne suis pas certain qu'il y ait une vraie différence qualitative entre les lecteurs de Linuxfr et les gens "ordinaires".
Bah on n'en sait rien, c'est un peu le problème. Mais quand même, à quoi servirait de te balancer des pubs mal ciblées si en fait les données étaient exactes? À te rassurer et à te faire croire qu'en fait ils ne savent rien sur toi alors qu'ils savent tout?
Prétendre qu'ils savent tout sur le gens, c'est leur argument de vente publicitaire. Facebook a tout intérêt à convaincre les annonceurs que leurs informations sont exactes. Quelque part, le discours "ils savent avant toi quand tu es malade, quand tu es enceinte, et quand tu vas changer de voiture", c'est à la fois relayé par les associations qui défendent la vie privée, et par les publicitaires! Et aucun des deux n'a intérêt à relayer un message plus nuancé.
Quelque part, l'idée que tout ça est pilotée par le pognon, ça peut aussi, paradoxalement, être rassurant. Il y a toujours eu quelque chose qui m'a étonné par exemple, c'est qu'au vu du coût du stockage, garder autant d'informations sur autant de gens revient à une blinde. Je suis bien d'accord que l'historique de mes achats sur Amazon, c'est de l'or en barre pour chaque ko de données. Mais mes traces GPS, mes logs de connexion à tous les sites qui ont un tracker Twitter ou Facebook, les liens sur lesquels j'ai cliqué… Des Go de données brutes, avec un fort taux d'erreurs ou d'informations obsolètes, ça fait quand même des centaines de $ par an et par individu. Il faut ensuite valoriser ça sous forme de publicités, et que les consommateurs de publicité transforment ça en revenus sur les achats des gens. Il y a donc une limite, une quantité de données au-delà de laquelle le retour sur investissement est impossible. On vit certainement actuellement une sorte de bulle spéculative; typiquement, la capitalisation de Facebook est aux alentours de 500 Mrds €, ce qui représente 100€/être humain, et probablement 500€ par être humain capable de consommer. Le marché de la pub en France, c'est 12 Mrds €, donc < 200€ par personne et par an. Autrement dit, le profil d'un consommateur français chez Facebook est valorisé à 3 ans de publicité totale qu'on peut espérer refourguer à un individu. Ce n'est pas du tout mon domaine de compétences, mais je pense que rationnellement, on n'est pas loin d'une situation débile où le prix où les investisseurs valorisent la pub est supérieur aux revenus qu'on peut tirer d'une campagne publicitaire.
Typiquement, le moindre octet utilisé pour stocker mon ascendant astrologique, c'est un octet "négatif". Un agent rationnel qui me piste suffisamment pour comprendre qu'il n'arrivera jamais à me vendre un truc ésotérique devrait donc supprimer cette information. C'est cet équilibre qui fait que je pense que ces grosses boîtes n'ont que des informations partielles et superficielles sur les gens: pas nécessairement parce que c'est impossible, mais plutôt parce que ça serait trop coûteur de tout stocker, corriger, et analyser.
C'est quand même pas très détaillé. Le paragraphe parle surtout de la rapidité et de la versatilité du processus. Mais sur le fond, on est d'accord : c'est tout à fait faisable de passer à une production massive, c'est même que ce Pfeizer et Moderna ont fait en quelques mois, en investissant quelques centaines de M€ et en construisant et en agrandissant des usines.
On a des médicament a arn depuis 2018 en Europe
Mais de toutes manières, on est d'accord que c'est industrualisable; d'ici fin 2021 on aura produit des milliards de doses de vaccins. Mais c'est juste qu'en un an, il fa fallu multiplier les capacités de production par quoi, 1000 ou 10000? C'est un vrai défi industriel, et les acteurs principaux du marché s'en tirent plutôt honorablement. Ça ne veut pas dire que le monsieur directeur d'usine au Bengladesh n'est pas en train de pipeauter quand il prétend pouvoir démarrer la synthèse dans la semaine et produire un milliard de doses dans l'année—c'est du même genre qu'Elon Musk qui voulait aller sur Mars en 5 ans. Et idem pour Monsieur Twitter qui veut produire 1000 fois plus vite avec 0.1% des moyens de production existants. Tous les voyants sont au vert, tout ça est faisable, mais toutes ces prétentions sont 10 ou 100 fois trop ambitieuses.
c'est marrant, selon nature, c'est justement facilement scallable
L'article de Nature liste tout un tas de problèmes potentiels de nature biologiques ou pharmaceutiques, mais ils ne parlent pas de la production industrielle (ou alors je n'ai pas trouvé le passage).
Tu as un papier disant que cet arn est difficile à produire? Car en biochimie c'est déjà pas mal utilisé, donc la production d'arn c'est pas vraiment quelque chose de nouveau et c'est déjà massivement utilisé.
Le problème n'est pas de produire de l'ARN, c'est de produire de l'ARN en quantité (littéralement) industrelle.
We can manufacture bulk antigen using almost all technology platforms.
Qu'est-ce qu'il en sait? Personne n'a jamais fait ça. Je ne dis pas que c'est impossible, je dis juste que ce type c'est un marchand de tapis. Il essaye de te vendre une production de masse pour une technologie qu'il ne maitrise pas.
À noter que Pfeizer et Moderna ont dû investir et agrandir leurs usines pour augmenter leur production, ce qui met complètement à mal l'argument du 99.9% de gain d'échelle.
Les vaccins à ARN restent quelque chose d'hyper-intéressant. La pandémie de COVID a d'ailleurs peut-être fourni un coup de boost essentiel à la généralisation de cette technologie. On peut rêver à voir toute notre panoplie de vaccins mise à jour, avec des efficacités supérieures, une réactivité supérieure (typiquement, c'est ce qui manque pour la grippe), et des effets secondaires plus maitrisés. On peut imaginer des vaccins efficaces contre le HIV, contre Zika, contre Ebola, peut-être même contre le palu. Et à moyen terme, peut-être de nouveaux traitements contre le cancer. C'est génial.
Mais, ça ne va pas se faire demain. Même si c'est rapide, il va falloir quelques années pour inventer des processus industriels efficaces et moins coûteux. Si deux kékés dans leur garage pensent avoir inventé une machine à produire des kilos d'ARN purifié en 15 minutes, alors qu'ils le fassent; ils n'ont pas besoin de lever des brevets ou quoi que ce soit, ils pourront même vendre leurs machines aux boites pharma.
certains concurrents qui disent qu’ils pourraient commencer très rapidement.
Je crois que ce monsieur est en train de monter un énorme pipeau.
"If we get the antigen then the production can start immediately, as we have two and a half production lines sitting idle."
Il faut comprendre : si on me file l'ARN, je peux mettre en bouteille des millions de vaccins. Bah oui, c'est probablement vrai. Sauf que c'est bien la production de masse d'ARN qui est problématique!
"If we have access to mRNA technology, we believe we can easily adapt this technology. We have all the reactors and purification tools required for mRNA vaccine production."
Il faut comprendre : on ne sait pas faire, mais si on nous explique comment, on va bien se débrouiller. Bah oui, c'est probablement vrai aussi. Mais Pfeizer et Moderna ne sont pas de gros débiles : s'il avait été aussi facile que ça de trouver des sous-traitants pour produire des milliards de doses par mois, ils l'auraient fait! D'ailleurs, il me semble que Pfeizer sous-traite le conditionnement en Europe, donc ils font déja ce qui est suggéré (envoyer l'ARN fabriqué à des sous-traitants). C'est juste que le conditionnement n'est pas le point bloquant.
Après, il faudrait voir avec quelqu'un de spécialisé dans la synthèse des ARN à l'échelle industrielle pour savoir réellement ce qui est possible ou non, dans un contexte où la technologie évolue très très vite (il y a 2 ans, il n'avait jamais été question de fabriquer de l'ARN à très grande échelle).
Du coup on peut se demander si c’est juste par principe et peur du précédent, ou par peur de perdre l’exclusivité, ou parce que les concurrents pourraient faire la R&D et la montée en charge plus vite qu’ils ne pourront le faire par eux mêmes.
J'imagine que c'est une pure question de principes : les brevets font partie des actifs de la boîte. C'est un peu comme si on disait "à partir d'aujourd'hui, les voitures d'occasion valent 0€". Ça ne t'empêche pas d'utiliser ta voiture exactement comme hier, mais cette décision a juste fait baisser ton patrimoine mécaniquement, et que personne n'aime voir son patrimoine diminuer.
Théoriquement, ça pourrait même entrainer des faillites comptables (je ne dis pas du tout que les géants pharma sont proches de la faillite hein, c'est juste un raisonnement théorique). Si d'un coup une décision administrative diminue la valeur de ton portefeuille de brevets, tes actifs peuvent mécaniquement passer sous tes dettes, et paf! Faillite du jour au lendemain.
Au fond, ce qui est anormal, c'est de changer les règles en cours de route. Les efforts de R&D sont calibrés par rapport à l'estimation de la valorisation de tes brevets. Il serait beaucoup plus logique de prévoir un rachat des brevets après une évaluation juste, plutôt qu'une annulation arbitraire. Ou bien un grand coup de balai dans la propriété intellectuelle, histoire que les règles soient claires dès le début.
C'est très très inexact (voire complètement faux). Disposer de capacités de production d'ARN synthétique à cette échelle demande un très gros investissement; d'une manière générale, seul un très gros concurrent pourrait envisager de produire un clone du vaccin.
Quoi qu'il en soit, il faudra également investir dans les essais cliniques avant la mise sur le marché du clone (on parle de centaines de M$).
Ces histoires de levées de brevet, c'est un mythe. Et croire que c'est les brevets qui limitent l'accès actuel à la vaccination, c'est un fantasme : la limite est la capacité de production.
En plus, le marché n'est pas si important que ça. Le chiffre d'affaire de l'industrie pharma en France c'est 60 Mrd €; un vaccin par personne en France (30€ pour les 2 doses) c'est < 2 Mrds €, donc 3% du marché. Je ne pense pas que l'enjeu stratégique des vaccins soit si important, surtout quand on prend en compte la concurrence. On peut se monter autant d'histoires qu'on veut sur Big Pharma et les vaccins, mais en réalité, il n'y a pas vraiment matière à renverser la table à cause des vaccins, surtout si on compare à d'autres secteurs de l'industrie pharma où il y a en effet des pratiques scandaleuses.
C'était une idée amusante (et très intéressante, parce que j'aimerais bien savoir exactement quelles informations Facebook possède sur moi), mais je pense que la belle histoire qu'on nous raconte est probablement pipeautée.
Belle histoire : on est des lanceurs d'alerte et on voulait informer le public de la politique de collecte et d'analyse des données personnelles par Facebook; on a mis en place cette campagne, et Facebook, qui ne veut pas que les gens sachent qu'on a des informations sur eux, a bloqué nos publicités.
Histoire crédible : le contrat conclu pour l'accès aux informations personnelles exclut très très très probablement la communication des données à des tiers. Fuite des données -> contrat non respecté -> blocage immédiat.
On peut quand même remarquer que le ciblage des publicités reste quand même très aléatoire. Rien que la localisation est foireuse; sur un abonnement perso, on peut avoir une granularité de 5 à 10 km, et sur une IP pro, on peut facilement être à 500km. Quand on voit la qualité du ciblage des pubs de Google dans gmail quand on désactive l'anti-pub, c'est un peu pathétique… Du style une pub pour Peugeot quand le mail contient "J'ai pris des places de TGV, on est en voiture 16", ou des pubs pour Pampers quand l'email contient "j'ai eu 12/20 au TP de chromatographie sur couche mince". Bref, big brother connait "tout" de vous, mais il y a une grosse quantité d'infos moisies ou inexactes, des problèmes d'homonymie ou de duplication de profils… L'objectif reste d'enrichir les destinataires des pubs en profils plus à même d'être attirés par les trucs vendus, mais je pense qu'on est très très loin de cibler précisément.
Pour l'exemple des pubs Signal, ça serait bien de connaitre le taux d'exactitude pour les différentes informations, et le taux de profils complètement exacts. Et parmi ces profils exacts, combien d'entre eux possèdent des informations que l'utilisateur n'a pas lui-même données dans son profil Facebook.
Je pense que c'est une bonne comparaison. Mais je trouve que le législateur n'a pas du tout les bonnes pratiques. Pour des lois aussi techniques, je pense qu'une approche similaire à un bug tracker serait très efficace : on identifie une faille, on propose un patch, on commite, et il sera dans la prochaine version. On peut aussi auditer pour trouver les failles en amont. S'interfacer avec les autres législations européennes, c'est un peu comme se débrouiller avec des bibliothèques ou des OS dont on ne maitrise pas le fonctionnement, il faut être imaginatif et prévoir les problèmes en amont.
Mais comme tu le dis, il faudrait une vraie volonté. Créer des groupes de travail techniques qui épluchent la fiscalité des grandes entreprises et répertorient les astuces, etc. C'est sûr que si on passe son temps à organiser des dîners de travail, le côté technique n'avance pas.
Je n'ai jamais dit le contraire. Note qu'"évasion fiscale" est ambigü, c'est un concept qui mélange fraude fiscale et optimisation fiscale. Or, l'optimisation fiscale n'est pas illégale, c'est difficile de leur reprocher. Il faut plutôt reprocher à nos juristes et politiques leurs lois fiscales obscures et complexes qui laissent des failles partout.
le non respect d'un grand nombre de réglementations et législations
C'est vague quand même… et ça dépend complètement de la lettre du GAFAM qu'on considère.
Je trouve que cela relativise beaucoup le discours sur le "service inégalé".
Je ne vois pas pourquoi. Je n'ai jamais dit que ces grandes entreprises étaient exemplaires ou que c'était le modèle à suivre. J'ai juste dit que c'était un mensonge de prétendre qu'elles n'avaient pas consuit leur succès en proposant des services nouveaux et utiles.
Il me semble que les Gafam profitent surtout d'une distorsion manifeste de la concurrence
Pour maintenir leur position dominante, certes, mais ils sont bien partis de zéro à un moment. Et de la concurrence sur Internet, entre 2000 et 2010, il y en avait un max : il existait déja des moteurs de recherche avant Google, il existait déja du commerce en ligne avant Amazon, etc. La position dominante, elle a été acquise "à la régulière". Après, la maintenir, c'est plus compliqué. D'une manière générale, l'abus de position dominante me semble complètement constitutif de la position dominante. Comment peux-tu gérer une entreprise dominante sans faire en sorte que tes concurrents ne percent pas?
une absence totale de prise en compte des externalités négatives de leur fonctionnement.
Tu touches un problème majeur de l'économie de marché, mais je ne sais pas si c'est aux grandes entreprises de le gérer. Tu sembles avoir un point de vue à l'américaine sur la question ; ça serait aux grandes entreprises d'être "raisonnables" et de jouer collectif, sans autre incitation que la morale de leurs dirigeants et leur image de marque. C'est comme ça que fonctionne le mécénat ou les dons à des oeuvres de charité, les riches sont censés prendre du recul par rapport aux inégalités et de se charger d'une forme de redistribution.
Honnêtement, je ne pense pas que ça puisse réellement fonctionner comme ça, ou que si ça fonctionne, c'est un coup de change et rien ne dit qu'un actionnaire un peu plus gourmand ne va pas renverser l'équilibre. Et puis, quand les externalités négatives, c'est par exemple la disparition du commerce de proximité, comment tu fais? Est-ce que la généralisation des réseaux d'électricité n'a pas provoqué la faillite des fabricants de bougies?
Le problème, c'est qu'ils ne vont pas te fournir de données internes; il s'agit d'un secteur concurrentiel et ils ne peuvent pas s'amuser à te dire combien ils payent par expertise ou détailler le coût de la gestion d'un sinistre…
Je rejoins complètement un autre commentaire : si tu as l'impression que tu payes trop, fais quelques devis chez les concurrents. Ça te donnera une idée du décalage éventuel, et confirmera si tes doutes sont légitimes.
En théorie, les mutuelles ne font pas de bénéfices, mais c'est une fallacie habituelle de partir du principe qu'elles sont moins chères : si leurs coûts de fonctionnement sont plus élevés par exemple, elles peuvent très bien être plus chères.
Une hausse de 11% me parait aussi assez énorme; est-ce qu'il n'y aurait pas un rattrappage quelconque (par exemple après plusieurs années de stagnation?). Encore une fois, les devis de la concurrence te permettront de savoir ce qu'il en est.
Avec la fin de l'Union Soviétique, il me semble que les coco d'aujourd'hui sont plutôt de tendance libertaire que autoritaire en France. Perso je ne connais aucun stalinien dans mon entourage, et c'est tant mieux
Je ne suis pas certain qu'il y avaient beaucoup de Staliniens en France, même à la grande époque. Par contre, par aveuglement idéologique, beaucoup de communistes défendaient l'indéfendable (en refusant de reconnaitre que le régime soviétique n'avait pas grand chose de communiste).
J'ai quand même l'impression qu'une grosse partie des groupes qu'on pourrait appeler "communistes" en France sont des groupes Trotskystes/syndicalistes (j'avoue que les sous-nuances de Trotskysme m'ont toujours paru très opaques), qui ne sont pas du tout des libertaires (historiquement, il s'agit même de groupes révolutionnaires). Après, la seule force politique réelle est LFI, mais je ne sais pas trop ce qu'il y a de communiste dans leur programme (ni même libertaire). Ils sont d'ailleurs souvent plus anti-libéraux (opposition au libre-échange et protectionnisme) qu'anti-capitalistes. La dimension écologie politique, aussi bienvenue soit-elle, n'est carrément pas communiste non plus.
Sans compter que quand tu achetais un DVD, le bout de plastique était à toi, mais pas le contenu. C'était donc une sorte de droit à vie de regarder le contenu qui ne t'appartenait pas stocké sur le bout de plastique qui t'appartenait. Le jour où le plastique est rayé, fini, ta location à vie était terminée.
En fait, quand on y pense, le streaming, le leasing, etc., c'est du communisme 2.0 : l'abolition de la propriété privée. Tu n'as rien qui est à toi. C'est juste qu'au lieu de l'État, ce sont les grosses boîtes qui possèdent le monde et qui t'en prêtent une partie.
Bah sur ce coup, permet-moi d'être pragmatique. Il y a eu une petite dizaine d'instaurations indépendantes de régimes communistes (ou d'inspiration communiste) dans le monde. Sans aucune exception, ces régimes ont mis en place progressivement ou dès le début un mode de fonctionnement totalitaire : parti unique, pas d'éléctions libres, pas d'opposition politique, pas de sortie démocartique possible du régime communiste. Dans une très large majorité des cas (à l'exception de Cuba, et encore), le régime devient quelque chose qui n'est plus vraiment communiste (disons que l'abolition de la propriété privée marche bien pour les pauvres, mais pas pour tout le monde).
Quand on fait une expérience 10 fois et qu'elle foire 10 fois, on peut avoir toutes les raisons du monde de penser que ça pourrait peut-être marcher la 11ème fois, ça n'est pas très convainquant. Surtout quand on n'a aucune idée de pourquoi ça a foiré 10 fois et de ce qu'il faudrait changer pour que ça marche la 11ème. Du coup, pragmatiquement, jusqu'à preuve du contraire, 1) la mise en place d'un régime communiste se termine toujours par un régime totalitaire, et 2) de nouvelles expériences coûtant des millions de vies humaines, on peut légitimiment douter du rapport coût/bénéfices de toute nouvelle tentative.
Justement, c'est ce que je dis : les seuls concepts qui ont survécu aux puissances communistes, c'est l'absence de démocratie. C'est plus une blague qu'autre chose pour les US, puisque je ne pense pas que Guantanamo ait une parenté idéologique avec les goulags sibériens (c'est plutôt de la convergence évolutive dans ce cas là), mais par contre c'est carrément vrai pour le système politique de la 1ere puissance mondiale.
Sauf que le logiciel (libre ou non) fait figure d’exception dans le droit d’auteur à de nombreux égards.
Le logiciel libre utilise le droit d'auteur de manière originale, mais complètement conforme au cadre légal. Je ne vois pas où tu veux en venir exactement ; tu veux dire qu'il y a des bons droits d'auteur et des mauvais droits d'auteur? Et qui décide de ce qui est bien ou pas? Où est la limite, est-ce que c'est l'argent qui rend le droit d'auteur sale?
L’un d’eux est justement l’absence de sociétés d’auteurs et de maisons de production.
Les maisons de production sont des investisseurs sans qui l'auteur ne pourrait diffuser son oeuvre. Les arts graphiques (peinture, sculpture, etc) sont souvent diffusés sans société de gestion des droits d'auteur, parce que la copie est interdite ou impossible.
La « liberté gigantesque aux auteurs » est en fait donnée à une société privée.
Une société privée à but non lucratif, mieux vaut le préciser quand même. La SACEM trempe dans un tas de magouilles pas jolies (y compris par un lobbying très puissant pour garantir son monopole, ou un système de redistribution douteux), mais il ne faudrait pas qu'on puisse penser que la SACEM exploite les artistes, ça serait absurde.
On peut tout à fait se passer de la SACEM, de nombreux artistes le font. Après, du coup, il faut se débrouiller pour négocier directement, et aucun acteur du système de veut ça (les radios ne veulent pas négocier directement avec X ou Y pour chaque morceau passé). Le système SACEM a aussi des avantages…
Au final, le « droit d’auteur » et ses protection sont dévoyées depuis un moment, effectivement dès avant Internet.
C'est un jugement moral? Dévoyé par rapport à quoi? On parle encore du "bon" et du "mauvais" droit d'auteur? Pour le cinéma par exemple, il y a plusieurs gros acteurs, il y a donc une forme de concurrence. Pour toi, c'est aussi "dévoyé"? Comment dans un monde non dévoyé, un producteur pourrait espérer rentrer dans ses frais? Produire un film ou un album de musique est un investissement parfois très conséquent; toucher un pourcentage sur les ventes (et donc partager les droits patrimoniaux entre l'auteur et le producteur) ne semble pas malsain par défaut, si? Après, ces ayant-droit embauchent des avocats et des employés pour collecter ce que la loi les autorise à collecter et poursuivre en justice ceux qui n'ont pas respecté les licences et contrats… On ferait pareil pour un logiciel libre, et on trouverait ça normal… Non, je ne comprends pas.
Par rapport à la licence globale tout le monde y perd, les artissssss et les consommateurs aussi, mais c’est une forme d’implémentation plus capitalo-libéro-compatible que la licence globale qui fournit le service que n’ont jamais fourni les gros acteurs.
La licence globale semble une généralisation d'un système SACEM que tu sembles dénoncer deux phrases plus haut, donc je ne comprends pas trop. Si elle est intégrée à l'abonnement Internet, elle devient même obligatoire en plus d'être monopolistique, et elle interdit à un acteur de faire valoir ses droits d'auteur différemment que de la manière capitalistico-jenesaispasquoi imposée par le système. Imagine qu'il existe une licence globale logicielle, quelle serait ta position en tant que libriste? Tu ne trouverais pas que la situation est écoeurante, puisque soit le libriste entre dans le système (et abandonne le libre) pour être rémunéré, soit il voit "son" argent lui passer sous le nez et aller vers les acteurs du logiciel propriétaire?
Bref, ton discours me semble assez contradictoire. Tu sembles vouloir opposer les gentils artistes et les gentils consommateurs et les gros acteurs intermédiaires, mais les solutions que tu proposes (licence globale) sont une généralisation d'un système que tu sembles détester (un énorme intérmédiaire monopolistique et incontournable). L'état des lieux actuels (quelques gros acteurs qui ont un gros catalogue et qui gèrent les droits d'auteurs le plus globalement possible en faisant payer une sorte de licence globale pour accéder à leur catalogue) ne semble pas te convenir non plus, mais visiblement payer à l'utilisation non plus.
D'autres mouvements ont connu des défaites : penses aux communistes par exemple
Tu as l'air d'insinuer que le Communisme peut envisager des victoires dans un avenir par trop lointain? À part la surveillance de masse, l'État policier, et le goulag, je ne vois pas trop quelles idées communistes ont de l'avenir dans notre société. Même le concept de classe sociale en tant que grille de lecture de la société est malmené…
J'ai plutôt l'impression que les avancées sociales envisagées (revenu universel, relance par la monnaie hélicoptère, …) sont plutôt d'inspiration libérale (on vous donne X, vous en fait ce que vous voulez) que communiste (on met en place une ressource commune et les règles pour que tout le monde puisse l'utiliser).
J'ai plutôt l'impression que ce qu'on vit, c'est simplement la "normalisation" d'Internet, qui rentre peu à peu dans le cadre législatif du quotidien.
Il faut quand même réaliser que le droit d'auteur et les lois sur la liberté de la presse prédatent Internet de beaucoup. Ces lois ayant été établies avant internet, elles ne prenaient pas en compte la possibilité de partager des fichiers numériques. Il y a donc eu une période au cours de laquelle "on" a pensé que ces lois pouvaient ne pas s'appliquer. Or, c'est mal connaitre le fonctionnement d'une société : après un temps plus ou moins long, les lois s'adaptent. C'est même plutôt sain, je trouve, qu'il n'existe pas à terme de zones de non-droit.
Après, on peut ne pas aimer certaines lois, souhaiter les changer, etc. Mais en soi ça n'a pas grand chose à voir avec l'application des lois.
Le principe du droit d'auteur donne une liberté gigantesque aux auteurs (et aux personnes que les auteurs choisissent pour faire appliquer leurs droits). L'auteur décide presque de tout : qui peut lire/regarder une oeuvre, les conditions de sa rémunération éventuelle, les conditions de la redistribution de l'oeuvre, etc. Les sociétés d'artistes "uniformisent" un peu ces droits, en collectant et redistribuant l'argent selon certaines règles, mais ça n'est pas une obligation. D'ailleurs, il est assez ironique que le logiciel libre doive justement son existence à cette force du droit d'auteur—il faut quand même réaliser que l'auteur d'un logiciel peut imposer les conditions de redistribution à quelqu'un qui l'a acquis légalement, y compris par un achat.
Pendant une vingtaine d'années, Internet a été de facto une zone où le droit d'auteur n'a pas été respecté. On peut toujours considérer ça comme un "espace de liberté", mais c'est assez réducteur comme vision : pour les auteurs qui souhaitaient simplement faire valoir leurs droits, ça ne l'était pas du tout. C'est un peu comme si on considérait une cité de banlieue comme une zone de liberté : pour les dealers, certainement, pour les autres, peut-être moins.
Encore une fois, tout ça, c'est bien indépendant de ce qu'on peut penser du droit d'auteur, ce n'est pas qu'Internet avait des règles différentes, c'est juste qu'on pouvait y faire des choses illégales sans qu'il n'y ait aucune conséquence.
D'ailleurs, c'est loin d'être fini. Il est encore très facile d'accéder à une infinité de fichiers sans l'autorisation des auteurs, et sans risque de poursuite. C'est devenu un peu moins facile peut-être, et moins centralisé qu'au temps de megaupload, mais c'est loin d'avoir changé radicalement.
En ce qui concerne la censure, il faut distinguer ce qui ressort des décisions administratives (qui, en effet, sont du ressort de la censure, comme par exemple le blocage des sites faisait la propagande du terrorisme, etc), et les blocages ordonnés par la justice. Pour de nombreux exemples cités, les blocages sont issus d'une décision de justice, c'est un fonctionnement acceptable et normal dans un État de droit (à moins de ne mettre aucune limite à la liberté de publication). Je trouve d'ailleurs qu'il reste très facile de publier n'importe quoi sans aucune conséquence. Je pense que malgré tout l'arsenal législatif, il n'a jamais été aussi facile de publier et de lire n'importe quoi, y compris des écrits racistes, négationnistes, des mensonges, des propos diffamatoires, de la retape pour les sectes, pour des contenus interdits aux mineurs, des insultes, bref, toute la panoplie de trucs illégaux qui seraient immédiatement censurés dans la presse écrite.
D'ailleurs, les États sont mis devant le fait accompli de l'impossibilité de contrôle, que ça soit par l'exécutif, le législatif, ou le judiciaire. La seule parade est de mettre les hébergeurs devant des responsabilités de filtrage, mais ça va de pair avec une grosse responsabilité, ainsi qu'à des retraits injustifiés.
Ceci dit, au final, il ne faut pas oublier qu'être hébergé par Youtube n'est pas un droit. Le droit fondamental, c'est de ne pas être censuré par l'État. Tant qu'il y a une possibilité d'héberger un contenu et de le diffuser, il n'y a pas d'atteinte à la liberté d'expression. La liberté d'expression n'a rien à voir avec le fait d'ouvrir toutes les plateformes à tout le monde, autrement, les journaux papier devraient publier tout ce que leurs lecteurs leur enverraient, c'est absurde. On a tout a fait le droit de créer un site où tous les contenus parlant de Windows, de vibromasseurs, ou de Rachmaninov sont interdits, et ça n'est pas une atteinte à la liberté d'expression. De même, Youtube a le droit de supprimer les vidéos montrant de courts extraits de films : ces extraits sont probablement légaux (dans un cadre législatif donné et à une date donnée), mais il n'existe pas d'obligation de publier tout ce qui est légal. Ça arrange Youtube pour plein de raisons (se mettre dans la poche des partenaires commerciaux, éviter les procédures, encourager la production de contenus originaux plutôt que les compilations, éviter de se faire reprocher de valider une vidéo et pas une autre, etc); il existe tout plein de plateformes sur lesquelles ont peut diffuser ses vidéos. Ah oui, on ne beneficie plus de la visibilité qu'apporte Youtube. Mais c'est complètement paradoxal de vouloir bénéficier des GAFAM et de critiquer leur monopole de fait.
Bon, bref, au lieu de se plaindre tout le temps de ce que fait Google, du fait que ça devienne plus dur de télécharger, que des acteurs privés s'emparent du marché à coup de services et d'investissements ,on peut aussi se demander pourquoi ces acteurs sont devenus incontournables. Il existe des belles exceptions à cet Internet des GAFAM (Wikipédia est un super exemple) : ça n'est pas une question d'argent, c'est une histoire de service et d'innovation. Le fait est que Youtube est un service inégalé, Google search est un service inégalé, Twitter offre un service inégalé, Amazon offre un service inégalé. D'ailleurs, derrière tous ses services, il y a de réelles innovations algorithmiques, logicielles et logistiques. On peut courrir derrière et rêver à des simili-clones libres, mais je ne comprends pas dans quel monde ça pourrait marcher (à moins que les gens soient prêts à utiliser un service moins bon pour protéger leurs données privées, ce qui me semble peu probable à grande échelle (1: les gens s'en foutent, 2: les données sont déja diffusées).
Bon, bref, je trouve que le problème principal d'Internet aujourd'hui est plus de limiter la visibilité des trucs toxiques pour la société, plutôt que de favoriser la liberté d'expression. Ça n'a pas à passer par la censure, mais plutôt à proposer des algorithmes éthiques qui ont des objectifs utilitaristes—pas facile à imposer à des boîtes privées pour de bonnes raisons, d'ailleurs.
L'économie est une science humaine, pas une science dure. […] Donc tout le monde a sa théorie, mais au final, il est très très dur de savoir quelles mesures engendrent quel résultat,
Le constat est probablement vrai, mais je te trouve très défaitiste. L'histoire des sciences a montré que certains champs disciplinaires noyautés et pourris par une culture non-scientifique pouvaient à terme devenir des voies de recherche tout à fait crédibles. Souvent, ça passe par un remplacement de la communauté par des scientifiques externes qui se reconvertissent. Typiquement, la psychologie a suivi cette voie-ci, grâce notamment aux apports des neurosciences. Malheureusement, il y a souvent un gros décalage entre la réalité d'une discipline et l'image que les gens et les institutons s'en font (par exemple, les experts auxquels la justice fait appel sont encore issus des anciennes pratiques).
Pour l'économie, 1) il semble que notre principale source d'information (média et politiques) soit très déconnectée des travaux universitaires, et 2) ce n'est pas parce que ça patine en France que c'est le cas partout. Par exemple, de ce que je connais des prix Nobels d'économie, ça vole un peu plus haut que l'analyse politique traditionnelle.
Posté par arnaudus .
En réponse au journal La Bourse ou la vie ?.
Évalué à 4.
Dernière modification le 02 avril 2021 à 15:28.
C'est aussi ce que j'ai cru comprendre. Mais en plus, il y a un truc pas clair sur le sens d'"inflation", puisque la planche à billet crée bien de l'inflation monétaire (il y a plus de monnaie); c'est juste que ce "plus de monnaie" ne se traduit pas forcément par une augmentation des prix, contrairement aux théories économiques orthodoxes. Je n'ai pas compris où va la nouvelle monnaie par contre (dans les bulles spéculatives?).
Si j'ai bien compris, cette théorie de l'inflation liée à la planche à billets est fondatrice du modèle Européen, sous pression des Allemands à cause de l'hyperinflation -> Hitler (et paf, point Godwin).
D'ailleurs, le rôle principal de la BCE est de maintenir l'inflation à un niveau désiré (~ 1 ou 2%). Le paradoxe, c'est que certains semblent penser que l'action de la BCE n'a absolument aucun effet sur l'inflation. Il est en effet tout à fait possible que la BCE joue le rôle du gamin qui joue 10 minutes à une démo de jeu vidéo avant de s'apercevoir que c'était une démo et que ses actions sur la manette n'avaient aucun effet; dans un monde aussi complexe, on peut avoir l'illusion qu'une politique économique a une relation de cause à effet (on fait X et ça cause Y), alors que la politique économique ne fait que répondre à une autre cause (il se passe Z qui cause Y, et la BCE répond à Z en faisant X, et croie ainsi que X a causé Y).
J'ai cru comprendre que les politiques économiques en Europe étaient assez éloignées des travaux universitaires, ce qui fait qu'il est tout à fait possible qu'on fasse en fait n'importe quoi tout en étant persuadés de contrôler quelque chose.
Je ne sais pas si c'est surprenant, mais il semble que les gens qui trouvent le système financier révoltant sont ceux qui comprennent le moins comment il fonctionne. Ce n'est pas toujours le cas; par exemple, les gens qui sont anti-religieux connaissent souvent mieux les textes religieux que les croyants, la plupart des végétariens connaissent bien le fonctionnement de l'élevage et de l'industrie qui va avec, etc. Mais la finance, c'est toujours "J'y comprends rien c'est révoltant".
Je m'auto-réponds, mais j'ai oublié d'écrire que l'idée ordo-libérale (sur laquelle est basée le fonctionnement de l'Europe) repose sur l'hypothèse que l'obligation d'emprunter aux banques est censée réguler l'envie d'utiliser trop la planche à billets pour les États. Avec une monnaie commune et des politiques économiques indépendantes, il y a un problème de contrôle : si un État se mettait à faire marcher la planche à billets à fond, la dévaluation serait subie par tout le monde. Du coup, on impose de passer par les marchés, qui sont censés jouer un rôle de régulateur : les marchés ne prêteraient pas à un État qui emprunterait trop pour pouvoir faire rouler sa dette. (Bon, en plus, il y a les règles budgétaires, les 3% du PIB et tout). C'était le compromis pour fonctionner tous ensemble malgré des gouvernements indépendants.
Ça a "bien" marché pour la Grèce : en effet, les marchés ont arrêté de prêter. Par contre, ça a donné l'impression que la suite n'a pas été anticipée : l'effet domino et les conséquences pour tous les pays de la zone Euro. La BCE a rectifié le coup, mais ça a pris du temps, et les Grecs s'en sont pris plein les dents. Au passage, les marchés aussi, parce que la dette a été restructurée (mais quand on prête à des taux d'intérêt de 20%, on accepte les risques).
[^] # Re: Écoutons les Échos à 7h48, il tombe parfois très juste
Posté par arnaudus . En réponse au journal Covid-19 vaccins: Biden soutient la suspension des brevets face à des « circonstances extraordinaire. Évalué à 2.
1) La situation ne pourrait être plus différente. Salk était professeur d'université, il était payé pour réaliser ses travaux (il ne s'agissait pas d'un investissement en R&D).
2) Il a volontairement abandonné son brevet, ce qui reste tout à fait possible (si une grande boîte phrama veut laisser tomber ses brevets, elle peut le faire). Ça n'a rien à voir avec une intervention de l'état qui invaliderait un brevet légalement déposé.
3) Paradoxalement, je pense que cet exemple démontre presque le contraire de ce que tu souhaites probablement faire passer : en effet, après ce genre de choses, on a quasiment arrêté toute recherche pharmaceutique finalisée dans le public. Je ne sais pas s'il y a un un lien de cause à effet, mais en tout cas c'est la réalité. D'ailleurs ça ne serait plus possible actuellement, en France par exemple, un employé public ne peut décider de mettre sa découverte dans le domaine public, et ça m'étonnerait fort qu'un organisme de recherche ou une université s'asseoit sur une ressource potentielle… Donc en effet, il est probable que ce genre de choses ait fini par avoir eu un impact négatif à long terme sur la recherche publique.
Au passage, le versement de royalties des boites pharma vers d'État pourraient contribuer à un transfert de fonds bienvenu entre les utilisateurs de la recherche académique et les universités qui produisent la connaissance. Si les brevets de l'État sont libres, c'est bien pour l'économie et pour la santé publique, mais c'est beaucoup moins bien pour la perennité des organismes de recherche…
[^] # Re: Écoutons les Échos à 7h48, il tombe parfois très juste
Posté par arnaudus . En réponse au journal Covid-19 vaccins: Biden soutient la suspension des brevets face à des « circonstances extraordinaire. Évalué à 2.
Bah en fait, dès qu'il y a un investissement important avec un amortissement sur du long terme, tu risques quand même de destabiliser complètement l'économie en jouant avec les durées de protection. Si tu les raccourcis, tu peux provoquer des faillites comptables; si tu les prolonges, tu vas artificiellement permettre la survie de boîtes qui avaient mal investi, et donc pénaliser celles qui avaient bien calculé leur coup.
Les effets secondaires peuvent être assez pervers; par exemple, s'il devient habituel de lever la protection sur les brevets en cas de nécessité sanitaire, il semble logique que les boîtes vont intégrer ce risque et augmenter les prix des médocs au début de l'exploitation d'une nouvelle molécule.
Après, j'avoue que je ne sais pas exactement de quoi on parle. Est-ce que c'est "open bar" sur la production d'un vaccin entier, est-ce que c'est une obligation de licencier les brevets en échange de royalties calculées par un organisme neutre, est-ce que c'est un rachat du brevet par les États…
Sur le fond, j'ai aussi l'impression que c'est un débat entre ce qui est plus important entre l'état de droit et la réparation des injustices. C'est à mes yeux un faux dilemme, et je n'aime pas du tout l'idée que la réparation des injustices sociales et économiques implique de casser l'état de droit. On oublie tellement l'importance de l'état de droit, c'est comme l'air qu'on respire, il est là, et on ne le voit pas. Du coup, s'il y a des gens qui crèvent de soif, on en vient à dire "l'air on s'en fout, on peut faire une exception, ce qui est important c'est l'eau". Et c'est le genre de trucs qu'on regrette vite…
Bref, oui, les boîtes pharma s'en foutent plein les poches (même si ça n'est pas sur les vaccins qu'elles vont s'en foutre plein les poches), oui il y a des inégalités, mais non, la solution n'est probablement pas d'aller arbitrairement prendre des trucs aux méchants pour les redistrbuer aux gentils, parce que 1) on va vite s'apercevoir que les boites vont essayer de se mettre à l'abri de ce genre de trucs (par exemple, arrêter de travailler sur des molécules qu'on aurait envie de nationaliser, alors que c'est exactement ça qu'on voudrait qu'elles fassent et qu'elles ne font déja pas assez), et 2) parce qu'après les boîtes pharma, ça pourrait bien être d'autres boîtes, puis les particuliers riches, puis les particuliers moins riches… Si on veut redistribuer les ressources, il faut mettre au point des lois qui permettent cette redistribution de ressources, et pas permettre à des gens de s'enrichir légalement puis d'aller leur reprendre des choses après coup. Rien à voir avec pleurer sur le sort des riches (ils ne sont pas du tout à plaindre), c'est pour moi le même principe que de garantir un procès équitable aux pédophiles, c'est quelque chose qu'on se doit de faire dans une société qui fonctionne bien.
[^] # Re: Dommage
Posté par arnaudus . En réponse au lien Facebook bloque une campagne de pubs de Signal sur Instagram. Évalué à 2.
C'est possible, mais légalement, ils n'ont pas le choix. L'article 15 de la RGPD te donne accès à toutes les infos qu'ils ont sur toi (mais pas forcément la structure de leur base de données).
C'est possible mais ça n'est pas garanti. D'une, à moins d'etre très, très, très prudent, il est probable que la quantité d'informations qu'ils possèdent sur la plupart d'entre nous est largement comparable à celle d'une personne "normale" qui ne passe pas sa vie sur Internet (même si on lâche moins d'infos par visite, on visite probablement beaucoup plus de sites); de deux, je suis un lecteur du site et j'utilise volontiers les produits de Google par exemple (gmail, google docs, google maps…) parce que ça juste-marche, et de trois, on peut faire attention sur un PC, mais sur un téléphone, c'est beaucoup plus compliqué d'éviter les pubs et le tracking. Donc au final, je ne suis pas certain qu'il y ait une vraie différence qualitative entre les lecteurs de Linuxfr et les gens "ordinaires".
[^] # Re: Dommage
Posté par arnaudus . En réponse au lien Facebook bloque une campagne de pubs de Signal sur Instagram. Évalué à 3.
Bah on n'en sait rien, c'est un peu le problème. Mais quand même, à quoi servirait de te balancer des pubs mal ciblées si en fait les données étaient exactes? À te rassurer et à te faire croire qu'en fait ils ne savent rien sur toi alors qu'ils savent tout?
Prétendre qu'ils savent tout sur le gens, c'est leur argument de vente publicitaire. Facebook a tout intérêt à convaincre les annonceurs que leurs informations sont exactes. Quelque part, le discours "ils savent avant toi quand tu es malade, quand tu es enceinte, et quand tu vas changer de voiture", c'est à la fois relayé par les associations qui défendent la vie privée, et par les publicitaires! Et aucun des deux n'a intérêt à relayer un message plus nuancé.
Quelque part, l'idée que tout ça est pilotée par le pognon, ça peut aussi, paradoxalement, être rassurant. Il y a toujours eu quelque chose qui m'a étonné par exemple, c'est qu'au vu du coût du stockage, garder autant d'informations sur autant de gens revient à une blinde. Je suis bien d'accord que l'historique de mes achats sur Amazon, c'est de l'or en barre pour chaque ko de données. Mais mes traces GPS, mes logs de connexion à tous les sites qui ont un tracker Twitter ou Facebook, les liens sur lesquels j'ai cliqué… Des Go de données brutes, avec un fort taux d'erreurs ou d'informations obsolètes, ça fait quand même des centaines de $ par an et par individu. Il faut ensuite valoriser ça sous forme de publicités, et que les consommateurs de publicité transforment ça en revenus sur les achats des gens. Il y a donc une limite, une quantité de données au-delà de laquelle le retour sur investissement est impossible. On vit certainement actuellement une sorte de bulle spéculative; typiquement, la capitalisation de Facebook est aux alentours de 500 Mrds €, ce qui représente 100€/être humain, et probablement 500€ par être humain capable de consommer. Le marché de la pub en France, c'est 12 Mrds €, donc < 200€ par personne et par an. Autrement dit, le profil d'un consommateur français chez Facebook est valorisé à 3 ans de publicité totale qu'on peut espérer refourguer à un individu. Ce n'est pas du tout mon domaine de compétences, mais je pense que rationnellement, on n'est pas loin d'une situation débile où le prix où les investisseurs valorisent la pub est supérieur aux revenus qu'on peut tirer d'une campagne publicitaire.
Typiquement, le moindre octet utilisé pour stocker mon ascendant astrologique, c'est un octet "négatif". Un agent rationnel qui me piste suffisamment pour comprendre qu'il n'arrivera jamais à me vendre un truc ésotérique devrait donc supprimer cette information. C'est cet équilibre qui fait que je pense que ces grosses boîtes n'ont que des informations partielles et superficielles sur les gens: pas nécessairement parce que c'est impossible, mais plutôt parce que ça serait trop coûteur de tout stocker, corriger, et analyser.
[^] # Re: Écoutons les Échos à 7h48, il tombe parfois très juste
Posté par arnaudus . En réponse au journal Covid-19 vaccins: Biden soutient la suspension des brevets face à des « circonstances extraordinaire. Évalué à 2.
C'est quand même pas très détaillé. Le paragraphe parle surtout de la rapidité et de la versatilité du processus. Mais sur le fond, on est d'accord : c'est tout à fait faisable de passer à une production massive, c'est même que ce Pfeizer et Moderna ont fait en quelques mois, en investissant quelques centaines de M€ et en construisant et en agrandissant des usines.
Mais de toutes manières, on est d'accord que c'est industrualisable; d'ici fin 2021 on aura produit des milliards de doses de vaccins. Mais c'est juste qu'en un an, il fa fallu multiplier les capacités de production par quoi, 1000 ou 10000? C'est un vrai défi industriel, et les acteurs principaux du marché s'en tirent plutôt honorablement. Ça ne veut pas dire que le monsieur directeur d'usine au Bengladesh n'est pas en train de pipeauter quand il prétend pouvoir démarrer la synthèse dans la semaine et produire un milliard de doses dans l'année—c'est du même genre qu'Elon Musk qui voulait aller sur Mars en 5 ans. Et idem pour Monsieur Twitter qui veut produire 1000 fois plus vite avec 0.1% des moyens de production existants. Tous les voyants sont au vert, tout ça est faisable, mais toutes ces prétentions sont 10 ou 100 fois trop ambitieuses.
[^] # Re: Écoutons les Échos à 7h48, il tombe parfois très juste
Posté par arnaudus . En réponse au journal Covid-19 vaccins: Biden soutient la suspension des brevets face à des « circonstances extraordinaire. Évalué à 4.
L'article de Nature liste tout un tas de problèmes potentiels de nature biologiques ou pharmaceutiques, mais ils ne parlent pas de la production industrielle (ou alors je n'ai pas trouvé le passage).
Le problème n'est pas de produire de l'ARN, c'est de produire de l'ARN en quantité (littéralement) industrelle.
Qu'est-ce qu'il en sait? Personne n'a jamais fait ça. Je ne dis pas que c'est impossible, je dis juste que ce type c'est un marchand de tapis. Il essaye de te vendre une production de masse pour une technologie qu'il ne maitrise pas.
Voir par exemple https://blogs.sciencemag.org/pipeline/archives/2021/02/02/myths-of-vaccine-manufacturing pour une liste de tous les problèmes qui peuvent se poser.
À noter que Pfeizer et Moderna ont dû investir et agrandir leurs usines pour augmenter leur production, ce qui met complètement à mal l'argument du 99.9% de gain d'échelle.
Les vaccins à ARN restent quelque chose d'hyper-intéressant. La pandémie de COVID a d'ailleurs peut-être fourni un coup de boost essentiel à la généralisation de cette technologie. On peut rêver à voir toute notre panoplie de vaccins mise à jour, avec des efficacités supérieures, une réactivité supérieure (typiquement, c'est ce qui manque pour la grippe), et des effets secondaires plus maitrisés. On peut imaginer des vaccins efficaces contre le HIV, contre Zika, contre Ebola, peut-être même contre le palu. Et à moyen terme, peut-être de nouveaux traitements contre le cancer. C'est génial.
Mais, ça ne va pas se faire demain. Même si c'est rapide, il va falloir quelques années pour inventer des processus industriels efficaces et moins coûteux. Si deux kékés dans leur garage pensent avoir inventé une machine à produire des kilos d'ARN purifié en 15 minutes, alors qu'ils le fassent; ils n'ont pas besoin de lever des brevets ou quoi que ce soit, ils pourront même vendre leurs machines aux boites pharma.
[^] # Re: Écoutons les Échos à 7h48, il tombe parfois très juste
Posté par arnaudus . En réponse au journal Covid-19 vaccins: Biden soutient la suspension des brevets face à des « circonstances extraordinaire. Évalué à 2.
Je crois que ce monsieur est en train de monter un énorme pipeau.
"If we get the antigen then the production can start immediately, as we have two and a half production lines sitting idle."
Il faut comprendre : si on me file l'ARN, je peux mettre en bouteille des millions de vaccins. Bah oui, c'est probablement vrai. Sauf que c'est bien la production de masse d'ARN qui est problématique!
"If we have access to mRNA technology, we believe we can easily adapt this technology. We have all the reactors and purification tools required for mRNA vaccine production."
Il faut comprendre : on ne sait pas faire, mais si on nous explique comment, on va bien se débrouiller. Bah oui, c'est probablement vrai aussi. Mais Pfeizer et Moderna ne sont pas de gros débiles : s'il avait été aussi facile que ça de trouver des sous-traitants pour produire des milliards de doses par mois, ils l'auraient fait! D'ailleurs, il me semble que Pfeizer sous-traite le conditionnement en Europe, donc ils font déja ce qui est suggéré (envoyer l'ARN fabriqué à des sous-traitants). C'est juste que le conditionnement n'est pas le point bloquant.
Après, il faudrait voir avec quelqu'un de spécialisé dans la synthèse des ARN à l'échelle industrielle pour savoir réellement ce qui est possible ou non, dans un contexte où la technologie évolue très très vite (il y a 2 ans, il n'avait jamais été question de fabriquer de l'ARN à très grande échelle).
[^] # Re: Écoutons les Échos à 7h48, il tombe parfois très juste
Posté par arnaudus . En réponse au journal Covid-19 vaccins: Biden soutient la suspension des brevets face à des « circonstances extraordinaire. Évalué à 3.
J'imagine que c'est une pure question de principes : les brevets font partie des actifs de la boîte. C'est un peu comme si on disait "à partir d'aujourd'hui, les voitures d'occasion valent 0€". Ça ne t'empêche pas d'utiliser ta voiture exactement comme hier, mais cette décision a juste fait baisser ton patrimoine mécaniquement, et que personne n'aime voir son patrimoine diminuer.
Théoriquement, ça pourrait même entrainer des faillites comptables (je ne dis pas du tout que les géants pharma sont proches de la faillite hein, c'est juste un raisonnement théorique). Si d'un coup une décision administrative diminue la valeur de ton portefeuille de brevets, tes actifs peuvent mécaniquement passer sous tes dettes, et paf! Faillite du jour au lendemain.
Au fond, ce qui est anormal, c'est de changer les règles en cours de route. Les efforts de R&D sont calibrés par rapport à l'estimation de la valorisation de tes brevets. Il serait beaucoup plus logique de prévoir un rachat des brevets après une évaluation juste, plutôt qu'une annulation arbitraire. Ou bien un grand coup de balai dans la propriété intellectuelle, histoire que les règles soient claires dès le début.
[^] # Re: Écoutons les Échos à 7h48, il tombe parfois très juste
Posté par arnaudus . En réponse au journal Covid-19 vaccins: Biden soutient la suspension des brevets face à des « circonstances extraordinaire. Évalué à 2.
C'est très très inexact (voire complètement faux). Disposer de capacités de production d'ARN synthétique à cette échelle demande un très gros investissement; d'une manière générale, seul un très gros concurrent pourrait envisager de produire un clone du vaccin.
Quoi qu'il en soit, il faudra également investir dans les essais cliniques avant la mise sur le marché du clone (on parle de centaines de M$).
Ces histoires de levées de brevet, c'est un mythe. Et croire que c'est les brevets qui limitent l'accès actuel à la vaccination, c'est un fantasme : la limite est la capacité de production.
En plus, le marché n'est pas si important que ça. Le chiffre d'affaire de l'industrie pharma en France c'est 60 Mrd €; un vaccin par personne en France (30€ pour les 2 doses) c'est < 2 Mrds €, donc 3% du marché. Je ne pense pas que l'enjeu stratégique des vaccins soit si important, surtout quand on prend en compte la concurrence. On peut se monter autant d'histoires qu'on veut sur Big Pharma et les vaccins, mais en réalité, il n'y a pas vraiment matière à renverser la table à cause des vaccins, surtout si on compare à d'autres secteurs de l'industrie pharma où il y a en effet des pratiques scandaleuses.
[^] # Re: Dommage
Posté par arnaudus . En réponse au lien Facebook bloque une campagne de pubs de Signal sur Instagram. Évalué à 5.
C'était une idée amusante (et très intéressante, parce que j'aimerais bien savoir exactement quelles informations Facebook possède sur moi), mais je pense que la belle histoire qu'on nous raconte est probablement pipeautée.
Belle histoire : on est des lanceurs d'alerte et on voulait informer le public de la politique de collecte et d'analyse des données personnelles par Facebook; on a mis en place cette campagne, et Facebook, qui ne veut pas que les gens sachent qu'on a des informations sur eux, a bloqué nos publicités.
Histoire crédible : le contrat conclu pour l'accès aux informations personnelles exclut très très très probablement la communication des données à des tiers. Fuite des données -> contrat non respecté -> blocage immédiat.
On peut quand même remarquer que le ciblage des publicités reste quand même très aléatoire. Rien que la localisation est foireuse; sur un abonnement perso, on peut avoir une granularité de 5 à 10 km, et sur une IP pro, on peut facilement être à 500km. Quand on voit la qualité du ciblage des pubs de Google dans gmail quand on désactive l'anti-pub, c'est un peu pathétique… Du style une pub pour Peugeot quand le mail contient "J'ai pris des places de TGV, on est en voiture 16", ou des pubs pour Pampers quand l'email contient "j'ai eu 12/20 au TP de chromatographie sur couche mince". Bref, big brother connait "tout" de vous, mais il y a une grosse quantité d'infos moisies ou inexactes, des problèmes d'homonymie ou de duplication de profils… L'objectif reste d'enrichir les destinataires des pubs en profils plus à même d'être attirés par les trucs vendus, mais je pense qu'on est très très loin de cibler précisément.
Pour l'exemple des pubs Signal, ça serait bien de connaitre le taux d'exactitude pour les différentes informations, et le taux de profils complètement exacts. Et parmi ces profils exacts, combien d'entre eux possèdent des informations que l'utilisateur n'a pas lui-même données dans son profil Facebook.
[^] # Re: Normalisation
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 2.
Je pense que c'est une bonne comparaison. Mais je trouve que le législateur n'a pas du tout les bonnes pratiques. Pour des lois aussi techniques, je pense qu'une approche similaire à un bug tracker serait très efficace : on identifie une faille, on propose un patch, on commite, et il sera dans la prochaine version. On peut aussi auditer pour trouver les failles en amont. S'interfacer avec les autres législations européennes, c'est un peu comme se débrouiller avec des bibliothèques ou des OS dont on ne maitrise pas le fonctionnement, il faut être imaginatif et prévoir les problèmes en amont.
Mais comme tu le dis, il faudrait une vraie volonté. Créer des groupes de travail techniques qui épluchent la fiscalité des grandes entreprises et répertorient les astuces, etc. C'est sûr que si on passe son temps à organiser des dîners de travail, le côté technique n'avance pas.
[^] # Re: Normalisation
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 3.
Je n'ai jamais dit le contraire. Note qu'"évasion fiscale" est ambigü, c'est un concept qui mélange fraude fiscale et optimisation fiscale. Or, l'optimisation fiscale n'est pas illégale, c'est difficile de leur reprocher. Il faut plutôt reprocher à nos juristes et politiques leurs lois fiscales obscures et complexes qui laissent des failles partout.
C'est vague quand même… et ça dépend complètement de la lettre du GAFAM qu'on considère.
Je ne vois pas pourquoi. Je n'ai jamais dit que ces grandes entreprises étaient exemplaires ou que c'était le modèle à suivre. J'ai juste dit que c'était un mensonge de prétendre qu'elles n'avaient pas consuit leur succès en proposant des services nouveaux et utiles.
Pour maintenir leur position dominante, certes, mais ils sont bien partis de zéro à un moment. Et de la concurrence sur Internet, entre 2000 et 2010, il y en avait un max : il existait déja des moteurs de recherche avant Google, il existait déja du commerce en ligne avant Amazon, etc. La position dominante, elle a été acquise "à la régulière". Après, la maintenir, c'est plus compliqué. D'une manière générale, l'abus de position dominante me semble complètement constitutif de la position dominante. Comment peux-tu gérer une entreprise dominante sans faire en sorte que tes concurrents ne percent pas?
Tu touches un problème majeur de l'économie de marché, mais je ne sais pas si c'est aux grandes entreprises de le gérer. Tu sembles avoir un point de vue à l'américaine sur la question ; ça serait aux grandes entreprises d'être "raisonnables" et de jouer collectif, sans autre incitation que la morale de leurs dirigeants et leur image de marque. C'est comme ça que fonctionne le mécénat ou les dons à des oeuvres de charité, les riches sont censés prendre du recul par rapport aux inégalités et de se charger d'une forme de redistribution.
Honnêtement, je ne pense pas que ça puisse réellement fonctionner comme ça, ou que si ça fonctionne, c'est un coup de change et rien ne dit qu'un actionnaire un peu plus gourmand ne va pas renverser l'équilibre. Et puis, quand les externalités négatives, c'est par exemple la disparition du commerce de proximité, comment tu fais? Est-ce que la généralisation des réseaux d'électricité n'a pas provoqué la faillite des fabricants de bougies?
# Confidentialité
Posté par arnaudus . En réponse au message Statistiques des sinistres automobiles ?. Évalué à 3.
Le problème, c'est qu'ils ne vont pas te fournir de données internes; il s'agit d'un secteur concurrentiel et ils ne peuvent pas s'amuser à te dire combien ils payent par expertise ou détailler le coût de la gestion d'un sinistre…
Je rejoins complètement un autre commentaire : si tu as l'impression que tu payes trop, fais quelques devis chez les concurrents. Ça te donnera une idée du décalage éventuel, et confirmera si tes doutes sont légitimes.
En théorie, les mutuelles ne font pas de bénéfices, mais c'est une fallacie habituelle de partir du principe qu'elles sont moins chères : si leurs coûts de fonctionnement sont plus élevés par exemple, elles peuvent très bien être plus chères.
Une hausse de 11% me parait aussi assez énorme; est-ce qu'il n'y aurait pas un rattrappage quelconque (par exemple après plusieurs années de stagnation?). Encore une fois, les devis de la concurrence te permettront de savoir ce qu'il en est.
[^] # Re: La vie est un combat…
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 3.
Je ne suis pas certain qu'il y avaient beaucoup de Staliniens en France, même à la grande époque. Par contre, par aveuglement idéologique, beaucoup de communistes défendaient l'indéfendable (en refusant de reconnaitre que le régime soviétique n'avait pas grand chose de communiste).
J'ai quand même l'impression qu'une grosse partie des groupes qu'on pourrait appeler "communistes" en France sont des groupes Trotskystes/syndicalistes (j'avoue que les sous-nuances de Trotskysme m'ont toujours paru très opaques), qui ne sont pas du tout des libertaires (historiquement, il s'agit même de groupes révolutionnaires). Après, la seule force politique réelle est LFI, mais je ne sais pas trop ce qu'il y a de communiste dans leur programme (ni même libertaire). Ils sont d'ailleurs souvent plus anti-libéraux (opposition au libre-échange et protectionnisme) qu'anti-capitalistes. La dimension écologie politique, aussi bienvenue soit-elle, n'est carrément pas communiste non plus.
[^] # Re: Streaming
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 4.
Bah ça ne change pas grand chose, puisque le contenu du DVD ne t'appartenait pas non plus.
Non, bien sûr que non.
C'est illégal. Ton seul devoir est de remettre en état quand tu pars.
C'est illégal aussi (sauf dans un meublé de tourisme).
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F2693
[^] # Re: Streaming
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 3.
Sans compter que quand tu achetais un DVD, le bout de plastique était à toi, mais pas le contenu. C'était donc une sorte de droit à vie de regarder le contenu qui ne t'appartenait pas stocké sur le bout de plastique qui t'appartenait. Le jour où le plastique est rayé, fini, ta location à vie était terminée.
En fait, quand on y pense, le streaming, le leasing, etc., c'est du communisme 2.0 : l'abolition de la propriété privée. Tu n'as rien qui est à toi. C'est juste qu'au lieu de l'État, ce sont les grosses boîtes qui possèdent le monde et qui t'en prêtent une partie.
[^] # Re: La vie est un combat…
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 5.
Bah sur ce coup, permet-moi d'être pragmatique. Il y a eu une petite dizaine d'instaurations indépendantes de régimes communistes (ou d'inspiration communiste) dans le monde. Sans aucune exception, ces régimes ont mis en place progressivement ou dès le début un mode de fonctionnement totalitaire : parti unique, pas d'éléctions libres, pas d'opposition politique, pas de sortie démocartique possible du régime communiste. Dans une très large majorité des cas (à l'exception de Cuba, et encore), le régime devient quelque chose qui n'est plus vraiment communiste (disons que l'abolition de la propriété privée marche bien pour les pauvres, mais pas pour tout le monde).
Quand on fait une expérience 10 fois et qu'elle foire 10 fois, on peut avoir toutes les raisons du monde de penser que ça pourrait peut-être marcher la 11ème fois, ça n'est pas très convainquant. Surtout quand on n'a aucune idée de pourquoi ça a foiré 10 fois et de ce qu'il faudrait changer pour que ça marche la 11ème. Du coup, pragmatiquement, jusqu'à preuve du contraire, 1) la mise en place d'un régime communiste se termine toujours par un régime totalitaire, et 2) de nouvelles expériences coûtant des millions de vies humaines, on peut légitimiment douter du rapport coût/bénéfices de toute nouvelle tentative.
[^] # Re: La vie est un combat…
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 3.
Justement, c'est ce que je dis : les seuls concepts qui ont survécu aux puissances communistes, c'est l'absence de démocratie. C'est plus une blague qu'autre chose pour les US, puisque je ne pense pas que Guantanamo ait une parenté idéologique avec les goulags sibériens (c'est plutôt de la convergence évolutive dans ce cas là), mais par contre c'est carrément vrai pour le système politique de la 1ere puissance mondiale.
[^] # Re: Normalisation
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 2.
Le logiciel libre utilise le droit d'auteur de manière originale, mais complètement conforme au cadre légal. Je ne vois pas où tu veux en venir exactement ; tu veux dire qu'il y a des bons droits d'auteur et des mauvais droits d'auteur? Et qui décide de ce qui est bien ou pas? Où est la limite, est-ce que c'est l'argent qui rend le droit d'auteur sale?
Les maisons de production sont des investisseurs sans qui l'auteur ne pourrait diffuser son oeuvre. Les arts graphiques (peinture, sculpture, etc) sont souvent diffusés sans société de gestion des droits d'auteur, parce que la copie est interdite ou impossible.
Une société privée à but non lucratif, mieux vaut le préciser quand même. La SACEM trempe dans un tas de magouilles pas jolies (y compris par un lobbying très puissant pour garantir son monopole, ou un système de redistribution douteux), mais il ne faudrait pas qu'on puisse penser que la SACEM exploite les artistes, ça serait absurde.
On peut tout à fait se passer de la SACEM, de nombreux artistes le font. Après, du coup, il faut se débrouiller pour négocier directement, et aucun acteur du système de veut ça (les radios ne veulent pas négocier directement avec X ou Y pour chaque morceau passé). Le système SACEM a aussi des avantages…
C'est un jugement moral? Dévoyé par rapport à quoi? On parle encore du "bon" et du "mauvais" droit d'auteur? Pour le cinéma par exemple, il y a plusieurs gros acteurs, il y a donc une forme de concurrence. Pour toi, c'est aussi "dévoyé"? Comment dans un monde non dévoyé, un producteur pourrait espérer rentrer dans ses frais? Produire un film ou un album de musique est un investissement parfois très conséquent; toucher un pourcentage sur les ventes (et donc partager les droits patrimoniaux entre l'auteur et le producteur) ne semble pas malsain par défaut, si? Après, ces ayant-droit embauchent des avocats et des employés pour collecter ce que la loi les autorise à collecter et poursuivre en justice ceux qui n'ont pas respecté les licences et contrats… On ferait pareil pour un logiciel libre, et on trouverait ça normal… Non, je ne comprends pas.
La licence globale semble une généralisation d'un système SACEM que tu sembles dénoncer deux phrases plus haut, donc je ne comprends pas trop. Si elle est intégrée à l'abonnement Internet, elle devient même obligatoire en plus d'être monopolistique, et elle interdit à un acteur de faire valoir ses droits d'auteur différemment que de la manière capitalistico-jenesaispasquoi imposée par le système. Imagine qu'il existe une licence globale logicielle, quelle serait ta position en tant que libriste? Tu ne trouverais pas que la situation est écoeurante, puisque soit le libriste entre dans le système (et abandonne le libre) pour être rémunéré, soit il voit "son" argent lui passer sous le nez et aller vers les acteurs du logiciel propriétaire?
Bref, ton discours me semble assez contradictoire. Tu sembles vouloir opposer les gentils artistes et les gentils consommateurs et les gros acteurs intermédiaires, mais les solutions que tu proposes (licence globale) sont une généralisation d'un système que tu sembles détester (un énorme intérmédiaire monopolistique et incontournable). L'état des lieux actuels (quelques gros acteurs qui ont un gros catalogue et qui gèrent les droits d'auteurs le plus globalement possible en faisant payer une sorte de licence globale pour accéder à leur catalogue) ne semble pas te convenir non plus, mais visiblement payer à l'utilisation non plus.
[^] # Re: La vie est un combat…
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 3.
Tu as l'air d'insinuer que le Communisme peut envisager des victoires dans un avenir par trop lointain? À part la surveillance de masse, l'État policier, et le goulag, je ne vois pas trop quelles idées communistes ont de l'avenir dans notre société. Même le concept de classe sociale en tant que grille de lecture de la société est malmené…
J'ai plutôt l'impression que les avancées sociales envisagées (revenu universel, relance par la monnaie hélicoptère, …) sont plutôt d'inspiration libérale (on vous donne X, vous en fait ce que vous voulez) que communiste (on met en place une ressource commune et les règles pour que tout le monde puisse l'utiliser).
# Normalisation
Posté par arnaudus . En réponse au journal Nostalgie d'Internet des années 2000.. Évalué à 9.
J'ai plutôt l'impression que ce qu'on vit, c'est simplement la "normalisation" d'Internet, qui rentre peu à peu dans le cadre législatif du quotidien.
Il faut quand même réaliser que le droit d'auteur et les lois sur la liberté de la presse prédatent Internet de beaucoup. Ces lois ayant été établies avant internet, elles ne prenaient pas en compte la possibilité de partager des fichiers numériques. Il y a donc eu une période au cours de laquelle "on" a pensé que ces lois pouvaient ne pas s'appliquer. Or, c'est mal connaitre le fonctionnement d'une société : après un temps plus ou moins long, les lois s'adaptent. C'est même plutôt sain, je trouve, qu'il n'existe pas à terme de zones de non-droit.
Après, on peut ne pas aimer certaines lois, souhaiter les changer, etc. Mais en soi ça n'a pas grand chose à voir avec l'application des lois.
Le principe du droit d'auteur donne une liberté gigantesque aux auteurs (et aux personnes que les auteurs choisissent pour faire appliquer leurs droits). L'auteur décide presque de tout : qui peut lire/regarder une oeuvre, les conditions de sa rémunération éventuelle, les conditions de la redistribution de l'oeuvre, etc. Les sociétés d'artistes "uniformisent" un peu ces droits, en collectant et redistribuant l'argent selon certaines règles, mais ça n'est pas une obligation. D'ailleurs, il est assez ironique que le logiciel libre doive justement son existence à cette force du droit d'auteur—il faut quand même réaliser que l'auteur d'un logiciel peut imposer les conditions de redistribution à quelqu'un qui l'a acquis légalement, y compris par un achat.
Pendant une vingtaine d'années, Internet a été de facto une zone où le droit d'auteur n'a pas été respecté. On peut toujours considérer ça comme un "espace de liberté", mais c'est assez réducteur comme vision : pour les auteurs qui souhaitaient simplement faire valoir leurs droits, ça ne l'était pas du tout. C'est un peu comme si on considérait une cité de banlieue comme une zone de liberté : pour les dealers, certainement, pour les autres, peut-être moins.
Encore une fois, tout ça, c'est bien indépendant de ce qu'on peut penser du droit d'auteur, ce n'est pas qu'Internet avait des règles différentes, c'est juste qu'on pouvait y faire des choses illégales sans qu'il n'y ait aucune conséquence.
D'ailleurs, c'est loin d'être fini. Il est encore très facile d'accéder à une infinité de fichiers sans l'autorisation des auteurs, et sans risque de poursuite. C'est devenu un peu moins facile peut-être, et moins centralisé qu'au temps de megaupload, mais c'est loin d'avoir changé radicalement.
En ce qui concerne la censure, il faut distinguer ce qui ressort des décisions administratives (qui, en effet, sont du ressort de la censure, comme par exemple le blocage des sites faisait la propagande du terrorisme, etc), et les blocages ordonnés par la justice. Pour de nombreux exemples cités, les blocages sont issus d'une décision de justice, c'est un fonctionnement acceptable et normal dans un État de droit (à moins de ne mettre aucune limite à la liberté de publication). Je trouve d'ailleurs qu'il reste très facile de publier n'importe quoi sans aucune conséquence. Je pense que malgré tout l'arsenal législatif, il n'a jamais été aussi facile de publier et de lire n'importe quoi, y compris des écrits racistes, négationnistes, des mensonges, des propos diffamatoires, de la retape pour les sectes, pour des contenus interdits aux mineurs, des insultes, bref, toute la panoplie de trucs illégaux qui seraient immédiatement censurés dans la presse écrite.
D'ailleurs, les États sont mis devant le fait accompli de l'impossibilité de contrôle, que ça soit par l'exécutif, le législatif, ou le judiciaire. La seule parade est de mettre les hébergeurs devant des responsabilités de filtrage, mais ça va de pair avec une grosse responsabilité, ainsi qu'à des retraits injustifiés.
Ceci dit, au final, il ne faut pas oublier qu'être hébergé par Youtube n'est pas un droit. Le droit fondamental, c'est de ne pas être censuré par l'État. Tant qu'il y a une possibilité d'héberger un contenu et de le diffuser, il n'y a pas d'atteinte à la liberté d'expression. La liberté d'expression n'a rien à voir avec le fait d'ouvrir toutes les plateformes à tout le monde, autrement, les journaux papier devraient publier tout ce que leurs lecteurs leur enverraient, c'est absurde. On a tout a fait le droit de créer un site où tous les contenus parlant de Windows, de vibromasseurs, ou de Rachmaninov sont interdits, et ça n'est pas une atteinte à la liberté d'expression. De même, Youtube a le droit de supprimer les vidéos montrant de courts extraits de films : ces extraits sont probablement légaux (dans un cadre législatif donné et à une date donnée), mais il n'existe pas d'obligation de publier tout ce qui est légal. Ça arrange Youtube pour plein de raisons (se mettre dans la poche des partenaires commerciaux, éviter les procédures, encourager la production de contenus originaux plutôt que les compilations, éviter de se faire reprocher de valider une vidéo et pas une autre, etc); il existe tout plein de plateformes sur lesquelles ont peut diffuser ses vidéos. Ah oui, on ne beneficie plus de la visibilité qu'apporte Youtube. Mais c'est complètement paradoxal de vouloir bénéficier des GAFAM et de critiquer leur monopole de fait.
Bon, bref, au lieu de se plaindre tout le temps de ce que fait Google, du fait que ça devienne plus dur de télécharger, que des acteurs privés s'emparent du marché à coup de services et d'investissements ,on peut aussi se demander pourquoi ces acteurs sont devenus incontournables. Il existe des belles exceptions à cet Internet des GAFAM (Wikipédia est un super exemple) : ça n'est pas une question d'argent, c'est une histoire de service et d'innovation. Le fait est que Youtube est un service inégalé, Google search est un service inégalé, Twitter offre un service inégalé, Amazon offre un service inégalé. D'ailleurs, derrière tous ses services, il y a de réelles innovations algorithmiques, logicielles et logistiques. On peut courrir derrière et rêver à des simili-clones libres, mais je ne comprends pas dans quel monde ça pourrait marcher (à moins que les gens soient prêts à utiliser un service moins bon pour protéger leurs données privées, ce qui me semble peu probable à grande échelle (1: les gens s'en foutent, 2: les données sont déja diffusées).
Bon, bref, je trouve que le problème principal d'Internet aujourd'hui est plus de limiter la visibilité des trucs toxiques pour la société, plutôt que de favoriser la liberté d'expression. Ça n'a pas à passer par la censure, mais plutôt à proposer des algorithmes éthiques qui ont des objectifs utilitaristes—pas facile à imposer à des boîtes privées pour de bonnes raisons, d'ailleurs.
[^] # Re: Intérêts
Posté par arnaudus . En réponse au journal La Bourse ou la vie ?. Évalué à 4.
Le constat est probablement vrai, mais je te trouve très défaitiste. L'histoire des sciences a montré que certains champs disciplinaires noyautés et pourris par une culture non-scientifique pouvaient à terme devenir des voies de recherche tout à fait crédibles. Souvent, ça passe par un remplacement de la communauté par des scientifiques externes qui se reconvertissent. Typiquement, la psychologie a suivi cette voie-ci, grâce notamment aux apports des neurosciences. Malheureusement, il y a souvent un gros décalage entre la réalité d'une discipline et l'image que les gens et les institutons s'en font (par exemple, les experts auxquels la justice fait appel sont encore issus des anciennes pratiques).
Pour l'économie, 1) il semble que notre principale source d'information (média et politiques) soit très déconnectée des travaux universitaires, et 2) ce n'est pas parce que ça patine en France que c'est le cas partout. Par exemple, de ce que je connais des prix Nobels d'économie, ça vole un peu plus haut que l'analyse politique traditionnelle.
[^] # Re: Intérêts
Posté par arnaudus . En réponse au journal La Bourse ou la vie ?. Évalué à 4. Dernière modification le 02 avril 2021 à 15:28.
C'est aussi ce que j'ai cru comprendre. Mais en plus, il y a un truc pas clair sur le sens d'"inflation", puisque la planche à billet crée bien de l'inflation monétaire (il y a plus de monnaie); c'est juste que ce "plus de monnaie" ne se traduit pas forcément par une augmentation des prix, contrairement aux théories économiques orthodoxes. Je n'ai pas compris où va la nouvelle monnaie par contre (dans les bulles spéculatives?).
Si j'ai bien compris, cette théorie de l'inflation liée à la planche à billets est fondatrice du modèle Européen, sous pression des Allemands à cause de l'hyperinflation -> Hitler (et paf, point Godwin).
D'ailleurs, le rôle principal de la BCE est de maintenir l'inflation à un niveau désiré (~ 1 ou 2%). Le paradoxe, c'est que certains semblent penser que l'action de la BCE n'a absolument aucun effet sur l'inflation. Il est en effet tout à fait possible que la BCE joue le rôle du gamin qui joue 10 minutes à une démo de jeu vidéo avant de s'apercevoir que c'était une démo et que ses actions sur la manette n'avaient aucun effet; dans un monde aussi complexe, on peut avoir l'illusion qu'une politique économique a une relation de cause à effet (on fait X et ça cause Y), alors que la politique économique ne fait que répondre à une autre cause (il se passe Z qui cause Y, et la BCE répond à Z en faisant X, et croie ainsi que X a causé Y).
J'ai cru comprendre que les politiques économiques en Europe étaient assez éloignées des travaux universitaires, ce qui fait qu'il est tout à fait possible qu'on fasse en fait n'importe quoi tout en étant persuadés de contrôler quelque chose.
[^] # Re: Journal vide…
Posté par arnaudus . En réponse au journal La Bourse ou la vie ?. Évalué à 3.
Je ne sais pas si c'est surprenant, mais il semble que les gens qui trouvent le système financier révoltant sont ceux qui comprennent le moins comment il fonctionne. Ce n'est pas toujours le cas; par exemple, les gens qui sont anti-religieux connaissent souvent mieux les textes religieux que les croyants, la plupart des végétariens connaissent bien le fonctionnement de l'élevage et de l'industrie qui va avec, etc. Mais la finance, c'est toujours "J'y comprends rien c'est révoltant".
[^] # Re: Intérêts
Posté par arnaudus . En réponse au journal La Bourse ou la vie ?. Évalué à 3.
Je m'auto-réponds, mais j'ai oublié d'écrire que l'idée ordo-libérale (sur laquelle est basée le fonctionnement de l'Europe) repose sur l'hypothèse que l'obligation d'emprunter aux banques est censée réguler l'envie d'utiliser trop la planche à billets pour les États. Avec une monnaie commune et des politiques économiques indépendantes, il y a un problème de contrôle : si un État se mettait à faire marcher la planche à billets à fond, la dévaluation serait subie par tout le monde. Du coup, on impose de passer par les marchés, qui sont censés jouer un rôle de régulateur : les marchés ne prêteraient pas à un État qui emprunterait trop pour pouvoir faire rouler sa dette. (Bon, en plus, il y a les règles budgétaires, les 3% du PIB et tout). C'était le compromis pour fonctionner tous ensemble malgré des gouvernements indépendants.
Ça a "bien" marché pour la Grèce : en effet, les marchés ont arrêté de prêter. Par contre, ça a donné l'impression que la suite n'a pas été anticipée : l'effet domino et les conséquences pour tous les pays de la zone Euro. La BCE a rectifié le coup, mais ça a pris du temps, et les Grecs s'en sont pris plein les dents. Au passage, les marchés aussi, parce que la dette a été restructurée (mais quand on prête à des taux d'intérêt de 20%, on accepte les risques).